À la fin des années 90 un phénomène migratoire de grande ampleur a eu lieu au Vietnam. Pensant fuir des conditions de vie difficiles, des milliers de jeunes femmes ont quitté leur pays par le biais d’agences matrimoniales pour se marier avec des étrangers, principalement des Chinois de Taïwan. Ce troisième reportage de Clément Baloup se révèle à la fois captivant et fort émouvant.
Animé par un besoin constant de renouer avec ses racines, le parcours éditorial de Clément Baloup se focalise effectivement beaucoup sur le Vietnam, tant dans ses fictions, celles écrites pour Mathieu Jiro que ses reportages qu’il assure avec beaucoup de rigueur dans sa démarche.
Après s’être intéressé au sort des émigrés après la chute de Saigon en 1975, de celui des boat people voulant échapper au communisme, il aborde dans ce troisième tome des réalités qui ne font pas forcément la Une des journaux. Il nous conte ici le parcours de Linh, 19 ans, qui finit par accepter de s’offrir en mariage pour soulager sa mère, veuve, et son jeune frère dans le besoin.
Très vite on va se rendre compte que ces unions, orchestrées par de douteuses officines agissant dans le seul but de s’enrichir s’apparentent à un véritable trafic de chair. Baloup ponctue régulièrement l’histoire de Linh par de nombreux autres portraits-témoignages, tout aussi désabusés, recueillis au cours de ses investigations.
Son dessin, qui n’a pas cessé de se bonifier au fil de cette série, se révèle d’une redoutable efficacité pour traduire en images le sort ignoble réservé à ces femmes, n’hésitant pas à représenter l’odieux époux sous les traits d’un affreux crapaud. Un trait particulièrement inventif, réhaussé par une somptueuse mise en couleur, avec de belles envolées lyriques qui viennent traduire, entre rêves et cauchemars, les états d’âme de son personnage principal font de cet album un véritable must.
L’année commence très fort chez La Boîte à Bulles !