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Mélodie d’amour à New York

Love is in the air à Greenwich Village ! Antonio Lapone met dans de superbes cases le New York bohème des années 60 sur un scénario pétillant de Gihef. Le dessinateur au trait enlevé vient sur la naissance de cette jolie comédie romantique.

Une comédie tirée des années 60

Comment est née cette série ?

Antonio Lapone : Gihef a sonné chez moi avec son idée. Tous les deux, on avait envie de sortir pour la rentrée un album qui donne de la joie. En ce moment, il y a beaucoup de BD autour de la guerre ou avec des zombies : pour prendre le contre-pied de ces univers, on voulait faire quelque chose comme ce qu’on voyait à la télé dans les années 60. Des films pour passer un bon moment. On avait envie de s’amuser et comme on aime tous les mêmes films et les mêmes époques, ce fut assez facile de se mettre d’accord.

Certains éditeurs avaient d’ailleurs rejeté la comédie à cause de son ton ! Ils voulaient un ou des malheurs pour « densifier » l’histoire : un cancer, le sida, etc. Un éditeur nous a même dit qu’il avait peur de proposer une comédie à l’heure actuelle…

Comment avez-vous travaillé de concert sur cette comédie ?

Gihef réussit à faire des gags avec tout, on voit que la comédie l’a imprégné. J’ai réadapté juste son scénario au niveau découpage, mais tout le reste est de lui. J’aime la case extrême, me demander que faire avec une case très allongée ou ondulée. D’abord je m’imagine des cases de toutes les formes et puis je me demande si c’est esthétique. J’y ajoute ensuite des détails. Je veux m’amuser et que, lorsque les gens ouvrent l’album, ils soient surpris…

Je me suis aussi amusé à cacher des personnages dans les cases, comme ici où on voit vraiment Greenwich Village comme le quartier Bohème qu’il était. J’ai caché là Bob Dylan jouant ses premières ballades, Monsieur Hulot… Aujourd’hui si on veut retrouver l’esprit Greenwich, il faut aller à Brooklyn ! À New York à l’époque, quand on parlait mal, avec des gros mots, la maman disait « attention, on n’est pas à Greenwich ici… »

Pour la couleur, Anne-Claire Jouvray a travaillé sur une palette très personnelle. Au début, on voulait une palette plutôt monochromatique, mais comme ça fait trop élitiste, on l’a changé. Adam Clarks avait déjà un grand format, qui fait peur à certains par son esthétique. On a donc revu la palette pour rendre cette BD accessible au plus grand monde.

Vos personnages sont aussi extrêmement stylisés…

Comme j’adore la publicité des années 50 et 60, mes bases artistiques sont piochées là-bas. Et comme ma femme est folle de mangas, je m’y suis mis aussi. Et là, j’ai découvert des maîtres : leurs personnages sont des acteurs qui jouent des expressions à merveille !

Une histoire chorale, c’est très difficile à faire. Certains pensent que pour commencer la BD, je prends la première page et hop, c’est parti. Alors qu’avant, je fais des tonnes de recherches graphiques avec de nombreuses versions de chaque personnage jusqu’à ce qu’il soit juste. Par exemple pour le petit gamin, j’ai regardé plein de publicités des années 60 avec des garnements terribles, qu’on a enfin de baffer !

Je dois avouer qu’avant être un dessinateur BD, je suis un graphiste publicitaire, donc un album me prend énormément de temps, car je veux que tout colle. Les Unes de l’époque, ce qui passait à la télé, avec quel générique, la pub, le jingle… je m’amuse beaucoup à faire tous ces détails ! C’est complètement maniaque : d’abord j’accumule la documentation, ensuite, je ne la regarde plus et je dessine.

Pour me documenter, je voyage d’abord sur google maps, puis je me déplace ! En fait, je déteste passer pour un touriste avec la carte à la main. Donc je la garde planquée jusqu’à ce que je sois vraiment perdu ! Quand je me suis baladé dans Greenwich, j’ai pu sentir cet effet village à New York.

Les clichés comme terrain de jeu !

Quant à vos bruitages, ils occupent quasiment la place d’un personnage !

La case du kidnapping avec l’immense démarrage de la voiture vient directement du dessin animé ! Comme je suis né en Italie, j’ai plutôt baigné dans le comics que dans le franco-belge. J’y ai découvert les cases qui variaient énormément et où les personnages sortaient des cases, encerclé parfois par des bruitages.

Vous jouez d’ailleurs avec les stéréotypes, notamment, l’italien fou amoureux qui répète « Cara mia »…

Quand Gihef m’a montré le projet, il m’a dit « excuse moi, Antonio, il y a un Italien dans la BD.» J’ai rigolé ! Il m’a fallu jouer avec le cliché du riche gaga italien très démonstratif. Sa cigarette, ses yeux charmeurs : un cliché parmi d’autres qu’on a adoré reprendre !

D’ailleurs pour la fin qui se déroule à Rome, on a fait une sélection des clichés sur cette ville. La vespa, la bouche de la vérité : tout est tiré du film Vacances romaines avec Audrey Hepburn, qui a crée ces clichés de l’Italie ! Comme ça fonctionne dans la comédie, on en joue !

Cette histoire aurait pu s’arrêter au cliché du baiser sur le toit…

Sauf que c’est une histoire chorale. On veut vraiment raconter l’histoire de cet immeuble et de ses environs… mais pas seulement : on va y inclure pas mal de choses de l’époque, comme la guerre avec le mari de Macalister qui reviendra du Vietnam.

Ce qu’on connaît des années 50-60, c’est le côté idyllique : les gens bien habillés, les belles voitures, le design… On est nostalgique de cette beauté mais à part ça l’époque était vraiment « merdique » : la femme n’avait pas de droits, il y avait la guerre, pas de presse libre, le mouvement homosexuel n’existait pas…

D’où vos précisions souvent en note, sur la chasse aux communistes de McCarthy, par exemple…

Oui, on veut vraiment en parler : montrer d’un côté une histoire joyeuse mais pas pour autant oublier les côtés sombres de cette époque.

D’ailleurs Bebe, votre héroïne hôtesse de l’air, est une femme en avance sur son époque…

Tout à fait ! En plus, c’est une fille qui n’arrive même pas à imaginer son pouvoir érotique. Elle vit comme elle l’entend et c’est tout : c’est un peu l’héroïne de cet album malgré elle.

On joue certes avec le fantasme de l’hôtesse de l’air, pour mettre en avant cette époque où l’avion était pour une élite et donc où être hôtesse de l’air c’était y appartenir… Elle a beaucoup d’admirateurs, et le vit simplement.

Et qui sera le héros du deuxième tome ?

Cole, l’artiste, va décider de bâtir une communauté hippie. Donc on va parler des hippies ! Et le frère de Bebe Newman arrive dans le quartier et, en même temps, il y a des vols qui commencent… Comme le concierge est très intéressé par tout ce qui se passe dans le voisinage, les aventures ne font que commencer !

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