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Fabrice Le Hénanff, attiré par les heures sombres de l’Histoire

La BD de guerre, c’est la marotte de Fabrice Le Hénanff. Après Les Caméléons autour d’un régiment de peintres-soldats spécialisés dans le camouflage, Ostfront et Westfront qui narrent la vie de trois hommes sur le front entre 1942 et 1943, il sort Wannsee. Il nous a parlé de son travail de titan autour d’une conférence déterminante dans la mise en œuvre de la Solution finale.

Votre goût pour l’Histoire remonte à longtemps ?

Fabrice Le Hénanff : J’ai ce goût pour l’Histoire depuis tout petit. Gamin, j’ai été marqué par trois films que j’ai vus à la télé : Shoah de Claude Lanzmann, Nuit et brouillard d’Alain Resnais et De Nuremberg à Nuremberg de Frédéric Rossif. J’ai été profondément bouleversé par une scène où les Anglais poussent les cadavres dans des fosses avec des tractopelles. Je me suis ensuite très vite intéressé à l’Histoire, toutes périodes confondues. Puis je suis devenu de plus en plus féru des deux guerres mondiales. Je ne sais pas pourquoi.

Ce que j’aime, ce n’est pas simplement parler des conflits, mais trouver des histoires autour qui n’ont pas été racontées. Comme ces riches Belges qui sont partis aider les Russes à combattre les Austro-Hongrois avec leurs voitures de luxe transformées en automitrailleuses. Coincés en Russie en 1914, ils ont mis cinq ans à rentrer en Belgique via les États-Unis. C’est une histoire incroyable !

Comment avez-vous travaillé pour Wannsee ?

Je devais être le plus proche de la réalité : avec un tel sujet, il n’y avait pas de place pour la fantaisie. La mise en place de la Solution finale à Wannsee en banlieue de Berlin est résumée en quelques lignes dans les manuels scolaires. Il n’existe pas de développement : qu’est-ce que Wannsee, pourquoi, qui a participé ? Il fallait trouver les participants, le texte de la conférence et creuser une histoire autour.

En réalité, cette conférence était un apéro dînatoire avec quelques propositions : tout était déjà en place pour la Solution finale, il s’agissait surtout de voir comment et qui gère « le problème »... J’ai dû convaincre Casterman : il y a eu plusieurs moutures d’essai. Ils voulaient que mon dessin devienne moins réaliste. Je l’avais d’abord colorisé, comme Ostfront et Westfront, mais ça ne collait pas au sujet. J’ai refait les planches en noir et blanc, mais Casterman n’appréciait pas mon style ultra-réaliste.


J’ai opté pour un crayonné avec un jus de couleur : cette version est passée mais difficilement. J’ai dû refaire une page où figurait une étoile de David, enlever les rires dans tout le récit et changer ma fin : j’étais parti sur une fin fictive mais sur les conseils d’une historienne du Mémorial de la Shoah, j’ai opté pour la fin historique. Il m’a fallu deux ans pour écrire l’histoire et dessiner les 81 planches.

Vous avez mené un sacré travail de recherches historiques…

Il a fallu trouver les rares photos qui existaient pour les quinze personnages et retrouver le texte de la conférence traduit. Je voulais le placer en intégralité et j’ai réussi. J’ai organisé mon scénario autour de ce fil rouge. Tous les personnages présents étaient impliqués dans le processus de solution finale : c’est la trame sur laquelle j’ai brodé. Essentielle, la villa est une sorte de seizième personnage, qui est d’ailleurs devenue un musée.


Sur quoi travaillez-vous désormais ?

Je bosse sur un album sur Monet pour le musée de Giverny avec Jean-François Miniac au scénario. On raconte une journée dans la vie du peintre, du lever au coucher.

Sinon j’ai plein d’autre idées sur la guerre et trois projets d’écritures : un sur le portrait de Churchill qu’il avait brûlé car il ressemblait à un vieillard, j’aimerais adapter Au cœur des ténèbres de Conrad même si ça déjà été fait. Enfin, j’aimerais faire un album sur le 7 avril 1945 : la Luftwaffe voulait envoyer une centaine d’avions kamikazes pour détruire un millier d’avions américains qui bombardaient l’Allemagne. Le projet a finalement été abandonné. Ce sera une BD sur le fanatisme, le sacrifice et la folie.

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