Chaque vendredi, on découvre ensemble une planche de l'immense collection de la Cité de la bande dessinée et de l'image d'Angoulême qui propose jusqu'en août 2026 une exposition fascinante et sans cesse renouvelée : Trésors des Collections. Dans la section humour, découvrez la planche #26 : Baron noir par René Pétillon et Yves Got.
Le mot du commissaire de l'exposition, Jean-Pierre Mercier
Rare exemple de strip politique à la française, Le Baron noir est paru dans L’Echo des Savanes en 1976 avant d’aller se poser l’année suivante dans les pages du Matin de Paris, où il rencontra le succès pendant cinq ans.
Œuvre conjointe de René Pétillon et Yves Got, le Baron noir est un strip minimal dont le principe narratif est d’une limpide simplicité : soit un vautour, des moutons et des rhinocéros policiers. Le vautour attrape des moutons pour les manger, les rhinocéros-policiers sont en principe là pour protéger les moutons, qui n’en peuvent plus. Ajoutez au tableau des tortues, des fourmis rouges, quelques autruches et vous aurez une idée assez simple d’un petit théâtre qui s’agite devant un décor vide de désert peuplé de quelques rochers.
Avec ce canevas darwiniste du struggle for life, Pétillon et Got échappent aux travers du commentaire politique ancré dans l’air du temps pour atteindre à une forme de classicisme : malgré quelques détails datés (on croise des moutons punks), la force comique du Baron noir ne s’est pas émoussée avec le temps, et la comédie brechtienne du maitre et de l’esclave reste d’une réjouissante actualité.
La belle expressivité du trait d’Yves Got (dessinateur trop rare qui a également été enseignant) n’est pas pour rien dans la réussite de cette série qui a été depuis presque constamment rééditée. René Pétillon (qui céda vers la fin sa place à Nikita Mandryka, Christian Godard et Martin Veyron), faisait alors ses premiers pas dans le commentaire politique. Il est depuis devenu l’un des cartoonistes vedettes du Canard Enchaîné et l’auteur génial de la série Jack Palmer.
Le mot du chroniqueur de ZOO, par Frédéric Grivaud
Toujours d'actualité, Le Baron Noir de René Petillon et Yves Got demeure une référence incontournable en matière de strip à la française, et d’une très grande pertinence, comme nous le montre bien cette planche.
Les deux auteurs mettent en scène le célèbre prédateur qui tend une nouvelle fois un piège apparemment évident, mais qui s'avère d'une efficacité redoutable. Ils soulignent ainsi la stupidité de ces moutons incapables de voir au-delà de leur propre museau. La parabole est presque trop évidente elle aussi, tant les figures archétypales utilisées par Petillon et Got frappent immédiatement, dès le premier coup d'œil. Inutile de s'étendre davantage, tout a été dit.
D’ailleurs, tout dans le Baron Noir, fonctionne sur un langage épuré. Qu'il s'agisse des textes où, comme on peut l'observer ici, du graphisme qui évite soigneusement les détails superflus, minimisant les décors, la mise en page des cases et de la planche à ses éléments les plus basiques.
Néanmoins, cela témoigne une fois de plus d'une belle efficacité et explique également l'aspect intemporel de ce strip qui n'a pas pris une ride.
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