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Entretien avec Jean-Luc Istin

Fort du succès des Terres d’Arran, Jean-Luc Istin pousse l’exploration du monde d’Aquilon en se tournant cette fois vers les Terres d’Ogon, au-delà de la faille qui sépare la carte en deux. Les ambiances évoluent, plus africaines dans l’esprit, les idées fusent et quatre albums sont déjà planifiés. Rencontre avec le maître d’œuvre en personne.

Pour commencer, le Monde d’Aquilon est séparé en deux par la Faille. Qu’est-ce qui différencie ces deux moitiés, ce qui les distingue l’une de l’autre ?

À l’ouest, vous avez les terres d’Arran avec des influences principalement Européennes et de l’autre, à l’est, les terres d’Ogon avec des influences principalement Africaines. Et ce n’est pas terminé, plus à l’ouest des terres d’Arran, vous avez un autre continent qui se nomme les terres d’Ynuma aux influences asiatiques.

Avec cette nouvelle série, on découvre des ambiances qui rappellent l’Afrique des anciennes légendes. Vous explorez un nouveau corpus mythologique, plus exotique, au-delà de la faille. Est-ce pour vous une façon de repartir à zéro ?

Oui et non. Car même en terres d’Ogon, on croise des elfes, des orcs, des nains et des gobelins mais ils ont une toute autre apparence. En terres d’Arran, ces anciennes races sont pour le moins méprisées alors qu’en terres d’Ogon, elles sont respectées. Ce n’est pas pour autant un redémarrage à zéro, c’est plutôt l’exploration d’une autre partie de ce monde complexe qui se nomme désormais Aquilon. L’avantage, c’est que ce monde étant isolé de l’autre, il est très différent et comme vous le dîtes, on peut dès lors explorer un nouveau corpus mythologique et ethnique.

Comment vous y prenez-vous pour établir les bases de cette nouvelle phase du Monde d’Aquilon ? Avez-vous compulsé des vieilles légendes ? Vous basez-vous sur des éléments déjà amenés dans les précédents albums ? Avez-vous établi en quelque sorte le panthéon de ce « nouveau » territoire, une bible ?

Je me suis pas mal renseigné sur les différents peuples d’Afrique afin d'en tirer des éléments que j’ai ensuite déformé pour créer les terres d’ogon. Kyko Duarte qui dessine la bible de ce nouvel univers s’est lui aussi inspiré des différents costumes, bijoux, éléments qui composent les anciens peuples africains. En premier lieu, j’ai écrit et dessiné la carte et ensuite, j’ai donné des noms aux principaux habitants des pays de la carte et défini quelles créatures y vivaient, quelques us et coutumes aussi en prenant garde de ne pas être trop dans le redite. Ensuite, Kyko a mis en image ces idées de manière efficace. Tout cela avant même de commencer à écrire et dessiner le tome 1.

Carte des Terres d'Ogon

Carte des Terres d'Ogon
©Soleil, 2022

Ce premier volume, c’est le récit d’un jeune garçon qui écrit sa propre légende. Finalement, comme tout bon héros, les racines ne sont-elles pas plus intéressantes que les faits d’armes futurs ?

J’ai remarqué une chose tout dernièrement en analysant l’ensemble des albums des Terres d’Arran. Nos lecteurs adorent les héros dont ils connaissent la jeunesse. Ce n’est pas par hasard. On s’attache à un enfant puis on le voit grandir et franchir mille périples pour qu’il reste dans notre cœur. On ne peut plus détacher le héros adulte de l’enfant qu’il était. Alors oui, les racines sont parfois plus intéressantes, encore que, en ce qui concerne Ubu, je n’avais pas l’intention de le faire grandir. Et là, vous allez me dire qu’on le voit adulte dans la dernière page, mais c’est une idée de David Courtois appuyée par Kyko Duarte. J’ai soupesé les deux idées de fin pendant quelques semaines avant d’admettre que leur idée était plus pertinente que la mienne. Je pense que quelque part, ils me poussent justement à faire de lui un véritable héros et à écrire la suite de ses aventures. Nous verrons…

