Le best-seller de Per-Jakez Hélias, écrivain bigouden souffle ses quarante bougies. L'universalité du Cheval d'orgueil méritait une adaptation en bande dessinée : l'essentiel de la narration laisse la place à un graphisme en rondeur et en hachures. Dans les yeux des petits personnages, c'est toute la mutation des régions qui explose en ce début de XXe siècle.
La Guerre de 14 est finie. Le monde change. L'état français veut tuer dans l'œuf les particularismes régionaux. L'essence même, la richesse des campagnes. À Pouldreuzic, Finistère, le petit Per-Jakez Hélias rejoint les bancs de l'école de la République. Celle où il est interdit de parler breton et de cracher par terre. Son grand-père lui sert de phare dans la tempête de la vie.
Le Cheval d'orgueil, best-seller qui fête ses quarante ans, valait bien une adaptation en bande dessinée. D'abord parce que la profondeur de ce récit donne à voir les mutations d'une région dans les yeux d'un enfant. Aussi parce que ce qu'a vécu l'auteur, tiraillé entre les traditions de son pays et la modernité que veut imprimer brutalement la société d'alors, devient d'un coup quelque chose d'universel.
Le coup de crayon de Marc Lizano est très marqué. Ses petits personnages aux têtes surdimensionnées, son décorum de hachures omniprésentes, l'alternance de niveaux de gris et de couleur apportent un supplément de saveur. En près de 150 pages, la profondeur graphique permet de saisir la transformation de cette campagne profonde, ouverte sur un océan jamais très loin.
Pleine de sensibilité, empreinte de nostalgie, cette version illustrée donne à voir toute l'ampleur des changements d'après-guerre, à l'aube de la modernité. L'histoire est abordée avec sensibilité par Bertrand Galic : la narration textuelle et graphique est un supplément d'âme à l'œuvre originale. Pour une vision plus contradictoire, il est intéressant de lire Le Cheval couché, la réponse sans concession du poète et journaliste breton Xavier Grall.
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