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Arleston, de Drakoo à Danthrakon

Il est l’auteur de près de 180 ouvrages et a vendu plus de 15 millions d’exemplaires, l’incontournable créateur des univers de Troy et rédacteur en chef pendant 20 ans du Lanfeust Mag : à 55 ans Christophe Arleston se lance un nouveau défi en se tentant une expérience d’éditeur.

Avec Olivier Sulpice, scénariste et patron des éditions Bamboo, il crée une nouvelle maison d’édition, Drakoo, présentée comme un « passeport pour les mondes imaginaires ». Il signe d’ailleurs avec Olivier Boiscommun le premier album fantasy du catalogue, Danthrakon, l’histoire d’un cuisinier magicien... Pour donner à voir les contrées que Drakoo nous réserve, Arleston nous explique sa vision et ses ambitions d’éditeur. Il nous présente également Danthrakon et les albums à venir.

Comment est né le projet Drakoo ?

Christophe Arleston : La fin de Lanfeust Mag m’a donné l’occasion d’étudier la proposition d’Olivier Sulpice qui souhaitait étendre son activité d’éditeur à un genre qu’il ne maîtrise pas, la fantasy. Depuis des années, il me relançait régulièrement pour qu’on s’associe dans un projet d’édition dédié aux mondes imaginaires et dont j’assurerais la direction éditoriale.

C’est pour cela qu’on a créé une structure neuve dont Bamboo est l’actionnaire principal et dont je suis le second actionnaire. Ainsi je suis libre de prendre de vraies décisions stratégiques ou éditoriales. En pratique, il s’avère qu’Olivier, qui est à l’origine scénariste, et moi nous entendons très bien. De fait, si j’ai effectivement le dernier mot, nous échangeons beaucoup sur tous les projets, et jusqu’à présent nous tombons toujours d’accord.

Sur quoi reposent le concept et l’originalité de Drakoo ?

Il ne s’agit pas pour nous de réinventer un domaine qui est déjà largement exploité, et avec beaucoup de talent chez d’autres éditeurs. Il s’agit plutôt de s’appuyer sur toute la subjectivité de mon expérience propre, celle qui intéressait Olivier, pour développer un catalogue cohérent et construit. Depuis mes débuts, la fantasy qui n’était que peu répandue, a beaucoup évolué. Mes goûts personnels et les attentes du public ont également changé. Aujourd’hui les gens ont beaucoup plus de références et possèdent les codes du genre, ce qui nous permet de traiter les scénarios avec de plus grandes amplitudes créatives.

Vous avez annoncé un mode exceptionnel de rémunération des auteurs. Qu’en est-il concrètement ?

Je fais partie des fondateurs du syndicat des auteurs de BD, je fais partie du conseil d’administration de la ligue des auteurs professionnels et je reste fermement attaché à mon engagement pour la défense des auteurs. Je tenais à ce que mes auteurs puissent accéder à du 14 % de rémunération. Après concertation et calculs, Olivier m’a proposé plus encore que ce que j’imaginais. Nos auteurs sont ainsi payés 12 % au démarrage, 13 % à 20 000 exemplaires vendus et 14 % à 40 000. C’est une très grande satisfaction pour moi et un exemple qui j’espère va être suivi par d’autres éditeurs.

J’ai vraiment envie de créer chez Drakoo un véritable esprit d’équipe avec une chaleur humaine, de l’envie, du partage, le tout dans une entreprise où tout le monde trouve bon compte.

Avez-vous réfléchi aux formats des séries que vous allez lancer chez Drakoo ?

Pour commencer l’idée est de partir plutôt sur des one-shot, des diptyques ou des triptyques au maximum. Cela nous permet d’arrêter un concept si le public ne suit pas. Mais en aucun cas on n’interrompra une histoire qui n’est pas terminée, il n’y aura pas de frustration chez nos lecteurs. En revanche si le public est là, qu’il adhère à l’univers proposé, rien n’empêche de créer de nouveaux cycles lorsque le premier sera terminé.

Vous signez le premier album du catalogue Drakoo avec Olivier Boiscommun. Qu’est-ce que Danthrakon ?

Pour le scénario de Danthrakon j’ai réutilisé les principes d’un univers que j’avais commencé à créer dans un roman, il y a trois ans, que je n’ai jamais eu le temps de finir. Dans le roman la magie naissait de divers talents artistiques et en particulier de celui d’un cuisinier à travers ses recettes. C’est cette idée qu’il m’a semblé intéressant et amusant de développer à travers un anti-héros auquel on s’identifie facilement.

Ne demeurez-vous pas quelque peu dans votre zone de confort dans Danthrakon ?

Tout à fait et c’est parfaitement assumé. Comprenez qu’en ce moment je prends beaucoup de risques sur beaucoup de choses, et honnêtement, retrouver un espace dédié à ses bonnes vieilles pantoufles que j’adapte à une nouvelle histoire et à de nouveaux personnages, cela me permet de m’aménager une petite zone de tranquillité. Malgré tout, j’ai quand même amené Olivier Boiscommun à s’engager dans une direction graphique différente et à montrer son brio sur un ton beaucoup plus drôle que ce qu’il avait montré jusqu’à présent.

Les premières parutions de Drakoo dévoilent des romanciers de fantasy que vous amenez à la BD…

Pourquoi monter une nouvelle maison d’édition et plus globalement tenter une nouvelle aventure éditoriale si c’est pour se contenter d’aller piocher dans la famille de scénaristes de grand talent déjà connus et déjà installés chez tous les éditeurs existants ?

Isabelle Bauthian a effectivement déjà mis le pied dans la BD mais je pense que son réel potentiel n’a pas encore été dévoilé. Elle n’a sans doute pas été accompagnée dans sa démarche comme elle l’aurait dû et je suis certain qu’il faut s’attendre à bientôt voir se révéler une scénariste de très haut vol. Gabriel Katz est quelqu’un qui arrive dans la BD mais il possède toute la souplesse d’un écrivain qui a prêté sa plume à de nombreuses célébrités et qui se plie facilement aux exigences du support. Lorsqu’il m’a proposé son scénario, j’ai été scotché par la qualité de ce qu’il me présentait. Il n’y a eu quasiment aucune retouche à faire sur son travail. Du coup je lui ai déjà demandé de créer une seconde série pour l’année prochaine, un peu plus marrante pour le sortir du sérieux coutumier de ses écrits.

J’ai recruté également divers écrivains que j’apprécie, parce qu’ils possèdent une culture très avancée de la fantasy et qu’ils appartiennent à une génération d’auteurs bien plus ouverts à la bande dessinée que leurs prédécesseurs. Ils sont chargés d’idées et de concepts forts, il ne leur manque qu’un peu de technique et un accompagnement pour se lancer…

Comment voyez-vous l’avenir du catalogue Drakoo ?

Il y a plusieurs projets déjà lancés qui s’ouvrent vers des univers différents. J’ai moi-même un projet plus steampunk. Je voudrais également offrir un bel espace à la science-fiction. Pour tout dire, on ne me propose actuellement que des dystopies qui ne me conviennent pas parce qu’elles manquent d’originalité. Je lance donc un appel aux auteurs qui seraient motivés pour me présenter par exemple une histoire à la Valérian, en moderne bien sûr, ou un bon vieux space opera original. Qu’ils sachent que ma porte et celle de Drakoo leur est grande ouverte.

Article publié dans le magazine Zoo n°73 (Septembre-Octobre)

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