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Rencontre avec Benoît Maurer, fondateur d’IMHO, éditeur de mangas singuliers et adultes

Depuis plus de vingt ans, Benoît Maurer défend avec IMHO un catalogue de mangas d’auteur, singuliers et souvent dérangeants. Rencontre avec un éditeur indépendant qui a contribué à faire émerger en France des talents comme Junko Mizuno, Inio Asano ou Satoshi Kon.


Bonjour Benoît, pour commencer, pourriez-vous revenir sur votre parcours, et comment vous en êtes venu à fonder IMHO ?

Avec plaisir. Ça a commencé dans les années 2000. Après des études de lettres et un passage à l'École du Louvre, j'ai débuté dans le journalisme, à une époque marquée par la bulle Internet. Je travaillais dans un groupe de presse qui publiait des magazines accompagnés de CD-ROM sur des sujets très variés : astrologie, éducation des chats, pêche...

On m'a proposé de lancer Japanmania, un magazine centré sur la culture japonaise. C'est dans ce cadre que j'ai rencontré des auteurs comme Junko Mizuno, qui m'a confié son envie d'être traduite en français. C'était l'époque du deuxième boom du manga en France, avec l'émergence de labels comme Le Lézard Noir ou Kurokawa. J'avais un peu d'argent de côté, et j'ai décidé de me lancer.

Dès le départ, j'ai voulu proposer une ligne éditoriale adulte. Je savais que les lecteurs de Naruto ou One Piece allaient grandir, et je voulais qu'ils trouvent des titres plus matures tout en restant dans l'univers du manga. On a donc choisi de publier des œuvres avec un ton et un graphisme plus singuliers.

Votre premier titre était donc un ouvrage de Junko Mizuno ?

Oui, Cinderalla a été notre premier livre. Il était en couleur, dans un format particulier, et donc difficile à identifier comme manga pour beaucoup de libraires. On a dû faire un vrai travail d'explication. Mais petit à petit, on a construit notre place.

Benoît Maurer : Interview avec le fondateur des éditions IMHO

Extrait de Cinderalla de Junko Mizuno (réédition 2025, éditions IMHO), un manga culte au graphisme pop et provocateur © IMHO - Junko Mizuno

Aujourd'hui, serait-ce plus simple de lancer une maison d'édition comme IMHO ?

Oui, je pense que ce serait plus facile. Les éditeurs japonais sont aujourd'hui plus ouverts à travailler avec des structures indépendantes. Il y a aussi trois générations de lecteurs de manga. Le lectorat est vaste et diversifié, ce qui facilite l'introduction de titres plus singuliers.

Comment avez-vous démarré vos relations avec les maisons d'édition japonaises ?

On a surtout travaillé avec des éditeurs japonais peu sollicités à l'époque, comme Enterbrain. On était aussi l'un des premiers clients en France d'un agent devenu incontournable aujourd'hui. On n'a quasiment jamais eu de conflits de droits. Ça s'est toujours passé de manière fluide.

Benoît Maurer : Interview avec le fondateur des éditions IMHO

Extrait de La Fille de la plage d’Inio Asano (éditions IMHO, 2014), un manga intimiste et troublant sur l’adolescence et le désir. © IMHO - Inio Asano

Pourquoi le nom "IMHO" ?

C'est un acronyme de " In My Humble Opinion ", une formule très utilisée dans les forums dans les années 2000. On l'a choisi pour ce clin d'œil et aussi parce que ça correspond à notre façon de proposer des livres : sans prétention, mais avec la conviction de leur intérêt.

Quelles ont été les principales difficultés rencontrées en tant qu'éditeur indépendant ?

Au départ, faire comprendre notre catalogue, autant aux libraires qu'aux lecteurs. Plus récemment, il y a eu un vrai ralentissement de la fréquentation en librairie. L'année dernière, on était à un rythme d'une à deux sorties par mois, mais on va ralentir un peu pour donner le temps aux lecteurs de suivre.

Combien de titres publiez-vous par an ?

En manga, environ une dizaine par an. Mais on a aussi une activité presse. On publie plusieurs magazines : Japan Live, Japan Max (culture manga), Destination Japon (tourisme), France Sushi (gastronomie), ainsi qu’un label cinéma. Cela crée des passerelles entre les contenus.

C'était prévu dès le début, cette diversification ?

La presse était une nécessité économique. Ensuite, par curiosité et opportunités, on a exploré d'autres domaines. Par exemple, les entretiens avec Miyazaki ont bien marché, et on prépare d'autres titres sur le cinéma d'animation.

Benoît Maurer : Interview avec le fondateur des éditions IMHO

Extrait de La Croisade des innocents d’Usumaru Furuya (éditions IMHO, 2024), un manga sombre et poétique librement inspiré de la croisade des enfants.© IMHO - Usumaru Furuya

Comment choisissez-vous les auteurs ?

Souvent par le graphisme. Je ne parlais pas japonais au début, donc je choisissais un manga uniquement par son style. On cherche des auteurs avec une vraie identité graphique, et des histoires qui sortent du cadre habituel. On aime alterner entre auteurs reconnus comme Shintaro Kago ou Usamaru Furuya, et de nouvelles découvertes. L’outil numérique est devenu clé : aujourd’hui, on découvre plus de talents via le digital que dans les librairies.

Quel a été votre projet le plus ambitieux selon vous ?

Les projets les plus ambitieux sont parfois ceux qu’on n’a pas encore pu sortir ! Mais on a eu de belles rencontres : La Fille de la plage d’Inio Asano, Opus de Satoshi Kon, Mind Game... Il y a eu beaucoup de travail, mais aussi des coups de chance.

Benoît Maurer : Interview avec le fondateur des éditions IMHO

Extrait de Opus de Satoshi Kon (éditions IMHO, 2013), un manga métanarratif fascinant par le maître de l’animation japonaise.© IMHO - Satoshi Kon

Et sur le plan personnel, qu’est-ce que vous retenez de ces 20 ans ?

J’ai appris la patience, et la résilience. Ce qui me touche surtout, c’est quand un auteur est repéré grâce à nous, ou qu’un livre qu’on a sorti est repris à l’international. Ça montre qu’on a contribué à faire circuler une œuvre.

Benoît Maurer : Interview avec le fondateur des éditions IMHO

Portrait de Benoît Maurer, fondateur des éditions IMHO, maison indépendante spécialisée dans le manga d’auteur. © IMHO

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