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Réveiller Descartes : Daria Schmitt signe une bande dessinée entre philosophie et fiction

Grande lectrice avant d’être dessinatrice, Daria Schmitt tisse des passerelles entre littérature, histoire, science et bande dessinée. À l’occasion de la sortie de son dernier album autour La tête de mort venue de Suède, fruit d’une longue résidence au Muséum d’Histoire naturelle, elle revient sur son processus de création, ses choix esthétiques, et ce que signifie, pour elle, raconter en images.

Du 22 août au 20 septembre, la Galerie Daniel Maghen exposera les œuvres de deux talentueux artistes de BD, Josep HOMS pour la série SHI, et Daria SCHMITT pour son nouvel album La Tête de mort venue de Suède (sortie le 29 août)

Du 22 août au 20 septembre, la Galerie Daniel Maghen exposera les œuvres de deux talentueux artistes de BD, Josep HOMS pour la série SHI, et Daria SCHMITT pour son nouvel album La Tête de mort venue de Suède (sortie le 29 août) © Galerie Maghen

Vous êtes une grande lectrice : Descartes, Alice au pays des merveilles en projet… En quoi la littérature vous inspire-t-elle dans vos histoires ?

Daria Schmitt : En fait, je suis en effet une grande lectrice. La littérature a été mon premier amour… je lis depuis l’enfance, alors que le dessin est venu bien plus tard. J’ai un parcours d’études où j’ai d’abord fait de l’histoire, ensuite de l’architecture, mais la littérature ne m’a jamais quittée. C’est donc une source d’inspiration permanente. Par exemple, dans Le Bestiaire du Crépuscule, il y a un vrai travail autour du personnage de Lovecraft, que j’ai relu pour l’occasion. Ce n’est pas pour faire des adaptations, je n’aime pas ça. Je ne voudrais pas adapter une œuvre en bande dessinée. En revanche, la littérature constitue un socle, un point de départ, une recherche autour d’un thème ou d’un personnage qui m’inspire. Et puis la littérature nous fournit énormément de choses… Même si parfois, ce n’est pas strictement de la littérature : Descartes par exemple, c’est aussi de la philosophie. C’est écrit, mais c’est aussi bien autre chose.

Pourquoi puiser dans la littérature pour vos histoires ? Qu’est-ce que cela apporte à la BD ?

Daria Schmitt : La bande dessinée est un médium extraordinaire. Beaucoup de choses passent par le dessin. On peut y raconter une histoire, ou même plusieurs histoires imbriquées. Il y a le fil narratif des dialogues, et le dessin peut venir compléter, enrichir, ou suggérer. Par exemple, tout le sous-texte passe par le dessin. Le rapport entre dessin et dialogue est très riche. On peut faire passer énormément d’émotions. On peut aussi cacher certaines choses, les atténuer. C’est un médium qui permet énormément de choses, vraiment.

Exposition Daria Schmitt Du 22 août au 20 septembre, la Galerie Daniel Maghen

Exposition Daria Schmitt du 22 août au 20 septembre, la Galerie Daniel Maghen © Équipe ZOO le mag

Pourquoi avoir choisi René Descartes comme sujet central de votre nouvel album ? Quelle a été votre méthode pour l’aborder ?

Daria Schmitt : Pourquoi Descartes ? À cause de l’histoire extraordinaire de ses os. Même très résumée, c’était impossible de passer à côté d’une histoire pareille. Et puis, Descartes est une sorte d’ingrédient ordinaire, permanent, de la culture française. Ça ouvrait des perspectives. Ça mettait beaucoup de choses en perspective. Difficile de faire l’impasse.

On parle d’un « tournant » dans votre travail avec cet album. Le ressentez-vous ainsi ?

Daria Schmitt : Ahah, je lis les critiques, mais parfois un peu tard. Est-ce que c’est un tournant ? En tout cas, c’est une continuation. Pour moi, ça s’inscrit dans la continuité. Mais c’est vrai que l’aspect historique, et le fait d’embrasser autant de choses en même temps, c’est une première.

Cet album est le fruit d’une résidence d’artiste longue de plus de deux ans au Muséum d’Histoire naturelle. Quel a été l’accompagnement des scientifiques du Muséum ? Qu’est-ce que cela vous a apporté ?

Daria Schmitt : Énormément. Déjà, ils m’ont ouvert les portes d’une institution labyrinthique, complexe. Ils m’ont aidée à mieux comprendre les personnages que je mets en scène des personnages historiques avec leurs traits de caractère. En bande dessinée, il faut que je crée des personnages très vite identifiables, donc il faut parfois grossir le trait. Mais pour ça, il faut bien les connaître. Et eux connaissaient parfaitement tous les scientifiques que j’ai dessinés. Ils m’ont aidée à écrire des dialogues justes, à ne pas dire de bêtises. Les querelles entre scientifiques, par exemple, je devais les résumer en une seule ligne narrative. Donc leur aide a été précieuse. Ils m’ont aussi donné accès à toute une documentation très utile.

