La collection Kana Classics propose de nouvelles histoires pour d’anciens titres cultes du manga en France. Après Albator et Goldorak, c’est l’autre grande saga des années 90 qui est adaptée : Saint Seiya, les Chevaliers du zodiaque. Rencontre avec Jérôme Alquié, un auteur fan qui n’entend pas sacrifier son exigence.
« Saint Seiya était la première licence que nous pensions travailler pour Kana Classics, avant même Albator. » C’est sur le stand Kana, pendant la Japan Expo, que nous rencontrons l’auteur de Saint Seiya - Time Odyssey. « Il y avait des négociations pour prendre la suite de Saint Seiya Oméga, mais cela n’a pas abouti. » À défaut, Jérôme Alquié a été sollicité pour reprendre Leiji Matsumoto dans Captaine Albator – Mémoires de l’Arcadia. Mais Alquié demeurait un grand fan des chevaliers de bronze. « Depuis que j’ai posé mes fesses sur mon canapé, le 6 avril 1988, devant le premier épisode de la série dans le Club Dorothée. Au bout de quatre épisodes, du combat entre Shiryu et Seiya, j’ai su que je serai fan. » Une passion qui poussa rapidement le jeune garçon à la créativité : « J’ai dessiné des mangas Saint Seiya dès cette époque, dès 14 ans. Je les ai encore et un jour je les ressortirai. On peut dire que j’ai vraiment appris à dessiner avec Shingo Araki » (ndlr : le dessinateur de l’animé).
Respecter le manga, parler aux spectacteurs de l'animé
Travailler pour le Japon en manga n’est jamais simple. Masami Kurumada, le créateur de la série, a suivi le processus de création de bout en bout. « Notre cadre était simple : nous adaptions l’univers du manga et non celui de la série animée, dont les droits étaient propriété de la Toei. » Pas de difficultés pour Alquié qui maîtrise tous les détails du manga sur le bout des doigts. « Les armures de l’animé sont sublimes, mais il fallait respecter les designs de Kurumada.» L’artiste s’est quand même offert un clin d’œil à sa grande inspiration originelle : « Je voulais quand même parler au public du Club Dorothée.
Alors j’ai choisi une mise en couleur plus proche de celle de l’animé pour créer un univers visuel qui y fasse référence.» Ce grand écart graphique, Jérôme Alquié a mis près de cinq mois pour le résoudre et obtenir un dessin qui le satisfasse autant que l’auteur japonais. « Mon style se ressent dans les détails. Au premier regard, je crois que le lecteur n’est pas dépaysé. Mais j’ai ma propre manière de dessiner les cheveux, les yeux, qui traduisent ma personnalité.»
Saint Seiya Odyssey, tome 1
©1985 Masami Kurumada (AKITASHOTEN) © Alquié - Dollen - KANA (Dargaud-Lombard s.a.)
Explorer de nouveaux horizons dans un cadre connu
Reste à jouer avec l’univers lui-même. Jérôme Alquié et son co-auteur Arnaud Dollen surprennent le lecteur avec un récit qui s’autorise des sauts temporels. « On a voulu explorer les différentes époques manga qui nous ont fait vibrer. Et ça collait plutôt bien avec l’antagoniste que nous avions pris.»
Ainsi donc, ce tome 1 se déroule après le tournoi galactique et semble se conclure comme une aventure unique. Mais ce n’est qu’une impression et chaque tome suivant explorera une nouvelle période. « Je voulais que notre histoire puisse devenir canon. On a épluché les tankonbons pour rester toujours cohérents.» Les deux auteurs ont donc rempli les espaces libres laissés par l’œuvre originale en se payant le luxe de donner des explications à des faits historiques de la saga.
Des insertions très intelligentes qui font de Time Odyssey un récit réellement impactant pour la saga originale. « Kurumada a vu que tout était cohérent avec son monde et a donc validé très facilement nos propositions. Même si parfois, on a dû justifier nos choix au regard de l’univers. » Chaque tome donnera la parole à un des cinq chevaliers de bronze. « Arnaud et moi, on voulait les cinq héros, pas d’autres personnages passés ou futurs. On voulait explorer leurs fêlures et Kurumada a apprécié ce qu’on a pu faire de certains personnages secondaires dans ce cadre.»
© 1985 Masami Kurumada (AKITASHOTEN) © Alquié - Dollen - KANA (Dargaud-Lombard s.a.)
Et pour autant, il y avait de la place pour la création : « En créant un nouvel ennemi, j’ai pu créer de nouveaux chevaliers et donc de nouveaux visuels. Pour les auras, les armures de Chronos, je voulais une identité graphique évidente, un code couleur simple. Du gris clair et du gris foncé, une couleur vive en rappel. Et sur le fond, nous avons défini avec Arnaud que ces auras seraient très différentes de toutes les autres armures. Les clothes de tous les dieux sont uniques et partagés à chaque génération de chevalier. Ici, Chronos choisit les personnes et ensuite, il crée une armure pour eux suivant leurs origines. Ça ne s’était encore jamais vu dans cet univers. »
Saint Seiya-Time Odyssey s’annonce donc comme une série enthousiasmante pour les fidèles de la première heure comme pour les nouveaux arrivants sur la saga. Une œuvre qui, à l’image de la collection qui l’accueille, propose un dessin franco-belge pour faire la jonction entre les publics qui ont grandi tant avec l’animation japonaise que la bande dessinée européenne.
Article publié dans le mag ZOO MANGA N°5 Septembre-Octobre 2022
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