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3 questions à Nicolas Juncker

Nicolas Juncker revient avec deux albums. Dans Octofight, on euthanasie les vieux trop chers à entretenir. Dans Seules à Berlin, en mai 1945, deux femmes se croisent, Ingrid l’Allemande et Evgeniya la Russe. Nicolas Juncker répond à trois questions sur sa vision du chaos et de la survie.

Comment avez-vous créer ces deux titres forts ?

Je porte Seules à Berlin depuis longtemps. J’ai réuni le journal d’une Berlinoise prise au piège dans la capitale du Reich en flammes et celui d’une interprète soviétique de 19 ans. Je les ai lus à peu de distance l’un de l’autre. Elles pouvaient se rencontrer sans devenir amies et dans des positions où leur rôle de femme leur est imposé. La trilogie Octofight, c’est plus récent. J’ai mijoté un récit sur la fin de vie et lu un livre suédois sur l’obligation économique d’éliminer les octogénaires. J’ai inventé ce couple qui est obligé de se battre en public pour survivre. Pacheco l’a dessiné. 

Pourquoi rapprocher Ingrid l'Allemande et Evgeniya la Russe qui participe à la recherche du corps d'Hitler ?

Dans Berlin en ruines, elles sont à la fois proches et aux antipodes l’une de l’autre. La Russe évoque le viol des femmes allemandes comme Ingrid. Elle rappelle aussi comment ont été traitées les femmes russes en interne par leurs propres troupes ou les civiles par les Allemands dès 1941. Ce sont deux totalitarismes qui s’affrontent. Pour Hitler, j’ai été totalement fidèle au journal.

Le chaos et la survie semblent le trait d'union entre vos deux albums...

Dans Octofight, c’est un chaos plus divertissant. Je montre toutefois comment on peut aujourd’hui retourner une population contre un bouc émissaire, le juif ou l’octogénaire qui coûte cher et ne rapporte rien. C’est cynique mais une population peut finir par accepter l’inacceptable. Comme en Allemagne dès 1933. Seules à Berlin, c’est un chaos abominablement authentique, des situations d’exception auxquelles les deux femmes sont confrontées et qu’elles vont subir tout en essayant de les gérer, de survivre.

Article publié dans le Magazine ZOO N°76, Mars-Avril 2020


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