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Michetz, le rônin de la BD

L'année qui s'achève a vu disparaître plusieurs figures majeures de la bande dessinée, des artistes qui ont marqué de leur empreinte le neuvième art. Qu'ils aient été maîtres du trait, conteurs d'histoires inoubliables ou explorateurs de nouveaux horizons graphiques, ces auteurs laissent derrière eux une œuvre qui continue d'inspirer lecteurs et créateurs. Retour sur ces parcours singuliers qui ont enrichi notre imaginaire collectif et fait rayonner la BD bien au-delà de ses frontières.

Retour sur une disparition marquante dans le monde de la BD cette année. Le nom de Michetz est et restera intimement associé au Japon médiéval, sa passion, qu'il a su restituer avec un immense talent. L'artiste est décédé le 7 janvier 2025, à l'âge de 73 ans.

Si l'oeuvre de Marc Michetz, de son vrai nom Marc Degroide, est centrée exclusivement sur cette thématique, il a fait ses armes dans le studio de Jean Graton. On a du mal à l'imaginer dessiner des voitures de course ou des décors contemporains ! Mais dès qu'il entame des travaux personnels, c'est au Japon qu'il se consacre. Les lecteurs du journal de Tintin de la fin des années 70 ont pu lire deux récits courts dessinés par ses soins : une histoire authentique de quatre pages sur des rônins (samouraïs sans maîtres) et une fiction de sept pages sur un samouraï, Mutsuro. Michetz collabore aussi à la revue Spatial, pour cette fois une trentaine de planches avec comme héros un autre samouraï : Hito le banni (édité bien des années après dans un album éponyme à tirage limité aujourd’hui épuisé). Le ton est donné.

Couverture du T.13 de Kogaratsu : Taro, aux éditions Dupuis (2014)

Couverture du T.13 de Kogaratsu : Taro, aux éditions Dupuis (2014)

Mais il faut attendre février 1983 pour que Michetz soit vraiment découvert par le public avec le début de la publication dans le journal de Spirou du premier épisode des aventures du rônin Kogaratsu, sur scénario de Bosse. Avec ce dernier, Michetz a trouvé le partenaire qu'il lui fallait : un autre passionné du Japon médiéval. Il y aura 14 albums au total, le dernier paraissant en 2014. Donc environ un album tous les deux ans. Les deux premiers tomes sont édités dans l'éphémère collection Dupuis Aventures ; le 3e tome gagne son indépendance et n'est pas inscrit dans une collection particulière. Puis, à partir du 4e tome, Kogaratsu rejoint la prestigieuse collection Repérages que la série ne quittera plus.

Un album

Le 13e tome d'une série signée Michetz et Bosse
© Dupuis, 2014

Michetz aura peu publié par ailleurs. Il travaille dans les années 90 avec Yann sur les deux épisodes de Tako, histoires plus sensuelles que la série grand public Kogaratsu. Mais Tako se situe également dans le Japon médiéval. Avec ce même scénariste, il fera une histoire courte cette fois sous l'angle de l'humour : Le repos du samouraï dans Sales petits contes T.2.

Donc Michetz était un auteur rare. Chaque histoire qu'il a mis en image est une petite merveille graphique. Sa maîtrise de l'art de l’encrage est totale. Comme dans un art martial, on sent à la fois l'énergie et l'harmonie. Son coup de pinceau est somptueux. Il pratiquait ou avait pratiqué par ailleurs des arts martiaux tel le kendo, le karaté et l'iaï (l’art de dégainer son sabre avec fluidité !). Tout est lié.

Ces dix dernières années, il ne faisait plus de bande dessinée car il s'était tourné vers l'illustration, qui a ses propres contraintes, l’occasion pour l’artiste de relever de nouveaux défis et de s’aventurer sur le terrain de la couleur directe. Quelques belles expositions lui ont été consacrées, organisées notamment par la galerie Huberty-Breyne à Bruxelles. Et on voyait régulièrement en vente sur Internet de splendides dessins, parfois érotiques, qu'il réalisait avec toujours comme sujet le Japon traditionnel. Il a d'ailleurs fait de nombreux voyages dans ce pays à la source de son art.

Que ce soit en bande dessinée ou en illustration, on ressent face à son travail l'amour intense qu'il portait au dessin, sa quête du trait le plus juste, du rendu le plus parfait possible. L'homme était réputé très critique face à son propre travail.

Par ailleurs, les lecteurs de la série Le gang Mazda savent que Michetz était un des trois personnages principaux de cette série dessinée par Christian Darasse, inspirée de sa vie en atelier avec Yslaire (qui scénarisa les deux premiers tomes) et Michetz. En réalité, ce dernier n'est resté que six mois dans l'atelier. Mais dans la BD, on le voit tout au long des sept albums, stakhanoviste du travail, enchaîné à sa table à dessin, et brandissant un katana quand il était contrarié ! C'est tout à fait comme cela qu'on imagine Michetz : un bourreau du travail perfectionniste, entier de caractère.

Nous n'oublierons pas cet auteur passionné au trait virtuose.


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