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La Fiction de la ville de François Schuiten et Benoît Peeters

Rêver Paris

Avoir travaillé sur de réels projets architecturaux à Paris a stimulé votre imagination ?

François Schuiten : J’ai autant besoin du réel que de la liberté créative du dessin. Leur confrontation apporte la crédibilité et me permet d’éviter de faire « n’importe quoi », et dans ce cas, de rendre fonctionnelle l’architecture de notre Paris.

Il faut aussi qu’il y ait un récit en architecture. L’architecture imagine des lieux de vie et d’histoire, de récit et d’émotion. Si on les isole de cette dimension imaginaire, on les rend simplement utilitaires, et j’en ai marre de l’utilitaire. J’aime les « espaces perdus » qui ne sont ni littéraux et ni transparents.

Benoît Peeters : Comme le grenier dans une maison. Il faut trouver l’équivalent du grenier dans la ville moderne, l’équivalent d’une pièce non utilitaire.

Avez-vous eu à lutter contre les clichés visuels de Paris ?

Benoît Peeters : Il y a une imagerie de Paris qui est inévitable, puisque sans elle on ne reconnaîtrait pas la ville. Dans l’expo, François travaille sur Notre-Dame ou la tour Eiffel, même si l’on aurait pu choisir avec autant de plaisir des monuments moins connus.

L’imaginaire de notre héroïne est aussi nourri de ces visions iconiques. L’intérêt reste de confronter cette vision iconique à la réalité, mais il n’est pas possible de s’en passer totalement.

Pourquoi avoir choisi l’univers d’Albert Robida pour donner corps à la vision fantasmée de Paris de Kârinh ?

François Schuiten : Je suis un enfant de Robida ! Il fait partie des dessinateurs qui m’ont nourri et m’ont donné envie d’avancer. Donner vie à ses visions de Paris, c’est un hommage en même temps qu’une manière de le présenter à un public nouveau.

Benoît Peeters : Robida montrait un Paris en progrès, foisonnant et joyeux. Mais c’était aussi un nostalgique pour qui conserver le « vieux Paris » était vital. Il nous est aussi arrivé d’être traités de nostalgiques. Comme lui, nous sommes peut être tiraillés entre une vision très moderniste de Paris et un attachement à sa mémoire.

Pourquoi ne révéler votre vision de Paris au XXIIe siècle que dans le deuxième tome de Revoir Paris ?

Benoît Peeters : Prenez le Yéti dans Tintin au Tibet : il n’est longtemps évoqué que par des rumeurs, des témoignages et ses traces de pas. Si l’on ne construit pas l’image du Yéti dans la tête du lecteur avant de le montrer, ce n’est qu’un grand singe. L’attente autour de la ville fait partie du récit.

Revoir Paris est-il aussi un moyen de vous positionner quant aux débats sur les politiques urbaines parisiennes ?

Benoît Peeters : On s’est retrouvés engagés sur ce débat lorsque l’on a commencé le travail sur l’exposition. C’est un aspect qui n’est pas présent dans l’album, l’histoire y prime sur les implications politiques ou morales.

En revanche, l’exposition nous permet de montrer une partie du récit que font les architectes de Paris. Une ville n’a pas seulement besoin de fonction mais aussi de fiction !

François Schuiten : Ces débats sont vieux comme la ville. Ce que l’on expose, c’est le regard des images et le récit qu’elles dévoilent. On peut certes leur donner une dimension politique, mais l’important c’est de prendre plaisir à imaginer la ville, à la regarder et à se l’approprier. Notre but c’est de provoquer cette envie, donc de désenclaver le débat, pas d’affirmer une position politique.

Des projets pour l’avenir ?

Benoît Peeters : D’abord évidemment, finir le cycle Revoir Paris, qui est un énorme travail. Parallèlement, François travaille sur un projet d’énorme musée du train en Belgique…

François Schuiten : Tout à fait, le Train World. Mon précédent album, La Douce, a été pensé en lien avec cette future exposition, qui devrait ouvrir en Belgique dans les prochains mois !

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