Dans le cadre de la sortie de la nouvelle série Sea Shepherd, les éditions Robinson nous proposent de rencontrer Guillaume-François Mazurage, auteur de la série et Paul Watson, fondateur de l'Organisation Sea Shepherd.
INTERVIEW de Guillaume-François MAZURAGE
Vous avez un parcours atypique. Comment en êtes-vous venu, sur le tard, au monde de la bande dessinée ?
Guillaume-François MAZURAGE : Je suis le premier surpris ! J’ai toujours adoré la bande dessinée et quand j’y repense, la BD a toujours été là. Astérix, Tintin, Gaston, Valerian, Lucky Luke, Thorgal, il y en avait toujours une quelque part qui trainait dans mon sac. C’est une passion que je tiens de mon père qui en achetait tout le temps et qui les éparpillait un peu partout (il le fait toujours d’ailleurs). Après avoir fini pharmacie, j’ai fait une école de commerce et j’ai travaillé quelques temps dans le conseil aux États-Unis. Quand je suis rentré en France, j’ai eu envie de me recentrer un peu en prenant du temps pour moi : en retournant vers mes passions premières que sont le dessin, le théâtre et la musique. Un ami qui se mariait alors m’a demandé de lui dessiner son faire-part de mariage, ça a été le début de l’aventure car c’est grâce à ce petit dessin que j’ai rencontré Pierre Christin, puis ensuite Jean-Claude Mézières.
Parlez-nous de vos « mentors », Jean-Claude Mézieres et Pierre Christin.
En dehors de mon cercle familial, ils font partie des personnes les plus généreuses de cœur que je connaisse. Généreux en conseils, en temps, en amitié, et en patience (car il en faut aussi!). Comme on dit : enseigner, c’est répéter, et même s’ils refusent l’étiquette de prof, Ils jouent très bien le rôle de maîtres. Ils me donnent des astuces, corrigent ce qui est de travers et me guident quand je fais du hors-piste. J’ai rencontré Pierre Christin par un ami imprimeur qui lui avait transmis mes dessins. Puis, un jour, Pierre m’a envoyé chez Jean-Claude considérant que j’étais prêt pour l’épreuve du feu. Vous avez le privilège d’être le premier dessinateur à avoir pu embarquer sur un des bateaux du Sea Shepherd.
Pourquoi ce choix et comment se sont passés les premiers contacts avec l’organisation ?
En toute sincérité, Il se pourrait qu’en quarante ans (depuis que l’organisation existe), je sois le deuxième dessinateur à embarquer ! En ce qui me concerne, je suivais l’organisation depuis mon adolescence avec un de mes plus proches amis. Nous faisions (et faisons encore) de la plongée sous-marine ensemble et sommes passionnés par le monde marin. C’est un milieu assez petit et évidemment, nous étions fans du Sea Shepherd et de Paul Watson qui symbolise à lui tout seul l’association. Mais le choix d’une aventure centrée sur eux n’est pas venu spontanément, ni tout seul d’ailleurs… Ça, je le dois à Pierre Christin. J’avais envie de m’amuser un peu et plutôt que de dessiner au hasard, je suis revenu un matin avec une version décalée de quelques pages crayonnées de Moby Dick. L’épisode est assez drôle car sa réaction fut proche de celle de De Funès quand il joue un chef d’orchestre dans la Grande Vadrouille. Il m’a regardé en disant « C’est très bien, mais en fait non, c’est complètement idiot ! Moby Dick, ça a été fait dans tous les sens. Tu devrais au contraire coller à l’actualité, et si tu veux faire de la baleine, autant écrire sur les chasseurs de chasseurs, ceux qui coulent les baleiniers. Le Sea Shepherd, est-ce que tu connais ?». Ce à quoi j’ai répondu d’un cri « Mais oui ! ». Après, il fallait les contacter et ça, c’était une autre affaire car je ne connaissais personne n’y ayant travaillé. Je les ai « stalkés » sur internet en essayant de trouver des infos et des contacts par n’importe quel moyen. J’ai réuni une quinzaine de mails trouvés plus ou moins au hasard et je leur ai écrit en présentant le projet. C’était complètement gonflé et je pensais que ça finirait dans une corbeille mais pas du tout ! La responsable de la communication m’a répondu quasiment dans l’heure en me demandant quand je pouvais me rendre disponible pour venir rencontrer Paul Watson à Los Angeles.
Comment s’est passée la vie à bord du bateau ? Vous attendiez-vous à vivre ce que vous décrivez dans la bande dessinée ?
