Le Kabbaliste de Prague, nouveau roman de Marek Halter, contient ésotérisme, persécutions et romance au cœur du XVIIIe siècle. Il n'en fallait pas plus à Pierre Makyo pour se lancer dans une nouvelle adaptation BD. Retour sur un exercice dont ce scénariste est devenu le spécialiste.
Avant Le Kabbaliste de Prague, vous aviez déjà scénarisé une BD tirée d’un autre roman Marek Halter. Qu’est-ce qui vous a attiré dans l’exercice périlleux d’adapter un roman pour la bande dessinée ?
Pierre Makyo : L'exercice n'est pas si périlleux que ça. J’aime assez ce genre d’exercice. Lorsque l’histoire est bonne et forte, il faut simplement dégager la ligne dramaturgique de la gangue littéraire et s’efforcer de faire vivre les personnages par l’action et les dialogues.
Et Marek Halter est avant tout un grand raconteur d’histoires. Il trouve toujours des postulats de base originaux et forts. Notamment celui du Kabbaliste de Prague où deux hommes se font la promesse audacieuse de marier leurs enfants avant même leur naissance. Finalement, ce ne sont pas les contextes historiques mais les idées originales et puissantes.
Y a-t-il eu une scène du roman particulièrement compliquée pour vous à transcrire en BD ?
En réalité toutes les scènes d’explication philosophique ou spirituelle sont compliquées. Il faut savoir résumer, voire expliciter des concepts parfois très développés dans le livre où les mots ont plus de place.
Avec Le Kabbaliste de Prague, vous vous penchez sur les vagues de Pogroms du XVI-XVIIe siècle. Comment ce contexte historique tendu a-t-il nourri votre découpage ?
J'ai tenu à y injecter essentiellement la description de ce mystère, de ce désordre du cœur et de la pensée, cette abomination millénaire dont l’église catholique est largement responsable : l’antisémitisme.
Comme dans le roman, j'ai introduit les références au contexte historique et à la culture juive par le biais de David, le narrateur. La seule difficulté réside dans le principe de faire apparaître les écrits du narrateur : je devais toujours les synthétiser de manière à ce que les informations n’accaparent pas l’image. Et pour limiter les effets de voix off, j'ai essayé de les traduire en action à chaque fois que c’était possible.
A part le roman, avez-vous puisé dans d’autres sources documentaires ?
Je connaissais déjà le mythe du Golem, et j’ai eu la chance de visiter Prague il y a quelques années, avant la révolution de velours. C’est une ville où le mystère est partout. Chaque quartier, chaque ruelle, chaque pierre évoque le mystère des origines, de la religion ou de l’alchimie. J'y ai ajouté mon goût pour tous les ésotérismes en général et les religions comparées.
Vous avez travaillé avec de nombreux dessinateurs. Comment avez-vous été amené à confier le dessin du Kabbaliste de Prague à Luca Raimondo ?
Je travaille avec une agent de dessinateurs italiens qui s’efforce à chaque fois de trouver le meilleur dessinateur en fonction de l’histoire. Ce qui n'est pas toujours facile...
Nous travaillons ensemble très facilement. Je lui envoie le scénario entièrement découpé et il me pose des questions sur les personnages, les décors etc. Je fournis parfois des documents photographiques dont je me suis moi-même servi pour me mettre dans l’ambiance.
Pour certains lieux comme la ville juive de Jofesov à Prague ou l’Uraniborg qui n’existent plus, nous avons essayé de trouver quelques éléments sur Internet et Luca a reconstitué les décors à partir de ce qu’il avait pu trouver.
La couleur de la BD semble répondre à la palette des peintres de l’époque. Avez-vous donné des indications en ce sens ?
J'en ai beaucoup parlé avec Antoine Quaresma qui a mis en couleurs les planches de Luca Raimondo. J’ai déjà travaillé avec Antoine et c’est un coloriste que j’apprécie tout particulièrement pour les nuances souvent picturales qu’il introduit dans la couleur informatique.
Bien que le Golem apparaît en filigrane de cet album. Aviez-vous des exigences concernant sa représentation ?
Seule exigence : la sobriété. Et le mystère. Ne pas en faire trop et s’efforcer de coller à une possible « réalité » de l’apparition de ce personnage mythique.
Cette série est annoncée en deux tomes. Après ce diptyque, quel est votre prochain projet ?
Tout à fait autre chose : un projet de western fantastique avec Sicomoro.
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