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Tardi : « Je ne suis pas un historien de 14-18 »

Pour 14-18, Jacques Tardi est-il la référence incontournable en BD ? Il dit que non. En novembre 2018 se terminera la commémoration du centenaire de la Grande Guerre. Tardi revient sur sa remise en lumière du premier conflit mondial, puis du second, avec la fresque Stalag II B. Un tout indissociable à ses yeux.

S’il y a un qualificatif que Tardi récuse, c’est bien celui de référence pour sa vision de 14-18 : « Je ne suis pas historien. Je travaille à la hargne. Je peux être révolté par un fait, le faire remonter à la surface car il m’a rendu hors de moi. Je ne fais pas une étude précise comme un historien. Je n’ai pas de mission. » Quand Jacques Tardi s’est glissé dans la peau des Poilus, c’est aussi parce que, familialement, comme chez beaucoup de Français, les souvenirs persistaient...

Tardi est un homme libre indigné et pas très optimiste. Que va-t-il rester de 14 dans la mémoire collective ? « Je n’en sais rien. Je suis consterné par l’ignorance des gens. Mes interviews commencent toujours par « Ah, Tardi encore dans vos tranchées. C’est une obsession ? » Les gens n’ont pas compris que nous vivons les conséquences de cette guerre comme le découpage du Moyen-Orient. Si on ne sait pas que cela se passe en 1916 pour la Palestine, on ne peut pas comprendre notre présent. »

« Une souffrance indescriptible »

Avec beaucoup de pudeur, l’auteur de Putain de guerre ! ne se fait pas d’illusions sur l’impact de son travail : « Mes images sont à des années lumière de la vérité vraie, une illustration relativement gentille par rapport à la souffrance indescriptible du soldat. Même la littérature ne peut en rendre compte. Je m’interroge toujours pour comprendre pourquoi ces types sont restés au front. »

Est-ce que tout a été dit sur le conflit ? Tardi n’en est pas certain. « On retrouve dans des greniers des photos, des correspondances. J’en ai lu récemment où l’expression « putain de guerre » revient souvent. On trouvera encore des témoignages qui vont nous éclairer. Mais ce qui remonte, c’est ce qui a été masqué sous le joli maquillage de l’héroïsme : des jeunes gens conscients qu’on les fait mourir pour des intérêts qui ne les concernent pas. » D’où une avancée, car c’est la Mission du centenaire qui a suscité ces découvertes épistolaires tardives.

« Je crois que j’ai fait le tour »

Tardi est précis sur cette Mission avec laquelle il aurait dû travailler : « J’ai été contacté au tout début pour faire une fresque, un long panorama sous un chapiteau, cinq à six mètres de haut. Elle aurait raconté toute la guerre. Au moment où cela devait se faire, ils m’ont refilé la Légion d’Honneur. Je ne l’ai pas acceptée. Plus de fresque. Après j’ai lu que je ne m’en sentais pas capable. C’était de bonne guerre ! » Pas de regrets pour Tardi. Si on lui demande s’il a lu d’autres BD que les siennes sur 14, il murmure un « oui mais ne me demandez pas lesquelles » car il leur reproche « le manque de documentation pour le dessin, le traitement. Je vois des dessinateurs qui ne savent pas dessiner le casque français. »

Pour lui 14-18, c’est fini : « Je crois que j’ai fait le tour, encore que ce soit impossible. Il faut arrêter, non ? Après 14-18, je suis passé à la suivante » avec les trois tomes de Stalag II B dont le dernier vient de sortir. Et après la guerre, que fera-t-il ? « Dans l’immédiat, et c’est peut-être la première fois que ça m’arrive, je n’ai pas de projet. Il y a un Adèle Blanc-Sec que j’ai commencé. Je me demande si je le termine. » La boucle est bouclée. Au moins pour la Grande Guerre et la saga familiale. Ensuite, pas sûr car il a des idées d’adaptations de romans. Mais ce sera une, ou d’autres histoires.

Article publié dans le magazine Zoo n°68 Novembre - Décembre 2018

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