ZOO

Christian Rossi, le cowboy qu'on ne présente plus

Pour celui qui a commencé en 1973 par de courtes histoires dans Formule 1 sous la direction de Jijé, Christian Rossi est un amoureux du western. Zoo fait le point avec un dessinateur prolifique qui a illustré plus d’une quarantaine d’albums. 

Comment vous êtes-vous formé à l’art du dessin? 

Je suis ce qu’on appelle un autodidacte. J’ai développé mon intérêt en regardant le travail des autres. J’ai pris quelques cours par correspondance en étant adolescent ce qui m’a donné des bases en dessin. 

Christian Rossi a illustré plus d'une quarantaine d'oeuvres

Christian Rossi a illustré plus d'une quarantaine d'oeuvres © Christian Rossi

Comment définissez-vous votre registre graphique? 

Je suis attiré essentiellement par le dessin réaliste avec les fondements de base, la perspective, les proportions, les ombres, la lumière… Bien que je me sois déjà aventuré dans un domaine semi-réaliste pour faire des choses plus légères, humoristiques. 

Pour vous, quel est le secret d’une planche réussie?

La planche doit raconter exactement le contenu de ce morceau de séquence que l’on doit faire passer auprès du lecteur. Accessoirement, une planche bien composée doit respecter une répartition des zones sombres avec des zones claires, des lignes de force… Mais l’essentiel est de réussir à capter le lecteur dans le flux de la lecture. La bande dessinée est ce rapport entre le texte et l’image qui fait que le lecteur croit à l’histoire.
Je pense qu’il ne faut pas être trop formaliste. Il vaut mieux se référer au ressenti de la séquence, au choix du thème qu’on illustre lorsque c’est une histoire de genre: de pirates, de cowboys, un thriller, de la science fiction… Il faut tenir ce registre et faire passer le maximum d’évènements qui composent l’histoire. La cerise sur le gâteau est de faire passer de l’émotion. 

Existe t-il un genre de BD que vous appréciez dessiner et scénariser? 

J’ai une vraie attirance pour le western qui me semble être un terrain d’aventures quasiment vierge à chaque fois malgré le nombre de dessinateurs et de scénaristes qui s’y sont aventurés.  

Peinture originale de Christian Rossi

Peinture originale de Christian Rossi © Christian Rossi


Que représente le western pour vous? 

Il s’agit d’une rêverie alimentée par de la documentation. Je me documente autant historiquement que par des lectures de fiction avec des romans ou de la BD, des films avec toute l’esthétique qui s’est développée depuis le muet.
J’ai une sorte d’appétit pour dessiner les grands espaces et aussi les chevaux.
Chez les petits frenchis, l’appétit du western était assez partagée à une époque. Quand j’allais à Monument Valley, j’étais frappé par le nombre de touristes français présents. Il y a une sorte de mythologie du western en France répandue par la culture américaine qui a déferlé après la guerre à travers des films et des histoires. J’en étais justement le coeur de cible. 

Concernant toute votre documentation, y a t-il un fait historique qui a pu vous marqué par rapport au western? 

Les indiens soumis à la pression des conquérants blancs qui viennent de l’Est pour annihiler leur culture, qui provoque un serrement de coeur, m’a toujours fasciné. A travers des travaux ethnologiques, on a développé tout un savoir concernant les moeurs de simiens qui étaient très hétérogènes et étendus avec l’impression que ces peuples vivaient en osmose avec leurs milieux.
Ils avaient une conscience écologique liée au terrain et aux ressources. Leurs religions s’accommodaient de la dureté de ce mode de vie et hissait les indiens dans une forme de noblesse et de sauvagerie à la fois. Le choc des cultures, qui a amené l’affrontement d’abord avec les mexicains dans le Sud-Ouest puis les américains, a quelque chose de fascinant. 

Original de Christian Rossi

Original de Christian Rossi © Christian Rossi

Pensez-vous que la conception de la BD a changé depuis quelques années? 

