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A 84 ans, Nicole Claveloux va toujours de l’avant et continue la BD

L’autrice, originaire de Saint-Etienne dans la Loire et installée à Moëlan-sur-Mer dans le Finistère, est une pionnière de la BD féminine et érotique depuis les années 1960. A 84 ans, elle signe son retour inattendu à la BD adulte avec « Ce soir, c’est cauchemar », paru en septembre chez Cornélius. L’album faisait partie des cinq finalistes du Grand Prix de la Critique, décerné par l’Association des journalistes et critiques de bande dessinée, l’ACBD (il a été remporté le mardi 3 décembre 2024 par Luz pour sa bande dessinée « Deux filles nues »). Entretien avec une autrice pleine de fraîcheur.

Quand et comment êtes-vous venue à la BD ?

Nicole Claveloux : Quand je suis « montée » à Paris en 1966, j'avais dans mon dossier des dessins d'inspiration « fantastique » pour la revue Planète, mais aussi un petit personnage, Grabote (une gamine dans le parler stéphanois) qui allait devenir l'héroïne d'une BD dans la revue Okapi. Donc la BD est là depuis longtemps. Pendant des années, de 1970 à 2000 environ, j'ai fait divers personnages de BD : d'abord Grabote, puis Cactus Acide et Beurre Fondu, puis Louise 14, les Graves, « les bigorneaux », puis des bébés (« Quel genre de bisous ? » chez Être Éditions)... Mais c'était pour les enfants et donc moins visible.

Autoportrait de Nicole Claveloux

Autoportrait de Nicole Claveloux

Après avoir travaillé pour la publicité, pourquoi avez-vous décidé, en 1973, de vous consacrer entièrement à l'illustration, la bande dessinée et la peinture ?

N.C : À l'époque, la pub rémunérait mieux les dessinateurs et j'avais besoin de m'installer. Mais j'ai vite senti le besoin de travailler des sujets plus proches de mon imagination, et puis c'était aussi le hasard : la rencontre de François Ruy-Vidal qui m'a proposé d'illustrer des livres aux éditions Quist, de Denys Prache qui m'a engagée à Okapi pour des illustrations et de la BD, des Humanoïdes Associés, avec des dessins dans Métal Hurlant et Ah ! Nana... Les thèmes étaient plus stimulants que ceux de la pub, pour moi.

Sur la soixantaine de livres que vous avez publiés, lesquels vous ont apporté le plus de satisfaction, lesquels vous rendent le plus fière et pourquoi ?

N.C : Ceux dont je suis fière, ce sont les livres que je juge réussis : La Forêt de Lilas chez Quist, La Belle et la Bête chez Être Éditions, La Main Verte aux Humanoïdes (repris chez Cornélius)... et puis Professeur Totem et Docteur Tabou, chez Être aussi, c'était mon premier livre de BD où j'étais à la fois auteur et dessinatrice (à part deux ou trois petits récits pour Ah ! Nana).


Comment présenteriez-vous votre travail à quelqu'un qui ne le connaît pas du tout ?

N.C : Je serais bien embêtée, car ça part dans tous les sens : BD, peintures, dessins à la plume en noir et blanc, illustrations de contes, portraits à la gouache ou à l'huile, fantastique, enfantin et même érotique. Je crois qu'on peut distinguer des thèmes qui reviennent : bébés, animaux, personnages caricaturaux. Ce n'est pas réaliste, plutôt imaginaire.

Qu'est-ce qui vous inspire ?

N.C : Impossible de répondre à cette question. Mon imagination est faite comme ça. J'ai toujours été, même petite fille, attirée par le fantastique, « l'art magique », et le « rigolo ». Je regardais avec délice les gravures de Brueghel l'Ancien, les peintures de Jérôme Bosch, les illustrations de Gustave Doré, notamment pour le Contes drolatiques de Balzac, à la fois romantiques, sombres et caricaturales.

Comment est né Ce soir, c'est cauchemar ?

N.C : Je me suis toujours inspirée de rêves lorsque c'était possible, qu'ils contenaient des décors ou des péripéties intéressantes, que ce soit pour des tableaux ou pour des BD. Donc là, l'idée d'explorer des rêves avec un œil critique, celui de la raison, un jugement moral mais aussi comique... ça m'a paru amusant de lâcher un groupe de personnages dans un domaine bizarre (comme le film où des humains à la taille très diminuée explorent un corps humain : Le Voyage fantastique de 1966).

Découvrez Ce soir, c’est cauchemar, la première bande dessinée de Nicole Claveloux depuis 40 ans. Publié par les éditions Cornélius, ce chef-d’œuvre graphique incontournable s’impose comme l’une des grandes nouveautés de la rentrée littéraire BD 2024

Découvrez Ce soir, c’est cauchemar, la première bande dessinée de Nicole Claveloux depuis 40 ans. Publié par les éditions Cornélius, ce chef-d’œuvre graphique s’impose comme l’une des grandes nouveautés de la rentrée littéraire BD 2024

Comment travaillez-vous sur vos albums de façon générale ?

N.C : Je cherche des personnages en faisant beaucoup de croquis. J'écris des dialogues. J'essaie de trouver des mises en page originales ! Je fais des crayonnés, ensuite je fais le dessin définitif à la plume, je gomme le crayon et je colorie avec des encres de couleur ou de l'aquarelle. Actuellement, j'ai vu que ça s'appelait « travailler en couleurs directes » mais je ne connais pas autre chose, je ne sais pas me servir d'un ordinateur... pour dessiner !

Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

N.C : Je suis mariée mais je n'ai pas d'enfants. Après les Beaux-Arts, je me suis « formée » sur le tas, car je n'y avait pas appris la peinture, ni l'illustration, et encore moins la BD ! Mais il faut croire que j'y ai appris de bonnes bases au niveau dessin... c'est l'essentiel.

Qu'aimez-vous le plus dans la vie ?

N.C : Tout ! Le ciel, le vent, la mer, le chocolat chaud, les animaux, les musées, mon chéri, le cinéma, les légendes, les images, surtout les images...


Comment faites-vous pour avoir, à 84 ans, la ressource de sortir une nouvelle BD et est-ce qu'à votre avis, ce sera la dernière ou comptez-vous continuer ?

N.C : En fait, je suis presque sans arrêt en train de dessiner ou de chercher des idées, des dialogues. J'aimerais bien continuer, j'ai quelques idées qui me trottent dans la tête, mais c'est un gros travail et bizarrement on ne devient pas de plus en plus endurant et costaud !

Extrait de Ce soir c'est cauchemar

Extrait de Ce soir c'est cauchemar © Nicole Claveloux aux éditions Cornélius


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