Lors de la vente aux enchères organisée par Daniel Maghen Enchères le samedi 30 novembre 2024, deux figures majeures du 9e Art se distinguent par la richesse et la qualité de leurs œuvres présentées : Vincent Mallié et Michel Plessix. Ces artistes, reconnus pour leur maîtrise du dessin et leur capacité à immerger le lecteur dans des univers narratifs fascinants, proposent des œuvres emblématiques qui captiveront amateurs et collectionneurs.
Vincent Mallié : le maître de la narration graphique
Depuis plus de 25 ans, Vincent Mallié s’est imposé comme une figure incontournable de la bande dessinée franco-belge. En alliant lyrisme visuel, maîtrise technique et narration immersive, il a su transcender des univers variés pour les enrichir de son identité singulière. De La Quête de l’Oiseau du Temps à Ténébreuse, chaque projet témoigne de son sens inné de la mise en scène et de son goût pour l’exploration artistique. Aujourd’hui, ses œuvres entrent dans une nouvelle dimension grâce à leur valorisation sur le marché de l’art.
Une carrière marquée par l’humilité et l’exigence
Vincent Mallié a débuté sa carrière en 1987, mais c’est avec Le Grand Mort, publié en 2007, qu’il a affirmé sa personnalité graphique. Très tôt, ses dessins révèlent une maîtrise des cadrages, des jeux de lumière et des compositions, autant d’éléments qui deviendront sa signature. À propos de sa philosophie artistique, il confiait en 2007 : « Mon travail devait résulter de 50 % d’humilité et de 50 % d’orgueil. »
Ce juste équilibre l’a conduit à s’illustrer dans des projets ambitieux comme Avant la Quête, une préquelle de La Quête de l’Oiseau du Temps. Dans cette série, il s’est attaché à respecter les codes visuels instaurés par Régis Loisel tout en y apportant sa propre sensibilité. Comme il l’explique : « Me mettre dans les pas d’un autre dessinateur n’est pas une contrainte, mais une possibilité de me projeter dans un autre point de vue. »
LA QUÊTE DE L’OISEAU DU TEMPS - AVANT LA QUÊTE Dargaud Illustration originale réalisée en 2024. Signée. Aquarelle, encre de Chine et gouache sur papier 46 × 61 cm - 8 000 - 10 000€
L’apothéose avec Ténébreuse
Avec Ténébreuse, Vincent Mallié a trouvé un aboutissement artistique en collaborant avec le scénariste Hubert, tragiquement décédé après la publication du premier tome. Cette série, située dans un univers médiéval fantastique, est marquée par une profondeur émotionnelle et une réflexion sur l’intime.
TÉNÉBREUSE Livre Premier (T.1), Dupuis 2021 Couverture originale. Signée. Aquarelle, encre de Chine et gouache sur papier 61 × 46 cm - 10 000 - 12 000€
« Hubert avait l’habitude de travailler avec des auteurs au langage graphique plus simple que le mien, mais tout aussi efficace. Je pouvais lui apporter du panoramique à la Sergio Leone, du souffle, et cette façon de cadrer devait servir l’intimité qu’il allait développer dans son récit. »
TÉNÉBREUSE Livre Second (T.2), Dupuis 2022 Couverture originale. Signée. Aquarelle, encre de Chine et gouache sur papier 61 × 46 cm - 8 000 - 10 000 €
« La disparition d’Hubert a posé la question de la suite. Régis Loisel m’a dit qu’il fallait que je sublime son histoire. Cela a été une aventure à la fois douloureuse et enrichissante. » Ces mots illustrent l’intensité personnelle et artistique qui imprègne cette œuvre.
La vente aux enchères : un passage vers le marché de l’art
Vincent Mallié voit dans la vente organisée par Daniel Maghen Enchères un tournant dans sa carrière. « Cette vente, c’est l’aboutissement d’une carrière, qui est pourtant loin d’être terminée. Là, on entre dans le marché de l’art. »
Pour lui, cette entrée dans les salles de vente est une reconnaissance de la bande dessinée comme art majeur. « Depuis mes débuts, la BD a pris de l’importance en tant qu’œuvre d’art à part entière. Aujourd’hui, un dessin peut être publié, mais aussi trouver une seconde vie chez un collectionneur. »
Les planches et illustrations sélectionnées, issues de La Quête de l’Oiseau du Temps, Ténébreuse et Le Grand Mort, incarnent le meilleur de son travail. « Le choix des planches a fait l’objet d’une réflexion avec Daniel Maghen. Ces œuvres doivent se suffire à elles-mêmes et représenter tout ce qu’elles véhiculent. »
Michel Plessix : l’art de la poésie et de la nature
Michel Plessix, né le 10 novembre 1959 à Saint-Malo, a laissé derrière lui une œuvre marquante, empreinte de poésie, d’émotion et d’amour pour la nature. Son décès soudain en 2017 a mis un terme à une carrière riche et variée, mais son héritage artistique continue de vivre à travers ses albums et les souvenirs qu’il a laissés à ses proches et à ses lecteurs.
