Chaque vendredi, on découvre ensemble une planche de l'immense collection de la Cité de la bande dessinée et de l'image d'Angoulême qui propose jusqu'en août 2026 une exposition fascinante et sans cesse renouvelée : Trésors des Collections. Dans la section Jeunesse, découvrez la planche #17 : Bécassine de Pinchon !
Le mot du commissaire de l'exposition, Jean-Pierre Mercier
Le mot du chroniqueur de ZOO, par Frédéric Grivaud
Avec cette très belle planche (parue en 1923), on peut déjà se rendre compte que bien au-delà de ce que l'on pourrait s'imaginer aujourd'hui, cette série bénéficiait d'une qualité graphique très affirmée, quelques 6 ans avant la création de Tintin. Et que si la « Ligne claire » n'était peut-être pas nommée telle quelle, tout était déjà posé avec maitrise.
On sait aussi que l'héroïne bretonne vivait de nombreuses aventures à travers le monde, préfigurant bon nombre d'autres séries du même genre, d'autres grands héros que les historiens de la BD ont eu tendance à davantage mettre en avant à son détriment.
Ainsi, en observant cette scénette, on ne peut qu'admirer la fluidité des mouvements, l'enchaînement des gestes des deux protagonistes. On sent l'élan dans la position du jeune homme qui regarde où se trouve Bécassine, qui lance sa corde, prépare les nœuds et aide son amie à se dépêtrer de ce mauvais pas. Nul besoin de dialogue, d'explications, tout est limpide, sans chichi. Pinchon reste clair dans ses cadrages, dans la mise en scène. Il alterne très habilement les cases verticales pour accentuer la hauteur de la paroi, et les plans rapproché pour mieux observer les deux personnages et leurs gestes.
Le dessin est mine de rien très expressif dans sa gestion des corps, mais aussi dans les traits des visages ou se lisent à la fois une sorte d'agacement, mais aussi de l'inquiétude. Pinchon nous guide alors dans notre lecture en rythmant les émotions pour accompagner le sauvetage de notre maladroite bretonne.
Cependant, c'est aussi intéressant de voir que la planche n'a à priori pas été conçue d'un bloc, mais composée de dessins rassemblés les uns avec les autres. L'effet est accentué par l'absence de cadre. A cette époque, la Bande Dessinée est un Art encore assez jeune, les auteurs expérimentent, voguant entre illustration et BD, ils écrivent en direct les codes du genre. Toutefois, la mise en scène dénote aussi par sa modernité, ce dynamisme tranquille et très efficace.
En 9 petits « clichés », Pinchon nous donne une très belle leçon de BD qui donnerait bien envie d'en lire davantage, voire même de réhabiliter un peu plus cette héroïne et son univers précurseur.
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