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Christophe Simon, dessinateur des Chroniques diplomatiques, revient sur le premier tome

Connu pour son travail sur Alix, Lefranc, Sparte, mais aussi pour Kivu, le dessinateur Christophe Simon se tourne vers d’autres horizons. Paru le 10 septembre 2021, le premier tome des Chroniques diplomatiques est le résultat de sa collaboration avec Tristan Roulot, scénariste. Il revient sur la réalisation de l’album et sur ses projets futurs.

Les Chroniques Diplomatiques sont un bel exemple d’harmonie entre le dessin et le scénario. Comment c’est passé votre collaboration avec Tristan Roulot, le scénariste ?

Christophe Simon : Tristan Roulot est plutôt moderne, il fait partie de ce qu’on pourrait appeler la nouvelle vague. Moi, j’ai fait bcp de reprise et de choses plus classiques. Et j’ai eu pourtant beaucoup de plaisir à travailler avec Tristan. Nos deux approches se combinaient bien. Ce qui est bien avec Tristan, c’est qu’on a le même âge, on était dans une ambiance copain. Chacun de notre côté, on était très soucieux de l’avis de l’autre sur notre travail. Tristan m’a envoyé le scénario bien avant que je ne commence à dessiner, je lui envoyais des crayonnés. On en discutait. Tout s’est fait de façon très naturelle et avec beaucoup de plaisir. Pour le coloriste, c’est Alexandre, mon compagnon, donc il est dans le projet en même temps que moi, ce qui permet de discuter du dessin. Il a compris tout de suite ce dont j’avais envie. On s’est beaucoup amusé avec Tristan, alors si l’album plait c’est notre récompense !



Après Kivu, un album sur un sujet contemporain dramatique, c’est un changement d’époque et de style. Comment vous êtes-vous plongé dans le monde de la diplomatie en Iran dans les années 1950 ?

Christophe Simon : Quand j’ai rencontré Tristan, j’étais en train de terminer Kivu. On partait d’une feuille blanche. Tristan et notre éditeur m’ont demandé ce que j’avais envie de dessiner : j’avais envie de rester dans le géopolitique. Et j’avais envie des années 1950, parce qu’il y a le côté glamour qu’on ne retrouve pas nécessairement dans l’époque contemporaine.  C’était aussi une façon d’assumer le côté classique de mon dessin. On voulait arriver à sentir les années 1950 dans Chroniques diplomatiques, mais sans que l’album fasse BD des années 1950, qu’on n’est pas l’impression de lire un Blake et Mortimer ou un Lefranc.

Comme pour Kivu, l’album est très réaliste. Comment avez-vous abordé le repérage pour le dessin ?

Christophe Simon : Pour Chroniques diplomatiques, il n’y a pas eu de repérage sur place. Pour plusieurs raisons : d’abord j’avais déjà un peu risqué ma vie au Kivu, je n’avais pas envie d’aller à nouveau la risquer en Iran ! Et l’Iran d’aujourd’hui, à part certains endroits comme le palais de Golestan ou le grand bazar, pour lesquels il y a énormément de documentation, rien n’est comme dans les années 1950. Quand les islamistes sont arrivés au pouvoir avec Khomeini en 79, ils ont tout transformé. Alors j’ai fait une grosse recherche de documentation avec les archives vidéo de l’INA. Mais aussi avec tout ce qui tourne autour des années 1950 : des bouquins de mode, internet, des films de ces années-là. Il y a des détails à saisir : par exemple, pour les costumes, les pantalons sont plus larges que ce que l’on fait maintenant et les vestes sont plus longues pour les hommes.



Quelles ont été vos inspirations pour croquer les deux personnages principaux, qui sont, eux, des personnages fictifs : Jean d’Arven et son ami Jacques ?

Christophe Simon : Quand je lis un scénario, j’ai des images en tête comme si je regardais un film. Je me fais un casting. Pour Jean, c’était un mix entre Delon et David Bowie. Pour Jacques, je voyais la stature d’un Lino Ventura, avec le visage d’un Pier Pasolini, plus sensible, un visage buriné avec un regard touchant. Dans le tome 1, déjà, alors que Jean a le physique le plus lisse, Jacques a un côté plus empathique qui contraste avec son physique de boxer.

Quelles sont les difficultés liées à l’illustration d’un sujet historique ?

Christophe Simon : Il ne fallait pas tomber dans la caricature et trouver des documents ajustés. Autant il est facile de trouver des documents sur l’entrée du Grand Bazar de Téhéran, autant pour l’intérieur et le genre de boutiques qui devaient y être dans les années 50, c’est plus difficile. De même pour toutes les scènes qui se passent dans le palais du Shah : il faut arriver à s’y retrouver par rapport aux documents, dans quelle pièce peut se passer telle action. Parfois il faut tout recréer ! Pour l’ambassade de France à Téhéran, j’avais la façade avant et la façade arrière. Tout le reste, il fallait le recréer en étant cohérent : tenir compte des fenêtres, du fait que c’est un bâtiment fin XIXème. Pour le mobilier, j’ai opté pour des meubles Second Empire pour essayer d’être cohérent. La documentation fait partie du plaisir de dessiner. Pour Kivu, j’avais pris la documentation sur place, pour Corentin aussi et avant ça également. J’ai toujours eu le plaisir de la reconstitution, de faire revivre quelque chose qui n’est plus.

Il y a beaucoup de contraste entre des scènes statiques de diplomatie et des scènes plus dynamiques d’action et de combats dans le Grand Bazar. Comment le retranscrire en dessin ?

Christophe Simon : Ma peur était qu’il n’y est pas assez d’action et qu’on soit tout le temps dans des scènes figées de diplomatie. Mais heureusement Tristan a su marquer le rythme en introduisant des scènes d’action dans le Bazar et pendant le soulèvement avec des courses en moto. Parce que quand on est collé à un événement historique bien précis et que les personnages principaux ne sont pas des acteurs directs, intégrer de l’action n’est pas évident. Comme on est dans la diplomatie, beaucoup de choses se passe dans des salons et dans des salles de réunion. Ces scènes sont presque plus difficiles à représenter que les scènes d’action parce qu’il ne faut pas que le lecteur s’ennuie. Même si ce n’est politiquement pas très correct, à l’époque les gens fumaient : cela permet d’occuper leurs mains et de garder l’attention du lecteur alors que l’on représente sur toute une page des gens qui discutent.



Dans quelle époque historique ou pays aimeriez-vous plonger vos personnages prochainement ?

Christophe Simon : Le prochain tome sera en Birmanie. Il y aura des ambiances de jungle, des petites pagodes aux toits dorés… J’aime bien l’exotisme et l’orientalisme. L’Amérique latine m’attire aussi. Comme nous sommes dans des aventures diplomatiques et dans les années de Guerre froide, il y aura peut-être un passage par l’Amérique centrale ou latine, peut-être la Russie ou les pays de l’Est. Tout m’attire. Comme j’avais dit à Tristan : tant que tu ne me fais pas une histoire qui se passe sur une plateforme pétrolière, tout me va !

 

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