Bobigny 1972

Dénoncée pour avortement clandestin par son violeur lui-même, Marie-Claire Chevalier se présente à la barre du tribunal de Bobigny en 1972 comme coupable. Coupable d’être née femme dans une société où la capacité à disposer de son propre corps n’est pas une évidence. C’est compter sans Gisèle Halimi.

Par une froide nuit de janvier, la police surgit dans l’appartement de la famille Chevalier. Leur tort ? L’aînée, Marie-Claire, 17 ans a avorté, aidée de sa mère, alors qu’elle était enceinte de son violeur. La mère et la fille risquent un à cinq ans d’emprisonnement et une amende pouvant atteindre 100 000 francs. Issues d’un milieu précaire, les deux femmes se tournent vers Maître Gisèle Halimi pour assurer leur défense. Avec cette affaire, la célèbre avocate veut créer un électrochoc médiatique et pousser les législateurs à changer la loi. Au tribunal de Bobigny, elle espère faire jurisprudence et permettre aux femmes d’enfin choisir…

Bobigny 1972 © Glénat, 2024

Mon corps, mon choix

Bobigny 1972 relate l’histoire de Marie-Claire, jeune femme jugée « coupable » d’avoir avorté dans la France des années 70. Son procès a marqué une véritable rupture pour les droits des femmes françaises. L’affaire est, avec le Manifeste des 343 paru un an plus tôt, à l’origine de la loi Veil de 1975. L’historienne et scénariste Marie Bardiaux-Vaïente, à qui l’on doit entre autres la collection « Les Reines de sang » chez Delcourt, dépeint une époque pas si lointaine. Et pourtant... Elle rappelle le manque d’accès à la contraception, la loi de 1920 et l’article 317 du Code pénal, mais aussi les injustices frappant en premier lieu les femmes les plus précaires.

Bobigny 1972 est avant tout une plongée émouvante dans la vie de la jeune Marie-Claire affrontant les médias pour faire changer le cours de l’Histoire. On découvre également le rôle de sa mère Michèle, prête à tout pour aider son enfant. La narration privilégie fréquemment le dessin et le silence, particulièrement lors des scènes les plus dures, donnant la primauté aux émotions du lecteur.

Bobigny 1972 © Glénat, 2024

Sombres muses

Le très beau trait semi-réaliste de Carole Maurel (Nellie Bly, Coming in) met parfaitement en image l’histoire bouleversante de ces femmes aux prises avec leur temps. Ses couleurs nous ballotent tour à tour d’une perquisition glaciale à une nuit d’horreur, puis à un salon solaire où les grandes femmes de la fin du siècle discutent de l’avenir de la lutte féministe. Le découpage dynamique est toujours à propos, contemplatif, puis dynamique. L’ajout de trames à pois confère un aspect vintage à certaines scènes. Un bel album, devoir de mémoire aussi esthétique qu’essentiel.

Article publié dans le Mag ZOO N°96 Janvier-Février 2024