L’absurdité de l’interminable conflit angolais vue à travers les destinées de trois femmes est au cœur de Nayola, ambitieux film d’animation faisant la part belle au symbolisme avec son approche impressionniste.
Quand l’histoire intime et tumultueuse de femmes d’un même clan se confond avec celle de leur pays, l’Angola, qui a connu une des pires guerres civiles de l’histoire récente entre 1975 et 2002. Le récit de Nayola s’étend sur trois décennies et autant de générations de femmes. Son titre renvoie à Nayola, une jeune mère qui prend la lourde décision de quitter sa fille Yara âgée de deux ans en 1995 pour partir à la recherche de son mari, révolutionnaire disparu au combat. En 2011, Yara est désormais aux portes de la majorité et fait de la résistance en diffusant sous le manteau son rap rageur. Lelena, sa grand-mère fourbue par une existence marquée par les deuils, l’observe avec un œil inquiet alors que la police du pouvoir répressif traque sans relâche la jeune dissidente…
© Nayola, 2023
Couleurs vives pour tristesse infinie
La guerre civile en Angola continue d’être revisitée par le cinéma d’animation cinq ans après Another Day of Life de Raul Fuente et Damian Nenow. Mais Nayola diffère radicalement par son approche tant narrative que formelle. Quand Fuente et Nenow revendiquaient un réalisme quasi documentaire, inspiré des reportages de guerre de Ryszard Kapuściński, José Miguel Ribeiro part de Caixa Preta, une pièce de théâtre en huis clos pour mieux la compléter avec des flashbacks alternant entre confusion mentale, onirisme et trouées hallucinatoire qui ne sont pas sans rappeler le légendaire Valse avec Bachir d’Ari Folman.
La mise en scène impressionniste et sensitive de Ribeiro fait fi du manque de moyens. Sa direction artistique proche de l’esquisse est compensée par une palette de couleurs saturées et une profondeur sonore remarquable afin de mieux amplifier le virage mystique et hautement symbolique du dernier tiers. Car à travers la figure omniprésente du chacal, Nayola parle intelligemment de l’héritage de la guerre, de l’innocence qu’elle enlève, de la terrible nécessité de réveiller notre part animale pour espérer survivre, au risque de ne plus être en mesure de revenir dans notre comédie humaine. Puisque la tragédie aura déjà tout pris.
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