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Au Cabaret Vert, rencontres avec Simon Léturgie et Régis Loisel

Deuxième journée au festival BD du Cabaret Vert ! Alors que les stars de la musique sont attendues dans la soirée, les stars de la BD sont à pied d’œuvre dès l’après-midi. Rencontre avec Simon Léturgie et Régis Loisel.Charlie Adlard s’est installé dehors, à l’ombre des arbres, pour dédicacer en compagnie de son scénariste Herik Hanna sa nouveauté Altamont, puis sa série The Walking Dead. Simon Léturgie, comme la plupart des auteurs, est dans l’espace BD. Rencontre après sa séance de dédicaces.

Régis Loisel | Simon Léturgie : Au Cabaret Vert, rencontres avec Simon Léturgie et Régis Loisel

Charlie Adlard et Herik Hanna dédicacent © François Samson

Simon Léturgie : entre convictions et émancipation

Simon Léturgie travaille ou a travaillé sur différentes séries comme Polstar, Tekila, Gastoon, Spoon & White, [{RED_SER-4072}]Les Profs[{/RED_SER-4072}]...

Au Cabaret Vert, rencontres avec Simon Léturgie et Régis Loisel

Quand on lui pose la question, sa série engagée, c'est principalement « Spoon & White qui a un côté engagé, car cette série parle des Américains totalement égocentrés. Et sur le dernier, Road’n’trip, la thématique était tout ce qui était écologique, avec une toute petite parabole au niveau énergétique. Polstar était engagé sur l’aspect anarchiste, mais je n’étais pas encore assez éduqué à l'époque, j'étais trop jeune. Même si c’est LE bouquin qui dit qu'il ne faut pas avoir confiance en les gouvernements ! »


Couverture de la bd tome 4 par Simon Léturgie



Spoon and White T.9 : Road'n'trip



Les Profs : Album spécial anniversaire




Y aura-t-il un tome 10 de Spoon & White ? Et le dessinateur de répondre : « J'aimerais bien mais ça va dépendre des ventes : à l'heure actuelle, il n’y a pas assez de ventes sur les rééditions donc ce serait une perte de temps et d'argent pour l'éditeur… et pour moi qui ai quand même des énormes besoins (Rires) ! Donc je compte sur un malentendu et que ça décolle au 7e ou au 8e pour reprendre. ». En tout cas, le scénario du tome 10 est prêt.

Simon Léturgie revient sur Les Profs : « Le changement climatique aura au moins une page dans le prochain album. C'est effleuré, mais c'est plus sur le ressenti. Parce que le discours des Profs, c'est plus de la comédie de caractères. C'est-à-dire que c'est une des seules BD franco-belges où il y a autant de personnages féminins avec des archétypes forts. C'est une des grosses qualités de la série. Et on a un public féminin très important. Gilles (Erroc) et Ronan (Sti) ont bien compris certains traits de caractère et apportent une douceur dans l’humour qui convient bien à pas mal de personnes. Les Profs ont un double public, à la fois des enfants et des adultes. Ce qu'on appelait autrefois le grand public !

Ses projets ? Il en a, principalement en tant qu’auteur complet, mais rien de signé pour l’instant, juste des accords de principe.

« Ma problématique, c'était d'avoir un père scénariste, Jean Léturgie

« C'est vachement agréable, j’ai beaucoup appris avec lui et avec Yann. Mais quand je me met au scénario, je me dis que je vais être jugé à l'aune des gens avec qui j'ai bossé. Et le regard paternel à affronter, ce n’est pas évident. Et ça me met en situation de : « Bon, ben j'ai plus besoin de toi » donc, psychologiquement, cela a tendance à être un peu compliqué. Alors que mon père a toujours été très bienveillant ; en fait, les blocages viennent de moi ! »

Venons-en à la musique, puisque nous sommes au Cabaret Vert. « Je travaille en musique : quand j'ai besoin d'être dans une ambiance plus zen donc sur l'encrage ou quand je fais du scénario, je mets surtout de la musique classique ou de la musique de film.

Sur le reste, quand ça a besoin d'envoyer du bois, j'écoute plutôt du rock !