Daria Schmitt au Museum d'histoire naturelle de Paris

Daria Schmitt au Museum d'histoire naturelle de Paris pour la présentation de son nouvel album "La tete de mort venue de Suède" © Équipe ZOO le mag

Quel accès avez-vous eu aux archives ?

Daria Schmitt : J’ai eu accès aux archives, et à plein d’anecdotes. Mais surtout, j’ai bénéficié d’une expertise bienveillante tout au long du travail.


Quand vous êtes arrivée dans cette résidence, aviez-vous déjà commencé à travailler sur l’ouvrage ?

Daria Schmitt : Oui, j’avais déjà le thème, et 11 pages de faites. Mais j’avais besoin d’approfondir. J’avais une trame, un projet. C’est une institution sérieuse, donc il fallait leur proposer quelque chose de construit. Je ne partais pas de zéro.

Entre gravure, encre de Chine, aquarelle, acrylique ou encore tablette graphique, vous déployez de nombreuses techniques. Comment choisissez-vous chaque médium en fonction de l’histoire ou de l’émotion que vous souhaitez transmettre ?

Daria Schmitt : Je fais les couleurs à la palette graphique. Mais concernant la technique, ce sont des projets qui durent trois ans, donc il faut trouver ce qui fonctionne. La plume, c’est ce qui me prend le plus de temps. J’ai plus de problèmes techniques avec le pinceau – notamment pour des raisons physiques, de posture, d’utilisation. Donc oui, pour moi, la plume est plus simple. Mais pour d’autres, c’est compliqué. On a tous nos préférences. Je ne sais pas ce qui m’attend ensuite, c’est le grand saut après. Mais je ne me restreins pas. J’aime bien que le projet induise une façon de travailler.

Exposition Daria Schmitt à la galerie Maghen Du 22 août au 20 septembre, la Galerie Daniel Maghen exposera les œuvres de deux talentueux artistes de BD, Josep HOMS pour la série SHI, et Daria SCHMITT pour son nouvel album La Tête de mort venue de Suè

Exposition Daria Schmitt à la galerie Maghen du 22 août au 20 septembre © Équipe ZOO le mag

Donc si le prochain album demande une technique différente, comme la palette, vous vous adaptez ?

Daria Schmitt : Exactement.

Comment avez-vous sélectionné les planches présentées dans cette exposition ? Y a-t-il des œuvres qui vous tiennent particulièrement à cœur ?

Daria Schmitt : Je travaille avec des professionnels qui ont un regard sur tout ça. L’idée, ce n’était pas de présenter un album, mais de mettre en perspective un parcours. Il y a donc des planches issues de tous les albums – en noir et blanc, notamment – à partir du moment où j’ai commencé à trouver une écriture qui me convenait. Il y a aussi des illustrations de projets en gestation, qui annoncent un futur projet. C’est plutôt un état des lieux, avec des pièces marquantes, significatives pour moi.

Planche extraite de la collection Alice, un projet en gestation pour Daria Schmitt

Planche extraite de la collection Alice, un projet en gestation pour Daria Schmitt © Équipe ZOO le mag

Y a-t-il une œuvre en particulier qui vous tient à cœur ?

Daria Schmitt : On ne peut pas dire qu’elles sont toutes sur le même pied… Mais je regarde plutôt vers le futur. Donc la série sur Alice, c’est celle que je regarde avec le plus d’attention, parce que quelque chose va en naître. C’est dans cette perspective que je regarde mon travail.

C'est votre première exposition à la Galerie Daniel Maghen. Quel sentiment avez-vous à l’idée d’y présenter vos œuvres au public parisien ?

Daria Schmitt : Oui, je suis contente. Ça fait toujours plaisir. Les dessins, en général, sont empilés dans des tiroirs. Donc là, tout d’un coup, on voit la somme de travail. Parfois, je me dis : « J’ai fait tout ça ? » C’était long ! Donc oui, je ressens un peu une forme d’écrasement. Je me dis : il faut y aller maintenant…

Après ce nouveau projet, que pouvons-nous vous souhaitez ?

Daria Schmitt : Du courage, il va m’en falloir ! Parce que ce sont toujours de longs tunnels. Ça va encore durer deux ans. Le prochain projet, ce n’est pas Alice – parce qu’il est déjà signé. Alice, c’est la terre promise.

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