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Kong sonne deux fois

Depuis 1933, date de sortie du premier film King Kong, les adaptations cinématographiques se succèdent avec des bonheurs divers. Le neuvième art, moins dispendieux, vient de produire deux fruits tout à fait réjouissants : King Kong et Kong Crew.

King Kong apparaît sur grand écran au plus fort de la Grande Dépression. En 1933, il met en scène la peur de la Bête alors que la véritable bête immonde émerge, sous couvert de démocratie, en Allemagne. Le singe de fiction arraché à son biotope puise ses origines dans un arbre culturel populaire d’un XIXe siècle enraciné dans le questionnement sur la bestialité, l’esprit scientifique, le darwinisme et la soif d’exploration.

Le film, qui s’attache autant à ces thématiques qu’il se fait l’écho de classiques de la littérature comme Le voyage au centre de la Terre et Le monde perdu, a eu droit à un superbe hommage en 2004. Dans une édition introuvable depuis, Michel Piquemal et Christophe Blain le font renaître en BD. Remanié, cet album se retrouve à nouveau en librairie, aux côtés de la réécriture complète du mythe par Éric Hérenguel. Débutée en 2018, cette œuvre originale a été publiée sous la forme de deux comics noir et blanc (en anglais) au tirage limité et ressort à présent en VF dans une BD qui bénéficie d’une mise en couleurs et de bonus formidables.

Revivre le film

Publié en juin dernier par Robinson, le King Kong de Michel Piquemal et Christophe Blain restitue magistralement le film avec le talent combiné de ses auteurs. La narration s’ouvre sur un cinéaste qui s’embarque pour une expédition maritime avec une demoiselle à la dérive. À l’issue d’un voyage vers une île inconnue, l’équipage est confronté à un peuple qui vénère et redoute Kong. Les pratiques sacrificielles des autochtones incitent à la prudence mais l’enlèvement de la Belle et l’amour que lui voue le capitaine du navire vont entraîner ce petit monde au plus profond de la jungle inconnue… jusqu’à la confrontation avec l’impensable.


Blain excelle dans les cadrages imposant une vision symbolique. Il offre des illustrations faites de lourdes matières palpables, qui rendent ses pages de BD muettes virevoltantes et saisissantes. Nul doute que de nombreux parents apprécieront de faire découvrir ainsi cette fable en BD à leurs (grands) enfants.

King Kong alternatif

Le récit d’Éric Hérenguel prend le parti de narrer ce qui se passerait si King Kong était toujours vivant à la fin du film de 1933. En 1947, Manhattan Jungle est devenu un territoire interdit puisque les avions n’ont réussi qu’à blesser la bête qui règne désormais sur la zone. La population a été évacuée dans la précipitation. Les vestiges de la ville subsistent tandis que le biotope a produit des aberrations à foison. Kong, représentant la nature indomptable, est peu à peu devenu malgré lui un enjeu politique intouchable et un projet cinématographique !


Chargée de cette zone, l’armée veille alors sans prendre de risques. Pourtant, lors d’une mission d’observation, l’aviateur Virgil Price qui devait repérer deux explorateurs illégaux se retrouve égaré dans cet univers redoutable. Son absence a de pénibles conséquences sur le moral du chien mascotte, autant que sur celui de Betty qui en assure la garde depuis le départ du pilote. De leur côté, les deux explorateurs affrontent des créatures cauchemardesques.

Influence comics dans la dynamique, délicatesse des scènes intimistes, cocktail fantaisiste, romantique et burlesque, l’aventure déclinée dans ce premier volume confine au miracle alchimique. D’autant que le choix a été fait par Ankama de rajouter deux cahiers d’illustrations et de croquis ainsi qu’un aperçu sur l’avancée d’adaptation en dessin animé. Un véritable trésor.

Article publié dans le magazine Zoo n°73 (Septembre-Octobre)

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