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L’Homme qui tua le Far West

Cette semaine dédiée au western sur culturebd est l’occasion de se pencher sur ce genre majeur de la bande dessinée. En tant que lecteur français, si on vous dis western et BD, vous répondez immédiatement : Blueberry ! Le western franco-belge le plus célèbre, la référence indépassable du genre depuis 50 ans. Et à force de l’avoir révolutionné, Blueberry aurait-il tué le western ?

Les enfants de Blueberry

Un cavalier vêtu de blanc

Blueberry dans Fort Apache

Apparu pour la première fois dans les pages de Pilote en 1963, le lieutenant Mike S. Blueberry peut se vanter d’avoir révolutionné le western en BD, à bien des égards. Son apparition correspond peu ou prou à la sortie des premiers westerns de Sergio Leone, qui révolutionnent le genre sur grand écran. Après plusieurs dizaines d’années d’exaltation souvent stéréotypée de la conquête de l’Ouest, les nouveaux héros de western ne se rasent plus, boivent, jurent et trichent.

Blueberry jouera un rôle sensiblement équivalent à celui de Pour une poignée de dollars. Il est, en BD, l’un des premiers protagonistes de western (à succès) à ne plus être le chevalier blanc parcourant l’Ouest sauvage pour y apporter la justice et la morale. C’est au contraire un personnage relativement égoïste, bon vivant, tricheur et buveur à ses heures perdues. Mais il reste malgré tout un aventurier au grand cœur, ce qui se révèle utile pour explorer des dilemmes moraux beaucoup plus prononcés que dans les westerns classiques, dans lesquels l’armée et le shérif, l’ordre et la morale, ont souvent le dernier mot.

Le cinéma en cases

Jerry Spring du haut de sa monture

La révolution Blueberry est aussi esthétique. La série de Charlier et Giraud poursuit le mouvement entamé par Jerry Spring de Jijé en proposant un découpage inspiré des codes cinématographiques du western. Ces codes permettent d’ajouter du dynamisme à l’action, de la tension aux échanges et aux duels, tout en prenant le temps de s’arrêter sur les paysages. Le personnage de Blueberry évolue avec ses auteurs et son époque. Il subit les assauts du temps, et les thématiques, pour se renouveler, évoluent...

Les années 1880 signent la fin de la conquête de l’Ouest, et avec elle, l’effacement progressif de la figure du cow-boy, marginalisé par la modernité galopante. À mesure que Blueberry vieillit, il est de plus en plus en décalage avec un Ouest qui s’industrialise, s’embourgeoise, perdant au passage de sa liberté. Blueberry flirte alors avec le western crépusculaire, un mouvement initié au cinéma en 1962 par le dernier western de John Wayne, L’Homme qui tua Liberty Valance.

 

Le soleil se couche à l’ouest


Blueberry a donc tout fait, et souvent avant tout le monde. Ce qui explique que la série soit restée une telle référence à ce jour : un western total. Les années 60-70 ont vu plusieurs séries poursuivre le chemin qu’a tracé ce protagoniste ni fondamentalement mauvais ni naïvement bon, apte à survivre et à triompher dans l’environnement hostile qu’est l’Ouest américain. Durango et Buddy Longway notamment, perpétueront cette tradition tout en plaçant le contexte historique au cœur de leur narration, faisant du Far West un acteur à part entière de l’intrigue.

 

Même des séries plus récentes telles que Bouncer doivent beaucoup à Blueberry, notamment leur manière de raconter. Renouvelant les intrigues et intégrant des personnages variés, à rebours des stéréotypes associés au genre, aucun album ne s’est pourtant suffisamment détaché de la référence pour créer sa propre révolution. La question pourrait alors devenir légitime : en s’imposant comme incontournable et référence indépassable du western à la franco-belge, Blueberry a t-il tué le genre ?


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