Vous êtes l'auteur de grands récits du comic-book, de Preacher à The Boys. Quelle est votre histoire préférée ?
Garth Ennis : Je dirais que ce sont celles que j’ai écrites sur la Seconde Guerre mondiale et sur le front de l’Est. Donc Johnny Red et Sara. Ce sont celles auxquelles je tiens le plus.
Vous avez écrit des récits marquants critiquant les super-héros. Pourriez-vous écrire des histoires pour des personnages comme Superman ou Batman ?
G.E. : Je préfèrerais éviter. Pour être honnête, à une époque, j'ai dû écrire des histoires de super-héros mainstream pour une raison purement alimentaire, mais maintenant que je peux m’en passer, c’est aussi bien. Je préfère me concentrer sur mes propres créations.
© Garth Ennis
Les lecteurs peuvent vous lire en VF avec Marjorie Finnegan, chez Black River Comics. De quel genre de bande dessinée s'agit-il ?
G.E. : Disons que c’est une comédie, un voyage temporel. L'héroïne, Marjorie Finnegan, est une criminelle temporelle qui essaie de vivre en prenant le plus de plaisir possible, parcourant les époques. Sa sœur est une policière temporelle qui se consacre à la traque de Marjorie pour la mettre derrière les barreaux à cause de ce qu’elles ont vécu, étant enfants.
Qu’est-ce qui vous a fait choisir Goran Sudzuka pour mettre en scène cette histoire ?
G.E. : Nous avions déjà travaillé ensemble pour la série A walk through hell (Black River) et c’est vraiment le genre d’artiste avec lequel j’aime travailler. Il est très bon dans la narration avec un vrai talent pour mettre en scène les personnages. Son style est vraiment très terre à terre, facile à suivre et il a un incroyable sens de l’humour. Et pour moi, c’est essentiel parce qu’un artiste de comic-book doit être concentré sur la façon de raconter l’histoire. Alors quand j’ai eu envie de mener ce nouveau projet, j’ai tout de suite pensé à Goran.
© Garth Ennis
Vous écrivez beaucoup. Comment choisissez-vous les idées que vous allez développer et les artistes qui pourront s’y associer ?
G.E. : Parfois, j'imagine une histoire et je réalise instantanément qu'elle serait parfaite pour un artiste en particulier. D'autres fois, j'imagine quelque chose et j'hésite, mais je sais très bien que je trouverai le bon artiste. En ce moment-même, je d'ailleurs réfléchis à trois ou quatre nouveaux titres et à de nouvelles idées, et je n'ai d'artistes pour aucun !
Je fais une sorte de short-list de quatre ou cinq artistes pour chaque histoire, mais à mesure que le projet se développe, que j'écris et que les histoires grandissent et prennent forme, j'ai une idée plus précise de l'artiste qui va convenir. Et ensuite, c'est une question de choix, en espérant que l'artiste que je cible soit disponible.
Vous êtes Irlandais et vous avez travaillé exclusivement avec les États-Unis. La BD européenne ne vous intéresse pas ?
G.E. : Au contraire, elle compte beaucoup. À l’occasion de cette convention [La Paris Fan Festival], j'ai été particulièrement impressionné en voyant de belles éditions de mes titres chez Komics Initiative, comme Johnny Red Hurricane, Rover, Red, Charlie ou Caliban. J'écris en anglais et je ne parle pas vraiment d'autres langues, une des raisons pour lesquelles je travaille avec des éditeurs anglophones pour l'instant.
Mais s'il y avait une opportunité de faire quelque chose d'original en français en travaillant avec un traducteur comme le fait Pat Mills, avec Requiem, c’est quelque chose que je pourrais envisager.
© Garth Ennis
Quand vous étiez enfant, quelle sortes de BD lisiez-vous ?
G.E. : Presque exclusivement des BD anglaises. Là où j'étais en Irlande du Nord, je voyais très rarement des livres de superhéros. Ils paraissaient de temps en temps, mais pas de manière régulière. Et je pense que les titres britanniques avaient une vraie emprise sur mon imagination, grâce à l’éditeur 2000 A.D. Lorsque je trouvais des superhéros, je comparais avec 2000 A.D. et ça ne m'intéressait pas.
Venons-en à The Boys, un excellent comic-book autant qu’une très bonne série. Les choses ont-elles changé pour vous depuis ce succès sur Prime Vidéo ?
G.E. : Bien sûr. Les ventes du livre s'en sont évidemment immédiatement ressenties et cela a rendu ma vie beaucoup plus facile, comme vous pouvez l'imaginer. Mais mon quotidien n'a pas changé et je ne suis notamment pas très présent sur les réseaux sociaux.
J'aime assez le fait qu'il n'y ait pas trop de changements pour moi, ça ne m'intéresse pas. J'aime écrire et assister aux conventions pour sentir la réaction du public à mon travail. Je ne cherche pas particulièrement la célébrité, cela ne m'attire pas.
Pour les besoins de la série, les showrunners ont dû réécrire votre histoire. Est-ce quelque chose qui vous gêne ?
G.E. : Pas vraiment. Ce que j'ai fini par comprendre, c'est qu'ils doivent créer quelque chose d'intemporel. Et bien sûr, il est important de rappeler que le succès du programme signifie le succès des ventes du livre, bien au-delà de ce que nous avions connu jusqu'alors. Mais The Boys avait des ventes régulières avant la série… Maintenant, il connaît un succès incroyable, sans pour autant que mon histoire soit encore connue de tous !
Merci Garth Ennis pour cet entretien.
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