En ce moment, j’écoute des groupes de rap américain comme Prophets of Rage, donc des trucs un peu lourdingues ! »

Ses concerts ? Le dernier, à Paris, était The Black Keys. Et au Cabaret Vert : « J'ai fait la visite ce matin pour savoir où aller parce que j'ai un très mauvais sens de l'orientation ! Donc j'ai vu qu'il y avait une scène rock, ce qui me correspond bien, mais ce soir, je vais voir les Chemical Brothers, le truc de ma génération ! Et demain : Cypress Hill, c'est du rap. »

Pour finir, un petit détour par le sujet du moment, la polémique autour de la reprise de Gaston Lagaffe par Delaf. « Le premier réflexe que j'ai eu, c'était d'envoyer un petit mot à Delaf. Parce que je pense que c'est un merdier. Les responsables sont les éditeurs. Je comprends la position d’Isabelle Franquin, également. C'est intolérable que Dupuis ne protège pas plus ses auteurs. Après, il y a toutes les jalousies du métier par rapport à « c’est Machin qui a décroché la timbale ». Mais il est vain de nier ce qu'est devenue la bande dessinée. Avant, c'était un artisanat culturel plutôt sympathique et c'est devenu une industrie de divertissement, qu'on le veuille ou non. Dans une telle industrie, on ne doit pas s'étonner qu'il y ait de la marque qui se fasse. Donc des albums Spirou, XIII, etc. »


Gastoon T.1 : Gaffe au neveu !


Et de revenir sur son expérience sur Gastoon, le neveu de Gaston Lagaffe, dont il a illustré les deux tomes : « J'en ai pris plein la gueule avec Gastoon, ça m'a valu un burn-out et je ne faisais plus rien. C'est Pierre (Erroc) qui m’a appelé un jour et m’a dit qu’il avait peut-être quelque chose pour moi. Donc, c'était logique pour moi de mettre un mot à Delaf parce que les collègues sont très abrupts. D'autres auteurs comme Pénélope Bagieu en ont pris plein la gueule quand elle est arrivée dans le milieu. »

Et de conclure : c'est important de prendre soin les uns des autres parce que la condition artistique est quand même d'exprimer un minimum de fragilité. Toutes les suites, les spin-off, moi je n'ai pas envie de savoir ça : ça va péter mon imaginaire que je me suis forgé en lisant la série mère. Mais suivent ceux qui veulent ! On n’est pas obligé de les acheter. »

 Régis Loisel : avant et après la Quête

Régis Loisel participe à une rencontre autour du film documentaire qui lui est consacré à l’occasion des 40 ans de La Quête de l’Oiseau du Temps. Petit échange avec lui juste avant la projection.


Régis Loisel

Il y a 40 ans, Loisel était-il un auteur engagé ? « Non, pas du tout ! On était loin des préoccupations qu'il y a actuellement. Il y a 40 ans, il y avait plus des préoccupations politiques droite-gauche. Et moi, je n'en avais rien à foutre et je n'en ai toujours rien à foutre. À savoir que la politique ne m'intéresse pas. C'est bonnet blanc et blanc bonnet. »

« Je ne suis pas un auteur engagé parce que je suis là pour faire rêver les gens. Je ne suis pas là pour leur donner des leçons.»

« La seule histoire sur laquelle j'ai mis des petites choses un peu rigolotes, c'était dans mon Mickey. Mais c'est en filigrane, c'est du Mickey, ce ne sont pas des grosses réflexions ! C'était juste des petits clins d'œil, des situations politiques, la malbouffe, le pouvoir des puissants sur le petit peuple, la zombification des petites gens. Voilà, mais c'est du Mickey ! »


Extrait n°4 de la bd Mickey Mouse, Café Zombo par Régis Loisel

Et à l’avenir ? « J'aurais des idées… Par exemple il y a un truc qui me turlupine depuis déjà pas mal de temps, mais je ne pourrai pas le faire parce qu’il faudrait que je change carrément mon dessin. Pour raconter des histoires comme ça, il ne faut pas forcément avoir un dessin hyper alambiqué, très nourri. Il faut que je trouve un langage, une écriture graphique qui me permette de faire trois pages par jour. Mais ce n'est pas ma préoccupation du moment, artistiquement. »