Dans cet album, malgré la forme assez manichéenne du récit, vous glissez régulièremment des éléments justement moins lisses. On sent que vous ne voulez pas vous enfermer dans une sorte de moralité trop évidente…

Sans doute parce que j’ai l'envie qu’on puisse croire au récit. Si tout est moral, personne ne ressentira de vérité dans l’histoire qu’on raconte, parce que la vie n’est pas morale dans son ensemble, même si parfois, on le souhaiterait.

Avec un nombre assez impressionnant d’albums, aujourd’hui le Monde d’Aquilon représente un corpus extrêmement riche. Quels sont les nouveaux enjeux que vous vous fixez avec cette nouvelle série ?

Battre le record du nombre d’albums dans un seul univers ! Je plaisante.

Les nouveaux enjeux correspondent à l’extension de cet univers. Les Guerres d’Arran qui commencent en mars 2023 vont participer à changer le contexte géopolitique des terres d’Arran. S’en suivra un cycle de NAINS en 6 tomes qui aura une importance extrême pour les personnages que l’on connait depuis le début.  La série Elfes au sortir des guerres d’Arran ne sera plus comme avant. Nicolas Jarry et David Courtois vont explorer les terres d’Ynuma avec l’aide d’Alex Sierrà.

Le monde d’Aquilon va nous permettre ensuite d’imaginer de nouvelles histoires qui traversent son ensemble. Tout cela sera fort excitant !

Terres d'Ogon, tome 1

Terres d'Ogon, tome 1
© Soleil, 2022

Est-il envisagé un croisement entre ces trois « univers » ?

Dans l’immédiat, pas du tout. Je veux dire, on n’a toujours pas écrit un croisement mais c’est une idée qui nous trotte dans la tête depuis l’émergence des terres d’Ogon. Avec Nicolas Jarry, nous en avons déjà discuté. Mais là tout de suite, le cycle Guerres d’Arran et le cycle Nains prennent toute la place. Ce sera donc pour plus tard.

Pouvez-vous nous parler des prochains albums à paraitre sur les Terres d’Ogon ? Des prochaines équipes créatives ?

Pour le moment, nous nous concentrons sur 4 tomes, même si nous avons très envie d’en faire 4 autres ensuite. Le tome 2 développera une aventure autour d’Itomé, une « blanc visage » qui va connaître des déboires après avoir ramassé un masque de sorcier au milieu d’un charnier d’orcs… Ici on découvrira aussi des centaures de Pumaranga qui sont des personnages vraiment très beaux, mi-zèbres, mi-hommes ou mi-girafes mi-hommes. S’ajoutera un gamin issu de la tribu des dents limés qui aura une répartie comme seule Nicolas jarry sait les écrire. Aux dessins, Alex Sierrà nous livre son plus bel album et la couleur de Nanjan est particulièrement riche et impressionnante.

Ensuite, le tome 3 nous fera découvrir un pays plus au sud, le Kwalundia, où vivent les Kwala. Un pays qui juxtapose l’Akarda, surnommé le pays des morts. Ce qui est amusant, c’est qu’à chaque fois que je confie une idée au scénariste Olivier Péru, il y a des morts vivants dans l’histoire. Et malgré tout, ça reste passionnant.

Quant à la dernière histoire, le tome 4, elle se situe à l’est des terres d’Ogon, au Korunka, un endroit dont les visuels ne sont pas sans rappeler l’égypte antique. C’est à nouveau Nicolas jarry qui dessine et c’est VAX qui dessine. Un dessin d’une justesse incroyable avec une mise en scène hyper cinématographique.

Si vous avez apprécié le tome 1, il est fort à parier que vous apprécierez encore plus les suivants car la qualité est au rendez-vous.

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