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Aux sources du feuilleton

Pierre Allary dessine depuis 2013 les missions de Silas Corey, scénarisées par Fabien Nury. Dans une Europe qui se dirige sans trop le savoir vers la fin du premier conflit mondial, Silas Corey, agent du 2e bureau, les services secrets français, enquête sur une affaire qui pourrait changer le cours de la guerre… Retour sur les origines d’un thriller historique efficace, véritable hommage aux romans-feuilletons du début du siècle...

Un polar composite

Comment as-tu commencé à travailler sur Silas Corey ?

Pierre Alary : J’ai tout simplement contacté Fabien Nury ! J’avais envie de travailler avec quelqu’un dont j’aime le travail. Et il était aussi intéressé par mon boulot, ce qui tombait plutôt bien. On a discuté un peu : à l’époque, il m’a proposé plusieurs projets qu’il avait en tête, dont Silas Corey donc, à l’écriture duquel il s’était attaqué depuis quelques temps. J’aimais bien l’ambiance, un peu polar, un peu roman-feuilleton. L’idée c’était de se retrouver sur une BD populaire, un peu à l’ancienne mais en surfant sur ce que l’on adore : le polar, le feuilleton, les références historiques. Je pense au final qu’on a réussi à créer un héros d’aventure plutôt efficace !

On a essayé de faire de la bonne BD de genre. On essaie de donner tout ce qu’on a, c’est vraiment une série qu’on prend plaisir à réaliser !

Comment avez-vous construit le personnage de Silas Corey, graphiquement ?

En cherchant ! Pour le coup, Fabien avait quelques recommandations : il voulait les cheveux blancs et un air un peu dandy, la trentaine. À partir de ces critères, on resserre facilement : il fallait qu’il ait de la tenue, un air droit. Surtout, il ne fallait pas qu’il sourie ! J’ai d'ailleurs dû corriger plusieurs cases où il souriait. Je voulais en faire une sorte de James Bond en fait ! Il devait être digne et suffisamment physique pour ne pas gigoter pour rien !

Pour Nam, c’est peut être un peu méchant, mais je suis resté dans les clichés du second couteau asiatique pour le dessiner ! Il m’est venu plus facilement que Silas, pour qui j’ai fait plusieurs propositions. Mais au final, Nam est un vrai personnage, je prends plaisir à le dessiner, et je pense qu’on a réussi à lui donner une véritable personnalité et un vrai rôle malgré tout.


Comment avez-vous travaillé le contexte historique ?

La fin de la Première Guerre mondiale est une période super-riche, que ce soit en termes politiques ou sociaux ! C’est vrai qu’en fouillant un peu, on peut trouver des périodes précises qui ne sont pas abordées si souvent en BD. L’Allemagne de la fin de la Première Guerre mondiale par exemple. C’est un peu exotique et très intéressant. On a même envisagé un temps de placer l’intrigue au Moyen-Orient. C’est vraiment la période parfaite pour ce genre d’histoire !

On a aussi fait le choix de faire apparaître plusieurs personnages historiques, pour faire ressortir le côté « véridique », rendre l’histoire plus crédible, broder de la fiction autour de l’histoire !


L’antagoniste de Silas, Madame Zarkoff, est un véritable monument de machiavélisme. Difficile à traiter graphiquement ?

Non, au contraire ! Les salauds sont toujours un peu plus faciles à dessiner à mon sens, parce ben… Ils ont des têtes de salaud quoi [rires]. Après, nous n’en avons pas fait une méchante basique, c’était effectivement le côté machiavélique qui nous intéressait, son côté « politicien stratège ». C’est une industrielle machiavélique, cynique, elle va donc forcément chercher à vendre des armes pendant la Première Guerre mondiale, et à tout le monde si possible !

Quelque part, je pense que c’est là qu’elle se retrouve avec Silas. S’ils sont clairement opposés, Silas reste lui aussi un cynique, même s’il n’est pas machiavélique. Je pense qu’au fond ils « s’apprécient », se respectent du moins. Ils auraient même pu travailler ensemble dans d’autres circonstances. Elle aurait sûrement apprécié avoir quelqu’un comme Silas de son côté ! Mais elle reste prête à tuer tout le monde si nécessaire. Pas lui.

Aux origines du genre

Comment travaillez-vous les environnements et les décors historiques ?

Beaucoup de documentation, il n’y a pas de secrets ! J’avais déjà énormément de documentation d’époque sur Paris, j’avais le projet de faire une ambiance un peu élizabethaine, et Paris c’est une ville qui a assez peu bougé depuis le début du siècle par rapport à d’autres, notamment Munich !

Après, plusieurs films et romans m’ont aussi aidé à recréer l’ambiance polar à laquelle Fabien et moi sommes attachés. Sur le troisième tome, on a plus de place pour développer ces ambiances.

Vos couvertures ont un côté graphique très affirmé. Quel était votre objectif en les réalisant ?

Je n’aime pas les couvertures trop chargées, le fond blanc m’est donc apparu comme une bonne option assez rapidement, même si en général les éditeurs n’apprécient que moyennement. Mais c’est ce qui me plaisait ici.

Ensuite, il nous fallait une pose un peu iconique ! Je voulais que l’effet soit semblable à celui de la silhouette de James Bond par exemple : une pose symbolique et iconique ! J’ai pas mal cherché. Il fallait trouver le bon équilibre : ne pas trop en montrer, ne pas trop en cacher. À un moment donné, j’ai même envisagé de repasser sur une couverture plus classique, fond noir, plus de couleurs, etc. Jusqu’à finalement finir par arriver, après pas mal d’hésitations, sur les ambiances que j’avais travaillé au début.

Comment se passe le découpage de l’histoire ?

C’est sans fin ! ! Pour le deuxième tome, on a fait 4 versions du story-board ! J’aime qu’il soit fait au mieux avant d’entamer la suite. Fabien écrit en pensant vraiment au rythme de l'histoire, ce qui m’aide pour le story-board, mais parfois, je passe à côté de certains trucs. Vu que l’on travaille à deux, il relit les story-boards ce qui nous permet de faire les modifications assez rapidement, pour retrouver le rythme qu’il écrit ou le modifier légèrement si besoin.

Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Je plonge toujours dans les classiques du noir et blanc, Milton Caniff ou Will Eisner particulièrement ces temps-ci. J’essaie de comprendre comment ils gèrent les ombres, les aplats, etc. Et c’est pas évident ! C’est plus de souffrance que de plaisir [rires], c’est là que tu vois le fossé qui nous sépare de ces dessinateurs de génie, et ils faisaient plus d’un strip par jour !

Pour Silas Corey, il n’y a pas eu de source d’inspiration « absolue », c’est un mélange de beaucoup d’influences, du polar, de romans, de documentation historique, etc. Et puis il y a l’esprit du roman-feuilleton, les personnages récurrents d’un cycle à l’autre,. C’est vraiment le principe même du genre, assez populaire en BD depuis le début, en témoignent les Tintin, Bernard Prince, Bob Morane, Blake & Mortimer, etc.

D’autres projets une fois ce nouveau cycle achevé ?

Je ne sais pas encore si l’on recommencera immédiatement un nouveau cycle après celui-ci. Je ne travaille pas sur d’autres projets en ce moment, mais je réfléchis à d’autres choses, j’ai beaucoup d’envies ! J’écrirais bien un projet à quatre mains, pourquoi pas une adaptation de roman, ou un western, ou l’adaptation d’un western ! Rien de définitif pour le moment !

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