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U.C.C. Dolores, le western intergalactique de Tarquin

Depuis qu'il a dessiné Lanfeust de Troy, série révolutionnaire d'héroïc-fantasy, Didier Tarquin a eu envie de se frotter au scénario. Dans U.C.C. Dolorès, édité chez Glénat, il travaille en duo avec son épouse, Lyse Tarquin. Nous l'avons interviewé avant la sortie du sixième tome, en janvier 2025.

Comment présenteriez-vous l’histoire de votre nouvelle série, "U.C.C. Dolorès" ?

Didier Tarquin : U.C.C. Dolorès est un western intergalactique. On y suit le destin de Mony, jeune orpheline sortie d’un couvent. Elle est alors vierge de tout, c’est une véritable oie blanche lâchée dans un monde de loups. Elle devra apprendre les lois de la survie et en accepter le prix. Dans le deuxième cycle, l’oie blanche devenue louve doit trouver sa place. Mais elle a un prix.

Extrait d'une planche d'UCC Dolores T.6 Les yeux du sans-peur © Didier Tarquin - Glénat

Extrait d'une planche d'UCC Dolores T.6 Les yeux du sans-peur © Didier Tarquin - Glénat

Quelle est la genèse de cette série ?

D.T : J’avais imaginé des histoires courtes pour alimenter Le Lanfeust Mag. Mais je n’avais pas assez de temps et trop de doutes pour m’y mettre. Les années sont passées et cette idée a mué. Les personnages ont pris de la profondeur et j'ai eu besoin de mettre un fond à toutes ces aventures. De parler de ce côté carnassier qu’ont les puissants, comme si leur appétit était sans fin. Un appétit qui dévore des peuples et leur cultures, mais aussi des écosystèmes, des mondes entiers.

On vous connaît pour avoir dessiné Lanfeust de Troy, une série qui a fait connaître l’héroïc-fantasy au grand public dans les années 1990. Avec "U.C.C. Dolorès", vous aviez envie de tout gérer ?

D.T : C'était une nécessité. J’avais vraiment besoin de faire d’autres choses, d’avoir de nouveaux défis. Lyse, ma femme et coloriste (sur Lanfeust) a elle aussi participé à la création de cette série. Nous avons travaillé dans un dialogue permanent sur le scénario, le dessin et les couleurs.



Quelle est votre ambition pour cette nouveauté ?

D.T : Apprendre, être capable d’explorer d’autres voies, ouvrir le champ des possibles.

Extrait d'une planche d'UCC Dolores T.6 Les yeux du sans-peur © Didier Tarquin - Glénat

Extrait d'une planche d'UCC Dolores T.6 Les yeux du sans-peur © Didier Tarquin - Glénat


Travaillez-vous sur d’autres projets ?

D.T : Oui bien sûr, j’ai des idées qui commencent à devenir trop lourdes pour ma tête et que j’ai dû poser sur papier. Elles germent, je les regarde pousser. Mais pour l’instant, je ne veux pas y penser plus que ça. Je me dis que ça pourrait aussi être le moment de tenter d’autres collaborations sur d’autres projets. Pour me lancer d’autres défis. Mais avant tout ça, j’ai encore un album d’U.C.C. Dolorès à faire pour terminer la saga.

Les planches commentées par Didier Tarquin

Extrait de U.C.C. Dolores, T.6, planche n°18

Extrait de U.C.C. Dolores, T.6, planche n°18

ZOO Le Mag : Cette planche regorge d’action avec des combats frénétiques. Comment abordez-vous la chorégraphie des scènes de combat dans vos bandes dessinées ?

Didier Tarquin : Pour voir et surtout ressentir ce type de scène, il faut fonctionner comme un enfant : se faire son film dans sa tête, comme quand on jouait. Il faut imaginer le mouvement, entendre les cris, presque sentir l’énergie. Tout devient alors limpide. Le reste, c’est simplement une question de temps et de technique.

Comment gérez-vous les différents points de vue et leur intégration dans une scène de bataille ?

D.T. : Une bataille, c’est avant tout un combat entre deux camps opposés. Il faut donc jouer sur ces oppositions tout en fragmentant le temps pour transmettre une impression d’urgence et de chaos.

Champ/contrechamp, plan serré/plan large, caméra qui bascule d’un côté, puis de l’autre… La mise en scène possède une grammaire très riche, et c’est en exploitant ces outils que l’on parvient à immerger le lecteur dans l’action.

Les personnages et l’esthétique générale rappellent des influences diverses, comme la fantasy, le post-apocalyptique, et même le western. Quelles sont vos principales sources d’inspiration pour cette série ?

D.T. : Elles sont diverses, et appartiennent toutes à la pop culture. Ça va de Mad Max, au Bon la Brute et le Truand, en passant par Star Wars. Mon coffre à jouets est très grand.

Extrait de U.C.C. Dolores, T.6, planche 26

Extrait de U.C.C. Dolores, T.6, planche 26

ZOO Le Mag : Le contraste entre l’attaque brutale, la chute spectaculaire et le décor naturel (la falaise) est saisissant. Quelle est la symbolique derrière cette opposition ?

Didier Tarquin : Cette planète n’est quasiment plus qu’un désert. Elle se meurt. Et dans cette désolation, ceux qui restent en vie s’entretuent — ce qui est profondément absurde. Si cette scène porte un message, ce serait celui-là. Quant à la démesure du combat dans un décor grandiose, elle sert à souligner l’ampleur de l’enjeu : une partie du destin de la planète se joue ici. Et puis, avouez-le, ça en jette… non ?

L’utilisation du "flasheur" mentionné dans cette planche semble avoir un impact direct sur l’action. Comment cet élément technologique enrichit-il l’univers de UCC Dolores ? Quel a été l’inspiration ? La série Cobra ?

D.T. : Bien sûr qu’il y a du Cobra dans UCC Dolores. Comme beaucoup d’autres influences que je revendique pleinement. J’aime jouer avec ces références, et j’invite le lecteur à jouer aussi : des clins d’œil et des « jeux cachés » parsèment les différents tomes. Concernant ce bras mécanique, j’avais surtout besoin que Mony soit marquée physiquement par son parcours. Si on la découvre au début avec une auréole et qu’on la retrouve dans ce dernier album avec un bras mécanique, c’est pour souligner sa transformation. L’oie blanche est devenue louve. Mony est maintenant potentiellement une arme … comme toutes les mères.

Extrait de U.C.C. Dolores, T.6, planche 38

Extrait de U.C.C. Dolores, T.6, planche 38

ZOO Le Mag : La déclaration « Je suis le sans-peur ! » marque un moment fort pour ce personnage. Pouvez-vous nous en dire plus sur son arc narratif et sa symbolique dans l’histoire ?

Didier Tarquin : Pour moi, le Sans-Peur est un monstre. Il a tout perdu dans son ancienne vie, et n’ayant plus rien à perdre, il n’a plus rien à craindre. Sans cette peur, il est complètement déshumanisé. Pourtant, si la peur peut parfois nous paralyser, elle peut aussi nous transcender.

Cette scène mêle un conflit interne et une urgence externe. Comment équilibrez-vous ces deux dimensions dans votre mise en scène ?

D.T. : Le masque qu’il porte à l’arrière de son crâne m’a beaucoup aidé pour cela. Il se parle à lui-même : le masque, avec son expression froide, tient un discours technique, tandis que le visage du Sans-Peur révèle toute sa douleur.

Article publié dans le Mag ZOO N°102 Janvier-Février 2025

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