Après Voyage dans les îles de la désolation et La lune est blanche, l’auteur breton, Peintre officiel de la Marine, revient une dernière fois sur ses expéditions dans les îles Kerguelen. L’humain se confond avec délicatesse au vivant dans les Terres australes et antarctiques françaises.
Emmanuel Lepage n’en avait pas encore terminé avec les Terres australes et antarctiques françaises. Au terme de deux expéditions sur le Marion-Dufresne, mises en lumière dans Voyage aux îles de la Désolation et La lune est blanche, le Breton ressentait le besoin de poursuivre ce travail. « Ce sera le dernier », nous annonçait-il avant l’été 2023. Il travaille désormais sur une adaptation de Pêcheur d’Islande, ode au roman mythique de Pierre Loti dont le scénario sera l’œuvre de sa complice Sophie Michel. Le Peintre officiel de la Marine avait déjà signé avec elle le diptyque Oh les filles !, mais aussi Les Voyages d’Anna, d’Ulysse et de Jules.
En parallèle du film Kerguelen, aux confins du monde coproduit par Arte, il brosse ici des relations humaines solides et complexes. Parfois frustrées, par manque de temps. Ce que Florence, une des retrouvailles qu’il fait dans ce livre, résume en deux phrases éloquentes : « L’aventure humaine m’a tendrement pété au visage. Ça me transperce chaque fois comme un trésor ». Le trésor, c’est celui que nous offre le Breton voyageur dans ces recoins du monde par son trait à la fois hésitant et assuré, souple et ferme.

Extrait de Danser avec le vent, planche illustrée par Emmanuel Lepage. © Futuropolis 2025
Au coeur du vivant
Son dessin virtuose, tout en humanité, décrit ce qu’on ne peut parfois pas raconter. Il y parvient grâce à l’approche sensible de ces scientifiques dont les motivations, pourtant essentielles, peuvent échapper au commun des mortels. Loin des glaces et de l’eau qui composent ces terres au climat extrême. Ils sont aussi venus chercher des réponses intérieures. Manchots, éléphants de mer, albatros, rennes et humains ne semblent faire qu’un. Symbiose animale.

Extrait de Danser avec le vent, planche illustrée par Emmanuel Lepage. © Futuropolis 2025
Comme à son habitude, Lepage fait montre du plus grand doute, pétri par l’insatisfaction qu’il porte sur son travail. Et pourtant. C’est une nouvelle fois brillant. Ça transporte, secoue, remet en cause nos certitudes, bouleverse nos fondements et broie nos a priori. Les témoignages délicats comme le regard sensible que l’auteur pose sur eux, dansent avec le vent. Au propre comme au figuré. Emmanuel esquisse cet ultime pas de danse, pont jeté entre les vivants d’ici et les vivants de là-bas. Danser avec le vent, en espérant que ça ne s’arrête jamais. Éternellement.