Je ne sais pas pour la conception mais ce sont ses thèmes qui ont changé. Les thèmes sociétaux s’imposent davantage. Depuis quelques années, on a un nouveau lectorat. On a un public féminin beaucoup plus important qui n’était pas aussi présent dans les années 1970-80.
Il y a une sorte de sérieux qui est venu s’ajouter au récit purement fictionnel. Les traitements sont beaucoup divers puisqu’on peut aussi bien avoir recours à la peinture avec des médiums étonnants comme de l’aquarelle ou de la peinture à l’huile ou du traitement graphique à travers l’utilisation de l’ordinateur qui n’existait pas précédemment.
J’ai aussi l’impression qu’il existe une grande diversité d’auteurs dans le paysage BD d’aujourd’hui. Ça me semble plus difficile pour une personne comme moi de se repérer dans ce système qui doit correspondre à l’éventail proposé au public.  

Que pensez-vous du scandale qui a éclaté à la parution, en mars 2021, de la BD érotique Niala où vous étiez dessinateur?

Alors, je vais revenir sur cette histoire… Ce scandale a eu lieu à la suite d’un texte de présentation pour les attachés de presse et les journalistes de la bande-dessinée. Et ce texte voulait jouer avec un deuxième degré se référant à des BD des années 50 racistes. Dans ma psyché à moi, je n’ai jamais ressenti du racisme au cours de mes lectures des Tarzans des années 40. Mais si on représente des tribus indigènes, cannibales, qui sont opposées à Tarzan, on peut trouver qu’il y a une réduction de l’homme noir au profit du sauvage. Mais ça reste de la fiction.
A la suite de ce texte, une dédicace était prévue à Lyon et une cliente de cette librairie s’est émue du contenu et de cette présentation avant même la parution de cette BD. Elle a twetté. Le tweet a mis le feu sur les réseaux. Et à la suite de cela, il y a eu donc ce mini scandale.
Bien évidemment que l’on a pas le droit de tenir des propos racistes. Et ici, ce n’était pas le cas!
La BD sortait une dizaine de jours après et le scandale était enclenché. Mais je pense que c’est retombé à la lecture de Niala. La BD n’était ni sexiste ni raciste et n’instrumentalise pas le corps de la femme noire.
Ce scandale est le résultat d’un quiproquos au départ. Les réseaux sociaux montrent l’importance des termes qui se doivent d’être mesurés. Aujourd’hui, la chambre d’écho des réseaux sociaux a l’air de s’offusquer facilement. Nous sommes dans une époque de la cancel culture: on s’offusque et on le fait savoir. 


Avez-vous déjà rencontré une difficulté particulière avec un album? 

J’ai un souci avec l’album Deadline qui était scénarisé par Laurent Frédéric Bollet. C’est une sorte de western pendant la Guerre civile américaine relatant l’histoire d’amour entre deux hommes. Sur le papier, cette proposition m’agréait. Mais je pense que je n’ai pas pu y répondre d’une façon optimum car je n’ai pas réussi à me projeter dans le coeur du héros car je suis hétéro. J’ai eu des approches de garçon quand j’étais adolescent que j’avais trouvées malfaisantes et je pense que ces souvenirs me sont revenus lors de l’élaboration de cet album. Malgré l’effort que j’ai fait, je n’ai pas réussi à incarner les émois du héros.

Deadline est un one shot paru en 2013

Deadline est un one shot paru en 2013 © Glénat Edition

Selon vous, est-ce essentiel d’incarner le personnage que vous êtes en train de créer? 

Oui complètement. Si le personnage a des valeurs morales, se trouve un but avec des difficultés, je vais chercher dan mon vécu des émotions qui peuvent nourrir le personnage. Si le personnage est un méchant, je vais aller dans mes zones les plus malfaisantes afin de ne pas faire seulement un jeu de scène extérieure. L’incarnation du personnage justifie vraiment le temps passé sur la planche à dessin. 
C’est un métier d’expression. L’expression est de se mettre au centre grâce une fiction qui peut intéresser et toucher des gens. 

 
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