Quand la crise sanitaire creuse les inégalités sociales, c’est le moment idéal pour lire cette diatribe féroce sur un couple de privilégiés. Selon l’Observatoire des inégalités, 59 % des Français gagnent moins de 2 000 € net/mois avant impôts. Que vous soyez en dessous ou au- dessus, cet ouvrage vous concerne.
Alice et Alex, riches Parisiens en couple, provoquent un accident de voiture mortel. Alice cherche à revivre ce frisson. Pulsions de vie et de mort se mêlent à leurs idées rances. Le défi pour le lecteur est de taille : suivre les aventures de héros haïssables.
COMMENT VIVRE AVEC CES PERSONNAGES DURANT LA CONCEPTION DE LA BD ?
Réponse de Loïc Sécheresse, au dessin : « Une fois le story-board mis au point, les recherches suffisamment abouties, j’ai entamé le travail des planches. Ça a coïncidé avec le début de la crise sanitaire. J’ai travaillé sur ces personnages chez moi, et j’ai passé une année de confinement avec eux. La définition de leur intérieur, de leur intériorité était tellement importante pour l’album, que j’ai même plus habité chez eux qu’ils n’ont habité chez moi. Il fallait que ça s’arrête ! » On comprend aisément que la santé mentale puisse être éprouvée quand on « vit » confiné avec des personnages de tueurs méprisant les prolétaires.
EST-IL POSSIBLE EN 2021 D’AVOIR UNE HÉROÏNE DÉTESTABLE ?
Selon Thomas Cadène, « Étrangement, le scénario est à la fois plus actuel aujourd’hui, plus juste qu’en 2013 sur cette impunité de classe, ce regard sur la pauvreté, le racisme, l’indifférence, la destruction et, derrière tout ça, le vide sidéral, le rien, seulement plus de pouvoir, plus de puissance, plus de choses. » Cette femme et cet homme deviennent des agresseurs et bientôt des tueurs, pour le plaisir, pour retrouver des sensations. « J’ai imaginé Alice et Alex comme une sorte de couple type. Par- fait, incarnation d’un type de domination sociale. À la fois trop plein d’eux-mêmes et trop vides de substance. »
Il faut donc avoir le cœur bien accroché pour découvrir cette œuvre. Mais le superbe dessin de Loïc Sécheresse a su traduire le discours politique de Thomas Cadène et sa description de cette lutte des classes est plus cruelle que jamais.
Article publié dans le Mag ZOO N°81 Mai-Juin 2021
Haut de page
Votre Avis