Avec les sorties des tomes 21 de Blake et Mortimer et de XIII en novembre, Yves Sente aura une remarquable visibilité en librairie. Nous lui avons demandé de préciser certains points sur ces deux grandes séries.
Le Serment des Cinq Lords, nouveau tome de Blake et Mortimer, baigne dans une ambiance à la Agatha Christie.
Vieilles réminiscences de lectures et de vieux films lus ou vus dans mon enfance. Un zeste de Hitchcock aussi, sans doute... En tout état de cause, je voulais une ambiance 100% British et sortir de l’axe exotique de la série (Moscou, l’Inde, l’Antarctique, l’Afrique...) pour me concentrer sur le décor original / originel de la série.
L’évocation de la jeunesse de Blake permet de donner davantage de profondeur à ce personnage, en l’humanisant et en le rendant plus "sympathique".
Exactement. Nous avions plutôt privilégié le passé de Mortimer dans les albums précédents (sa famille à Simla, son amour de jeunesse pour Sarah Summertown)... Il était temps de consacrer un peu de temps à ce brave Blake afin de maintenir l’équi libre du lecteur et son intérêt pour les DEUX personnages.
La participation passive de Lawrence d’Arabie à cet album permet de faire s’entremêler fiction et possibilité historique. Une première dans cette série ?
Non. Dès Voronov, je fais référence au traité de Rome de 1957 ainsi qu’au Spoutnik. J’ai déjà fait croiser Gandhi et les personnages principaux, lors de la scène relatant leur rencontre. L’expo de 58 à Bruxelles est également truffée de références historiques. C’est plutôt récurrent dans mon travail. J’adore que la grande Histoire soit mêlée à la petite dans ce que je lis ou regarde. Très naturellement, je fais la même chose quand j’écris.
Les fréquents et brefs déplacements sont-ils un prétexte pour dessiner la campagne anglaise et de belles voitures ?
Un bon scénario est aussi fait en fonction des goûts et envies du dessinateur, bien sûr.
Passons maintenant à XIII. Sur combien d’albums est prévu ce nouveau cycle ? Retrouvera-t-il un jour la mémoire ?
Deux questions sans réponse précise à ce jour. Tout n’est pas écrit-décidé-figé dans le marbre depuis le démarrage de cette reprise. Il faut laisser la place à la maturation de l’idée de base et à l’émergence de nouvelles idées.
Que pensez-vous du travail de Jigounov sur la suite de XIII ?
Iouri Jigounov est tout simplement un des nouveaux "maîtres" de la BD dite "réaliste". Ses personnages sont plus vrais que nature. Vance et moi avons pensé à lui en même temps (et en trois minutes) lorsqu’il a été question de confier le dessin à quelqu’un d’autre que William. C’est aussi un ami de longue date, ce qui ne gâte rien.
Vous réutilisez de nombreux personnages créés par Jean Van Hamme, mais vous en créez aussi. Duquel êtes-vous le plus fier ?
On ne demande pas à un parent quel est son enfant préféré...
Enfin, que pensez-vous des XIII Mystery ? Avez-vous un droit de regard ou de consultation sur la conception de ces titres, où peuvent apparaître des personnages que vous pourriez utiliser ?
Tous les XIII Mystery que j’ai lus sont d’excellents albums. Je les lis comme n’importe quel lecteur fan de la série. Mais ils ne concernent en rien mon travail sur la suite de la vie de XIII et de ses amis les plus proches. Il va de soi que si un éclairage du passé d’un personnage secondaire devait avoir une influence sur l’avenir de ce personnage dans la suite de la série (bien que j’en doute puisque, évidemment, Jean Van Hamme l’aurait déjà fait remarquer au travers d’un des scénarios des tomes 1 à 19...), j’en tiendrais compte. Après, c’est le rôle de l’éditeur de veiller à ce que la coordination entre les scénarios soit parfaite. Mon rôle se "limite" à ce que les nouveaux albums de la série mère soient du "vrai XIII" (à défaut d’être du Van Hamme / Vance, ce que personne au monde ne pourra évidemment faire, à part eux...) et procurent aux anciens lecteurs de la série une "prolongation de plaisir" aussi forte que celle qu’ils ont eue jusque-là. Je ne suis pas certain d’y arriver, mais je fais tout ce que je peux (avec Iouri et le soutien de Van Hamme, Vance et de l’éditeur) pour tendre vers la réalisation de cet objectif...
Interview publié dans le n°42 du Magazine ZOO - Décembre 2012
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