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La planche de la semaine : The Spirit par Will Eisner

Chaque vendredi, on découvre ensemble une planche de l'immense collection de la Cité de la bande dessinée et de l'image d'Angoulême qui propose jusqu'en août 2026 une exposition fascinante et sans cesse renouvelée : Trésors des Collections. Dans la section aventure, découvrez la planche #23 :The Spirit par Will Eisner

Will Eisner : La planche de la semaine : The Spirit par Will Eisner

Le mot du commissaire de l'exposition, Jean-Pierre Mercier

William Erwin « Will » Eisner est déjà un professionnel aguerri quand paraît le premier épisode des aventures du Spirit. Il a fait ses premiers pas de dessinateur professionnel à quinze ans, et monté en 1935 avec un associé un studio spécialisé dans la production d’innombrables bandes dessinées pour la presse spécialisée, où travaillent bientôt Bob Kane et Jack Kirby.

Il abandonne le studio en 1940 pour créer en solo un héros dont les aventures paraîtront sous la forme d’un supplément hebdomadaire comprenant un épisode complet du personnage, un détective privé intrépide et athlétique. On lui demande d’habiller d’un costume particulier (les premiers super-héros sont la rage de l’époque). Il affuble alors simplement son héros d’un masque et d’une paire de gants : le Spirit est né.

D’abord classique, la bande se signale bien vite par ses innovations : Eisner mêle l’aventure et le second degré, s’inspire du cinéma, de la littérature (Maupassant est une influence majeure), joue en virtuose de découpages qui font la part belle à un noir et blanc expressif. New Yorkais de naissance, il exalte la poésie urbaine des immeubles décatis, des ruelles sombres. Marqué par les actrices hollywoodiennes, il confronte avec humour son personnage, célibataire endurci, à des donzelles aussi séduisantes que dangereuses. Secondé par une équipe de choc (les grands dessinateurs Lou Fine et Wallace Wood, le scénariste Jules Feiffer), Eisner produit des dizaines d’épisodes inoubliables.

La série s’arrête en 1952 et Eisner se tourne alors vers la communication visuelle, travaillant essentiellement pour l’armée et l’administration américaine. La redécouverte dans les années 1970 du Spirit entraîne des rééditions, dont l’illustration présentée aujourd’hui est une résultante : les thèmes du Spirit (action dramatique, argent, décor nocturne) s’y trouvent rassemblés en une composition saisissante. Cette reconnaissance tardive permet son retour à la bande dessinée, qu’il pratique toujours en novateur, promouvant le roman graphique et l’autobiographie.

Le mot du chroniqueur de ZOO, par Frédéric Grivaud

Si l'on évoque les œuvres pionnières et les grands maîtres du passé, le Spirit de Will Eisner fait sans aucun doute partie de celles qui ont su remettre le plus intelligemment en question les règles de la narration. Will Eisner a contribué à l'évolution du langage de la bande dessinée que nous connaissons aujourd'hui, en explorant des éléments comme la composition de la page, le dynamisme des plans, l’importance de la lumière et la hiérarchisation des informations. Expérimentant, tout en plaçant la lisibilité au premier plan de ses préoccupations.

Comme on peut s’en rendre compte dans cette superbe page qui nous transporte au gré d’un faisceau de lumière dans un décor réduit au minimum, se concentrant sur les informations nécessaires pour bien comprendre où l’on se trouve avant d’en arriver à la dernière case où apparait le héros.


Le noir encadre chaque bulle de lumière qui présente un détail essentiel, écartant les décors superflus. Ainsi, Eisner simplifie le langage de sa bande dessinée pour mieux orienter le lecteur sur ce qu'il doit observer, l'accompagnant à travers la planche. Derrière son apparente simplicité, Eisner questionne habilement la place du personnage sur la page en le réduisant à son expression la plus élémentaire.

Une planche qui montre la virtuosité de l'artiste dans ce constant regard méta qu'il jette sur la page, présentée comme une sorte de scène de théâtre.

La planche de la semaine : The Spirit par Will Eisner

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