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Sciences et BD, mariage heureux

Avec l’exposition « Sciences & BD, les rencontres improbables », les Rendez-vous de la bande dessinée d’Amiens s’attachent à souligner le rôle du 9e  Art dans la transmission des connaissances scientifiques. Une tendance récente.

Tout commence en 2020 avec la résidence de Jean-Yves Duhoo, l’auteur de l’album Dans le secret des labos, au sein de l’université de Picardie Jules-Verne, autour de
la culture scientifique, destinée à un large public. Dans ce cadre, le dessinateur propose un journal mural qui traite de la vie des laboratoires de l’université. Deux pages par mois déclinées en 50 grandes bâches et un format journal tiré à 15 000 exemplaires, posés et distribués sur les cinq sites de l’université de Picardie.

« L’idée, c’était de valoriser ce travail, explique Justin Wadlow, le commissaire de l’exposition, de le croiser avec celui d’autres dessinateurs. Nous avons d’abord pensé
à Étienne Lécroart, qui est déjà intervenu dans la licence Métier de la bande dessinée, avec un atelier sur l’Oubapo (l’équivalent de l’Oulipo en BD). Ensuite, à Daniel Casanave et David Vandermeulen pour Sapiens. Enfin à Edmond Baudouin pour son travail avec Cédric Villani sur Les Rêveurs lunaires. »

L'univers

L'univers
© Le Lombard, 2022

Une exposition en quatre parties 

Le travail de tous ces auteurs forme la trame de l’exposition « Sciences & BD », qui est divisée en quatre thématiques. « Premier axe : traduire les savoirs, poursuit JustinWadlow. Comment la bande dessinée peut-elle traduire des concepts complexes ? Il faut simplifier évidemment. Mais quels sont les codes mis en place par la BD ? Deuxième axe : donner à voir la méthode scientifique. Comment la science se fait-elle au jour le jour ? Que se passe-t-il dans la tête des scientifiques ? Troisième axe : la figure du savant. Cela peut se faire de manière biographique ou dans la façon de présenter les faits scientifiques. Et enfin, le quatrième axe : science et société, car la science donne à entendre un discours, parle de la société. » Y seront également repris la totalité des journaux muraux de Jean-Yves Duhoo.

Un parcours en circonvolution 

La disposition de l’exposition a été pensée comme un coquillage ou un cerveau avec
un parcours en circonvolution autour d’un centre où sera installé un laboratoire. Celui-ci accueillera des expériences scientifiques de tous ordres, comme la reproduction d’un dessin par un bras articulé. Autour de cet espace se déploieront les planches originales des auteurs, les journaux muraux, de grandes fresques coloriables et des entretiens avec les auteurs exposés sur leur lien avec la science. Visible les quatre week-ends du mois de juin, « Sciences & BD » compte aller plus loin qu’une simple exposition.

Mister cerveau

Mister cerveau
© Casterman, 2022

« Le site universitaire d’Amiens compte 26 000 étudiants, soit un quart des habitants de la ville, et le reste de la population ne sait pas ce qui se passe dans les laboratoires de l’université », déplore ainsi Justin Wadlow. Ce genre d’initiative fait aussi acte de pédagogie.

Qui dit "Sciences et BD" dit nécessairement vulgarisation ? 

Étienne Lécroart : Il y a plusieurs façons d’aborder les sciences en BD. On peut faire de la vulgarisation en effet. J’en ai fait sur le hasard [La Petite Bédéthèque des savoirs] et sur le changement climatique [Urgence climatique]. La BD est un bon médium. Elle allie l’image et le texte. On peut faire passer par l’image des concepts très abstraits. D’ailleurs, plus le concept est ardu plus ça m’intéresse. On peut aussi utiliser les sciences en BD, partir de concepts scientifiques. Par exemple les mathématiques, à détourner en BD. Dans Contes et Décomptes je me demande si on peut faire des BD infinies. Les images du récit deviennent de plus en plus petites, jusqu’à devenir illisibles, mais potentiellement, ça peut aller vers l’infini.

Qu'est-ce qui vous intéresse dans le fait de transmettre des connaissances scientifiques par la BD ? 

É. L. : Avant tout le fait que peu d’auteurs le font. En BD, je me vois comme un explorateur, un défricheur. Les questions que je me pose, c’est par exemple de savoir quel
domaine n’a pas encore été traité en bande dessinée, et ce qu’elle peut lui apporter. Pour moi c’est un médium complet, hyper riche et très simple d’emploi. Trouver les bons dessins qui résument des concepts compliqués, ça m’intéresse.

Est-ce qu'il y a des recettes pour parler de science sans ennuyer le lecteur ? 

É. L. : C’est toujours un pari. Ma ligne de conduite, c’est que tant que je ne comprends
pas le concept, je n’en parle pas. Et après, j’essaie de le faire passer de la manière la plus
légère possible. Mais ça demande au lecteur de s’accrocher et d’accepter d’être un peu
perdu par moments. 

Urgence climatique - Il est encore temps

Urgence climatique - Il est encore temps
© Casterman, 2022

Est-ce que la pratique de l'Oubapo (Ouvroir de bande dessinée potentiel) vous aide pour ce genre de publications ? 

É. L. : Oui. Avec l’Oubapo, on s’amuse avec la structure de la BD. On déstructure la BD et on la remonte autrement. En faisant ça, ça ouvre des portes dans mon esprit. Ça me permet d’avoir en tête d’autres options de découpage. 

Est-ce qu'il vous a semblé que le monde des scientifiques est réceptif à la bande dessinée, en lien avec la science bien sûr ? 

É. L. : Tout à fait. J’ai été surpris à chaque fois que j’ai rencontré des scientifiques, des professeurs, des chercheurs, de voir leur ouverture d’esprit. Ils sont toujours partants pour faire une bande dessinée. 

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