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Un but en or, sur le fil

Cinéphile, scénariste, éditeur, fan de foot et de mangas… Guillaume Main a plus d’une casquette ! Pour ZOO, il lève le rideau sur Golden Goal, un premier manga explosif, européen jusqu’au bout des crampons.


Golden Goal est ton tout premier manga. Peux-tu te présenter à nos lecteurs et revenir sur ton parcours jusqu’à cette première publication ?

Guillaume Main : Avec plaisir ! J’ai d’abord fait des études de cinéma à Lyon, à l’école ÉSEC Lyon (ARFIS). Je suis passionné par le storytelling, qu’il soit au cinéma, en BD ou en manga. Mon premier projet marquant, c’est un court-métrage Touggourt sur la guerre d’Algérie, inspiré de l’histoire de mon grand-père. Le film a reçu de bonnes critiques, a tourné dans plusieurs festivals, et on s’est même retrouvé à Beverly Hills !

Ensuite, j’ai réalisé quelques publicités (Clarins / Campagne publicitaire de prévention sexting / Formex (Film publicitaire) / Publicité application M3 - La fuite / Siwell film publicitaire ), ce qui m’a amené à lancer une agence de communication Main & Co SA avec ma sœur. On a vite eu du succès, notamment avec un spot digital primé en Suisse. Mais en parallèle, j’ai continué à écrire, notamment pour le cinéma. J’ai bossé cinq ans sur des scénarios de séries pour la RTS, l’équivalent de France 2 en Suisse romande. C’était enrichissant, mais frustrant : rien ne sortait vraiment. Alors, j’ai voulu reprendre la main et créer mes propres récits en bande dessinée.

C’est comme ça qu’est née ta première BD ?

G.M : Exactement. J’ai fondé ma maison d’édition, Stories Édition, pour publier Les Scandaleuses, une BD sur Victoria Woodhull, première femme à s’être présentée à la présidentielle américaine au XIXe siècle. C’était en pleine campagne d’Hillary Clinton, donc il y avait un vrai écho. Et, au culot, j’ai réussi à décrocher une diffusion chez Dargaud pour la Suisse romande.

C’est à ce moment-là que j’ai rencontré Pierre Paquet. Il m’a d’abord testé sans me dire qu’il était le patron de Paquet ! Puis on a collaboré sur une commande autour de l’histoire d’une commune. Le courant est super bien passé. Ensuite, on a sorti Redstone, un western tiré à 4000 exemplaires, tout vendu. Et moi, depuis longtemps, je rêvais de manga…

Pourquoi ce choix du manga ?

G.M : Parce que j’en lis énormément. Et j’avais envie d’en écrire un sur le football qui soit européen dans ses références, dans ses clubs, dans ses enjeux. J’adore le foot, je joue encore en vétéran ! Et je voulais raconter une histoire inspirée par la réalité de l’immigration, des dérives mafieuses, du banditisme de province… Un récit ancré dans notre continent.

Mais faire du manga, c’est un vrai défi. Il faut trouver un mangaka capable de tenir le rythme de production, et surtout avec qui il y a une vraie alchimie. Grâce à Pierre, on a pu contacter plusieurs profils, japonais, coréens, chinois. Et c’est Weijun Ni, un mangaka chinois passionné de foot, qui a fait l’unanimité. Son trait, sa vision, sa culture européenne… tout a collé.

Guillaume Main : Golden Goal, c’est un but en or, sur le fil, comme mon héros.

Couvertures des tomes 1 et 2 de Golden Goal © Paquet - Guillaume Main et Weijun Ni

Comment se passe votre collaboration ?

G.M : Elle est fluide et enthousiasmante. Je traduis les synopsis et les scripts en anglais, et parfois une collaboratrice chinoise de chez Paquet sert d’intermédiaire. Weijun Ni m’envoie d’abord le storyboard complet — 180 pages — puis on ajuste ensemble avant l’ancrage. Il y a très peu de retouches, car on partage la même vision. Et surtout, il est force de proposition. Il ne se contente pas d’exécuter, il met en scène. Il sublime. C’est exactement ce que je cherchais.

Parlons un peu de l’histoire. Tu vises une série longue ?

G.M : J’aimerais aller jusqu’à 20 ou 25 tomes. J’ai déjà écrit le premier arc narratif en 9 tomes, avec un synopsis complet pour chacun. J’ai aussi les grandes lignes des deux arcs suivants. J’ai mis deux ans à écrire ce premier arc. Pour moi, un manga, c’est comme une série télé. Il faut une structure solide dès le départ, pour pouvoir placer les bons éléments et construire une narration cohérente.

Pourquoi ce titre, Golden Goal ?

G.M : D’abord parce que, dans le manga, les titres en anglais sont très courants. Et ce terme de " but en or " me parlait : il évoque le foot, bien sûr, mais aussi cette tension constante dans le récit. Mon héros, Naïm, est toujours sur le fil : entre la mafia et les sélections, entre l’espoir et le danger. Ça sonnait bien, et graphiquement, c’est une belle matière pour jouer avec une dorure en couverture.

Et pourquoi avoir choisi un héros d’origine marocaine ?

G.M : Parce que c’est une réalité du foot européen, et parce que c’était important pour moi de proposer un personnage auquel puissent s’identifier des jeunes issus de l’immigration. Au Salon du Livre de Genève, les enfants d’origine maghrébine étaient fous de joie en découvrant que le héros était marocain. Ils n’ont pas l’habitude de se voir dans ce rôle dans les mangas. Et ce genre de retour, c’est précieux.

Cela dit, je ne voulais pas en faire un stéréotype. On a beaucoup discuté avec Weijun Ni : devions-nous rendre l’origine visible dans le trait ? Faire comme certains mangas qui trament les visages pour indiquer la couleur de peau ? Finalement, on a choisi de ne pas marquer de différences. Comme dans L’Attaque des Titans ou Fullmetal Alchemist, les personnages peuvent être allemands, japonais ou autre, on ne les différencie pas. Je veux que chacun puisse s’approprier Naïm.

Quels ont été les retours les plus marquants depuis la sortie ?

G.M : Ce qui m’a surpris, c’est le public ! Je pensais viser les 16 ans et plus, mais ce sont les 9-14 ans qui ont réagi avec le plus d’enthousiasme. Au Salon du Livre, ils revenaient le lendemain me demander quand sortait le tome 2 ! Et sur les réseaux, ce sont surtout des chroniqueuses autour de la trentaine qui ont partagé leur coup de cœur. Ça me touche beaucoup.

Tu travailles déjà sur d’autres projets ?

G.M : Oui, j’ai besoin d’avoir deux projets en parallèle. Quand je bloque sur l’un, je me plonge dans l’autre. J’ai une deuxième série en cours, sur fond de guerre de l’opium en Chine dans les années 30. Une famille tente d’échapper à la mafia, mais ça ne se passe pas comme prévu…

Pour finir, ton club de cœur ?

G.M : Arsenal ! Je suis de la génération Wenger et Thierry Henry. Mon frère et moi, on l’adorait.

Et ton Golden Goal à toi, celui que tu veux marquer dans ta carrière ?

G.M : Réussir à emmener Golden Goal au bout, jusqu’à son 25e tome. Trouver un lectorat fidèle, qui me permette d’aller au bout de cette aventure. Ce serait vraiment mon but en or.

Portrait de Guillaume Main

Portrait de Guillaume Main © Anthony Jerjen

Article publié dans le Mag ZOO Manga N°19 Mai-Juin 2025


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