Il faut bien comprendre que tout ce qui est décrit dans la BD repose sur de véritables évènements, mais tout ne repose pas sur du vécu personnel. Il m’aurait fallu pour ça faire une campagne complète, mais je n’ai pu rester qu’une dizaine de jours sur la mission. D’un côté, je voulais à la fois retranscrire et montrer de la façon la plus juste possible l’ambiance de la vie à bord, décrire les équipages et mettre en avant le contraste entre notre quotidien de citadins et celui de ces femmes et de ces hommes qui consacrent leur vie à la défense des animaux et des océans. Mais pour ficeler l’intrigue, j’ai dû reprendre certains évènements survenus au début de la campagne juste avant mon arrivée. Le reste, les rondes de jour comme de nuit, les remontées de filets, les animaux, les tensions sur le port et les descentes de militaires reposent sur du vécu. J’ai donc assemblé les évènements de façon à faire tenir une campagne de 6 mois sur quelques jours, et j’ai changé le nom du personnage principal. Votre dessin semble s’adresser en particulier à un jeune public. Pourquoi ce choix, pour traiter d’un tel sujet ? Un dessin plus sérieux et plus adulte dans le style de celui de Largo Winch ou Blake et Mortimer (dont je suis fan) aurait pu me distancer un peu de ce jeune lectorat qui est hyper actif sur le sujet de l’écologie et à qui je voulais m’adresser directement. Je suis surpris de voir le nombre de jeunes adolescents de 10-15 ans qui suivent et se soucient de la nature. Tous connaissent les aventures du Sea Shepherd, et bien plus encore.
INTERVIEW de Paul Watson, Fondateur de l’organisation Sea Shepherd
Racontez-nous la genèse de l’organisation Sea Shepherd et parlez-nous de ses missions ?
Paul Watson : En 1977, j’ai enregistré Earthforce comme société à but non lucratif. Notre première campagne avait pour objectif la défense des éléphants en Afrique de l’Est. Ce fut une campagne réussie mais j’ai réalisé que je pourrais tirer un meilleur parti de mon expérience si je me consacrais à des campagnes pour la sauvegarde du monde marin. En effet, j’ai grandi dans un village de pêcheurs, à l’est du Canada. Et j’ai passé ma vie dans la marine marchande, les navires de la Garde côtière canadienne ou sur les mers avec Greenpeace. Pour me lancer, j’avais besoin d’un navire mais je n’avais pas les ressources. J’ai donc contacté Cleveland Amory et le Fonds pour les Animaux basé aux Etats-Unis, qui m’ont permis d’acheter mon premier navire. J’avais besoin d’un nom pour ce bateau et pendant la campagne de Greenpeace pour les phoques en 1976, j’avais écrit un article intitulé Shepherds of the Labrador Front. J’ai donc décidé de nommer le navire Sea Shepherd.
Quels sont, selon vous les principales menaces qui pèsent sur les océans ?
Depuis 1950, il y a eu une diminution mondiale du phytoplancton de 40% et le phytoplancton fournit jusqu’à 70% de l’oxygène dans l’atmosphère. La mer régule les températures et la météo. La mer est le système de survie de la planète entière. Nous détruisons les écosystèmes océaniques par la pêche industrielle, la pollution, le blanchissement des coraux, la pollution sonore, les pesticides, les herbicides, les fongicides et les radiations, la pollution chimique et plastique… Nous détruisons la biodiversité dans la mer et lorsque la biodiversité est affaiblie, la mer est affaiblie et lorsque l’océan mourra, l’humanité mourra avec elle.
Voyez-vous aujourd’hui une évolution des mentalités ? Êtes-vous optimiste pour l’avenir des océans ?
Il y a toujours des raisons d’espérer. Les batailles les plus grandes sont celles pour les causes perdues. Je suis enthousiasmé par les actions des jeunes aujourd’hui. Cette génération fait plus que toutes celles qui nous ont précédés ; ils comprennent les conséquences de l’immobilisme. Aujourd’hui, Guillaume Mazurage raconte en bande dessinée les aventures de l’équipage du John-Paul Déjoria, un des navires de Sea Shepherd.
Que pensez-vous de ce genre d’initiative ?
C’est merveilleux de se concentrer sur l’éducation des jeunes. J’ai toujours été optimiste et j’ai toujours cru que l’impossible pouvait devenir possible grâce à la passion, le courage et l’imagination. Nos équipes le démontrent tous les jours, partout dans le monde. Je suis heureux que ces héros du monde réel inspirent des auteurs de bandes dessinées, comme Guillaume.
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