Parlons musique. « J'ai dessiné beaucoup en musique, j'aimais bien la rdio FIP parce qu’il y avait tout en un : jazz, variété, samba, chanson française, américaine, ce que tu veux. Donc il y avait un melting-pot de toutes ces chansons-là parce que je suis incapable d'écouter tout un CD d’un chanteur, sauf si vraiment je l'aime beaucoup !  Mais je peux faire ça uniquement quand c'est du dessin : je ne peux pas par exemple scénariser avec de la musique, ce n'est pas possible. Et pour le dessin, c'est peut-être plus sur l'encrage que je pouvais écouter de la musique, parce que toute la créativité se fait à travers le crayonné, c'est là où tu poses les choses. L'encrage c'est là où tu peux peaufiner. »

Et aujourd’hui ? « Avant, j’habitais au Canada et j'écoutais la musique à la radio. Et j'en ai eu marre parce que les stations de radio, là-bas, ne me convenaient pas trop et je me suis habitué à ne plus écouter de musique. Maintenant je me force à réécouter de la musique en dessinant, parce que je n'y pense plus. Parfois, je me dis : « Putain je suis con, je suis dans mon atelier, il y a le silence, je pourrais mettre de la musique ! Et je ne sais pas quoi mettre ! J'ai entendu des trucs qui me plaisent bien mais je ne me rappelle plus du nom du groupe et je n'ai pas envie de chercher des plombes sur l'ordinateur. J'avais demandé à mon fils de me faire une playlist. Comme je suis  pas très fortiche avec les ordinateurs et la modernité de la technique, j'attends qu’on me le fasse ! »

Côté concert, le dernier auquel Loisel a assisté était il y a 3 ans, au Cabaret Vert.

« J’ai vu Bernard Lavilliers, Patti Smith… et Angèle. C'est très bien mais je n'ai jamais été un consommateur de concert, j'en ai fait quelques-uns, quand j'étais plus jeune : j'avais vu les Who, Joe Cocker, Moody Blues, dans les années 70 80. Puis d'autres, mais pas tellement. Il faut vraiment qu'on me tire, de moi-même, je n'irais pas. C'est des copains qui me disent : "Allez viens, on prend une place, il faut que tu viennes avec nous écouter telle et tel groupe..." Ah si, j’ai vu aussi Dead Can Dance, en 2000, au Canada ! C'était vraiment très sympa, mais à leur concert, il faut être assis ! »

Au Cabaret Vert, cette année, Loisel n’a pas encore repéré un groupe en particulier, il vient d’arriver.  « Il y a plein de groupes que je ne connais absolument pas, c'est très pointu ! Après, tu écoutes. Tout à l'heure j'ai écouté la mise en balance de… comment s'appelle cette femme qui est un homme en même temps… Christine and the Queens ! »


En quête de l'oiseau du temps

Quant à l’actualité bande dessinée de Loisel, les lecteurs attendent l’ultime tome de la Quête qu’il dessinera lui-même et dans lequel on assistera à la mort de Bragon, mais ce n’est pas pour tout de suite : « Actuellement, je suis sur un one shot qui fait à peu près 140-150 pages. J'ai fait 85 pages donc il me reste encore du boulot ! C‘est une histoire complètement loufoque qui n'a rien à voir avec ce que j’ai fait. De toute façon, en général, je change toujours d'univers. Et quand j'ai fini, je me mets sur le dernier Quête que je dessinerai moi-même. Avec Serge Le Tendre, on écrit le scénario depuis quelques mois. De temps en temps, il vient chez moi et on écrit des trucs... D’où ce petit film qui va être projeté tout à l'heure, réalisé par Mathieu Hussenot.

Donc, il va encore falloir attendre un peu pour lire l’album que dessinera Loisel et qui se passe après La Quête : « Le temps de de finir mon album, je ne suis pas pressé… Pas avant 3 ans. On a l'éternité ! Il faut que le scénario soit super, qu’il y ait des émotions, qu'on retrouve ce qu'on a vu dans la première version de La Quête, cette espèce de surprise. »

Concernant Avant la Quête, le dernier tome de ce cycle avance bien également : « On aura aussi d'ailleurs cette surprise dans la fin du de la deuxième époque, dont le dernier tome est dessiné par Vincent Mallié : l’album fait 100 pages et il en a déjà fait 80. On n’est pas loin ! Et je pense que le scénario est vachement bien ! »

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