Récompensé par un Fauve d’honneur pour l’ensemble de sa carrière lors du Festival international de la Bande Dessinée d’Angoulême (2023), invité d’honneur de la Japan Expo à venir… Mais qui est Junji Ito, le maître de l’horreur ?
Alors que Mangetsu continue d’enrichir son catalogue d’œuvres de Junji Ito en grand format, ZOO s’attarde sur la trajectoire hors norme d’un auteur qui a marqué son temps.

Portrait de Junji Ito © Delcourt/Tonkam
ENFANT DE L’EFFROI
Né en 1963, dans la préfecture rurale japonaise de Gifu, Junji Ito a toujours côtoyé l’effrayant. À commencer par sa grande mai- son délabrée, dont le sous-sol était relié à un tunnel plein de grillons des cavernes… Ses deux sœurs aînées lui font lire à 4 ans des mangas d’horreur, notamment de Kazuo Umezu, Hideshi Hino et Shinichi Koga. En grandissant, il consomme des kaidan eiga (fi lms de fantômes japonais), les classiques de la Hammer mais aussi les œuvres de Lovecraft .
En 1986, le Gekkan Halloween, jeune magazine mensuel d’horreur shojo, organise un concours. À 23 ans, Junji Ito y participe et Tomie est publié dès 1987. Pendant trois ans, il continue son travail d’assistant dentaire, avant de démissionner et de devenir pleinement mangaka. En 1998, démarché par Shogakukan, Junji Ito intègre le magazine seinen Big Comic Spirits. Il écrit alors son premier manga au long court : Spirale. Le succès est en marche.

Couvertures des albums Tomie et Spirale © Junji Ito
SAUVE-QUI-PEUR
« Contrairement à l’horreur classique, Junji Ito va jouer avec l’angoisse d’un quotidien qui bascule, doucement mais sûrement, dans une terreur qui dépasse la logique humaine » analyse l’éditrice Carole Fabre. « L’origine du mal reste souvent un mystère. Nombre de ses histoires condamnent ses personnages à une fatalité incompréhensible. »
Ses histoires courtes privilégient l’ambiance aux personnages. « Junji Ito a le talent unique d’instaurer le malaise en seulement quelques cases », ajoute l’éditrice. Son trait élégant (hérité de ses débuts dans le shojo), « demeure intemporel bien que certaines de ses nouvelles aient plus de trente ans ! ».

" Contrairement à l’horreur classique, Junji Ito va jouer avec l’angoisse d’un quotidien qui bascule, doucement mais sûrement, dans une terreur qui dépasse la logique humaine " © Junji Ito
« Je pense que le corps humain, avec son cerveau au fonctionne ment complexe et incompréhensible, constitue la base de toutes les formes d’horreur », expliquait Junji Ito lors d’un entretien en juin 2024 pour le Japan Times. Ses œuvres fourmillent de transformations humaines et de body horror grotesque. D’après le mangaka, la peur est essentielle à notre survie. Les histoires d’horreur cultivent une résistance à l’effroi et nous prépare à l’inattendu.

" Je pense que le corps humain, avec son cerveau au fonctionne ment complexe et incompréhensible, constitue la base de toutes les formes d’horreur " © Junji Ito
« L’horreur de la réalité est vraiment sans espoir, explique-t-il au Japan Times. Mais l’horreur fictive et surnaturelle, comme dans mes histoires, procure une peur onirique très différente. Je pense que le fait d’apprécier de tels contes de fées peut être une source de salut par les temps qui courent… »
Retrouvez ici l'interview complète de l'éditrice Carole Fabre.
Article publié dans le Mag ZOO Manga N°18 Mars-Avril 2025
ZOOMAGE
ZOOManga18
JunjiIto
Interview
Votre Avis