Les débuts d’un dessinateur visionnaire
Dès son plus jeune âge, Michel Plessix montre un talent précoce pour le dessin, qu’il considère d’abord comme un passe-temps. Inspiré par les bandes dessinées qu’il dévore, des Tintin aux illustrés du Journal de Mickey, il découvre sa vocation à l’âge de 12 ans grâce au livre Comment on devient créateur de bandes dessinées de Philippe Vandooren. « Ainsi donc, c’était un métier, un vrai ! J’allais essayer de gagner ma vie, d’avoir une fonction sociale en m’amusant ! » confiera-t-il.
Ses premières étapes le mènent à fréquenter l’atelier du dessinateur Jean-Claude Fournier, célèbre pour ses aventures de Spirou et Fantasio. Ce mentorat, mêlant bienveillance et exigence, façonne son approche de la narration et du dessin. C’est dans cet atelier, aux côtés d’artistes comme Emmanuel Lepage, que Michel affine son style, basé sur une forte attention aux détails et une narration claire.
Une carrière marquée par des œuvres humanistes
Julien Boisvert : l’apprentissage du réalisme
En 1989, Michel Plessix collabore avec Dieter pour créer la série Julien Boisvert, un récit semi-réaliste sur le voyage initiatique d’un jeune diplomate. Loin des récits d’aventure classiques, la série aborde des thèmes tels que la désillusion, la parentalité et la quête de soi. « Avec Julien Boisvert, j’ai appris à construire des histoires en mêlant l’émotion et le réalisme, deux piliers de mon travail », expliquait-il.
Le Vent dans les Saules : une œuvre magistrale
Inspiré par le classique de Kenneth Grahame, Le Vent dans les Saules (1996-2001) marque un tournant dans sa carrière. Cette adaptation, portée par un graphisme humoristique et une aquarelle d’une grande finesse, célèbre les plaisirs simples de la vie : la nature, l’amitié, et le quotidien. Michel transforme ce récit en un hymne à la beauté de l’instant, enrichi de personnages mémorables comme Rat, Taupe et l’excentrique Crapaud.
Michel Plessix s’attelle ensuite à une suite, Le Vent dans les Sables (2005-2013), transportant ses héros au Maroc. Inspiré par ses voyages à Essaouira, il offre une ode à la diversité culturelle et au vivre-ensemble. « J’ai voulu mettre ces personnages si anglais dans un univers totalement différent, pour célébrer l’altérité et l’échange », expliquait-il.
Un perfectionniste discret
Plessix était connu pour son souci du détail, qu’il appliquait à tous les aspects de son travail, de la narration au cadrage. Après sa mort, ses proches ont découvert des archives riches en croquis, scénarios et recherches préparatoires, révélant la profondeur de sa réflexion créative. « Il excellait dans l’art de la mise en page et la précision de son trait, tout en restant fidèle à l’émotion qu’il voulait transmettre », note un proche.
Son approche artistique mêlait rigueur et sensibilité : « Ce que je trouve intéressant, c’est le mélange d’humour et de sensibilité, qui permet de rendre les personnages proches du lecteur, comme des amis », confiait-il. Cette philosophie transparait dans toute son œuvre, notamment dans la tendresse avec laquelle il traite ses personnages.
Un héritage intemporel
Malgré sa disparition prématurée, Michel Plessix a laissé une empreinte indélébile dans le monde de la bande dessinée. Son amour pour la Bretagne, qu’il décrivait comme « un horizon qui nous invite à rêver d’ailleurs », et pour la nature transparaît dans ses récits. En 2017, alors qu’il travaillait sur un projet intitulé À l’ombre des Saules, la vie l’a rappelé à cette terre qu’il chérissait tant.
Ses œuvres, portées par une vision unique de la bande dessinée comme art majeur, continuent d’émouvoir et d’inspirer des générations de lecteurs.
Informations pratiques
Date de la vente : samedi 30 novembre 2024, 14h30.
Lieu : Maison de l’Amérique Latine, 217 boulevard Saint-Germain, Paris 7e.
Exposition publique : Galerie Daniel Maghen, du 26 au 29 novembre 2024.
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