Romain Hugault vole depuis 2005 au-dessus des nuages. Doué, il s’est hissé au top de la BD aéronautique. Son dernier titre sera Godspeed dans la collection Cockpit chez Paquet en octobre. Il a été écrit par son ami Eloi Rousseau. Un jeune pilote et un avion légendaire américain, le Geebee pour courses de vitesse, en sont les héros dans les années 30.
Romain Hugault, qui a eu l’idée à la base de cet album, Godspeed ?
R.H : Moi, avec toujours l’envie de dessiner un avion qui rassemble un univers avec ce qu’il y a autour. On part du Geebee, avion de course que j’adore et que l’on voit dans Rocketeer. Je voulais après Tomcat une histoire pas guerrière mais c’est compliqué une histoire de course d’avions civile. Il n’y a pas de combats aériens. J’ai voulu faire un album plus récréatif, d’aventures, très visuel dans les années 30. J’en suis à la moitié.

Couverture Godspeed T.1 version comics © Paquet
Eloi Rousseau, vous aviez déjà travaillé avec Romain. Pour vous l’aviation ce n’est pas une découverte ?
E.R : Non, une passion d’enfance, un rêve de gosse. Sans être d’un milieu où cela faisait partie d’un héritage familial.
Les décors et la mise en page sont très art déco. Comment avez-vous embarqué Eloi Rousseau, historien de l’art, dans cette aventure ?
R.H : Eloi est un ami. On avait fait La Tête dans les nuages et il avait signé le dossier à la fin de Tomcat. J’aime la façon dont il écrit. Il a une mémoire diabolique et il maîtrise les sujets. On peut lui parler de tout.

Extrait de Godspeed T.1 version comics © Paquet
Vous êtes parti, Eloi, sur un sujet basé sur cet avion le Geebee. Comment avez-vous attrapé le train en marche ?
E.R : On évoque ensemble les sujets qui nous intéressent. Romain part toujours d’un avion pour construire une histoire et j’ai un peu une démarche inverse. Je pars d’univers, de moments historiques. On a trié entre ceux qui avaient déjà été exploités ou difficiles à mettre en scène.
Romain, vous avez choisi l’avion, le Geebee. Et vous avez décidé de travailler ensemble.
R.H : C’était vers la fin de l’été dernier. On voulait parler des années 30, et on a posé les bases en une matinée. Au fur et à mesure, on a évolué même si on avait les grandes lignes du scénario. Chaque page apportait de nouvelles idées, un peu comme je faisais avec Yann. On a le scénario global, la place que prennent les scènes et on adapte selon l’évolution des personnages.
Comment avez-vous bâti le scénario, Eloi ?
E.R : On savait qu’on travaillerait sur les années 1930. Cela faisait longtemps qu’il voulait faire un album sur le Geebee. On est parti de là comme avec Yann et le P 40 pour Angel Wings. Pas question de guerre, il y avait les courses d’avions. Je voyais un scénario un peu à la Dickens, l’ascension d’un jeune homme, l’aventure, les déceptions et la maturité. Sur cette trame de départ on a défini et redéfini les personnages.
C’est donc l’histoire d’un avion, Romain, de records, d’une héroïne et d’un pari qui met en jeu l’exclusivité de l’exploitation commerciale aérienne des USA.
R.H : Oui, mais c’est avant tout l’ascension sociale d’un jeune pilote orphelin après la crise de 1929. Il est comme beaucoup de pilotes de l’époque, dans un monde naissant, l’aviation. Les gens vont aux meetings aériens comme aux concerts de rock. Hallucinant, 800 000 personnes qui venaient voir une course ou de la voltige. L’idée a été de faire un album hommage aux grands débuts de l’aviation, très pointu pour moi côté avion ou performances mais également s’amuser avec l’univers d’Hollywood, avec la mode, l’art déco.
Il y a dans cet album en deux tomes, Eloi, une reconstitution flamboyante et une mise en page où vous avez peaufiné les ambiances.
E.R : Romain voulait faire quelque chose de différent de Tomcat. Il ne voulait pas faire un pastiche mais être dans les années 30, l’âge d’or d’Hollywood et ses codes. D’où l’art déco et des personnages à la fois stéréotypés mais qui sont dans la lignée de l’époque. Une ambiance à la Gatsby.
Godspeed est dans la lignée de votre œuvre Romain ?
R.H : Tout à fait. Ce sera un diptyque mais on a fait un choix amusant. On va publier en format comics le tome 1 coupé en deux fascicules sur six mois, à 5 ou 6 euros. On va s’amuser avec de fausses pubs, une version récréative, une couverture alternative avec un papier comme à l’époque. Ce n’est pas un plan marketing. Le premier sortira le 7 juin pour la Ferté Allais, la seconde partie en comics juste avant l’album normal en octobre.
Aujourd’hui vous êtes le leader de la patrouille BD aéronautique. Le Dernier envol est paru en 2006. Comment vous sentez-vous avec un succès qui ne se dément pas ?
R.H : J’ai pris une certaine distance. Je ne stresse pas quand je sors un album. Je sais qu’en BD il y a des hauts et des bas. J’ai un lectorat fidèle et gentil. Je n’ai jamais eu de flop. J’ai été en progression constante. Je suis déjà tellement heureux d’exercer ce métier, avec une grande liberté de faire ce que je veux grâce à Paquet chez qui je suis très bien.

Extrait de Godspeed T.1 version comics © Paquet
Eloi, vous qui êtes enseignant, historien de l’art, le scénario vous tentait ?
E.R : Je n’avais jamais écrit vraiment de scénario. J’ai commencé avec l’histoire de l’art, quelques bouquins. L’Indochine me tenterait et pas forcément sur l’aviation. Je suis fasciné par le pays. La défaite de 1940 est un autre sujet qui m’obsède. Ce n’est pas évident d’écrire un scénario, plus compliqué qu’il n’y parait. Je suis passionné de BD mais cela n’a rien à voir avec un roman. En BD, on est limité par la place.
Hormis l’aviation, Romain, à quoi d’autre auriez-vous envie de toucher ?
R.H : Honnêtement quand ma mère est morte dans un accident d’avion je me suis demandé si cela n’allait pas me dégouter de l’aviation, un rejet psychologique. En fait non. J’ai fait Tomcat, hommage aux femmes pilotes et surtout à ma mère. Je n’ai vraiment aucune envie d’autre chose. Peut-être un album pin-up à la Natacha. Autre envie mythique, adapter Le Grand Cirque de Clostermann mais illustré comme le Saint-Ex. À voir.
Interview publié dans le mag ZOO n°104 Mai - Juin 2025
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