Naoki Urasawa, le mangaka aux plus de 100 millions d’exemplaires vendus, est invité aux Rendez-vous de la Bande Dessinée d'Amiens les 7 et 8 juin. L’occasion de se pencher sur la carrière de ce monument du 9e art very french friendly.
« Mon objectif est le même pour chaque série : raconter l’état des êtres humains. C’est ce qui m’a toujours intéressé le plus. » C’est par ces mots que Naoki Urasawa résume son œuvre en 2018, alors qu’il est invité au Festival d'Angoulême (FIBD). L’auteur, qualifié de maître du suspense, a eu une carrière parsemée de succès, de rock et de… France !
Thriller and rock’n’roll
Né le 2 janvier 1960, dans la préfecture de Tokyo, Naoki Urasawa est le cadet de sa fratrie. Il découvre Astro Boy et Le Roi Léo d'Osamu Tezuka à l'âge de 4 ans, chez ses grands-parents, où il vit un temps alors que ses parents se séparent. Osamu Tezuka fait rêver le petit garçon qui le considère, encore maintenant, comme « un dieu, un père. » A 8 ans, il découvre le cinéma français, et tout particulièrement le film Le Trou, à l’occasion d’une rétrospective à la télévision. « Si j'ai appris à ne pas faire de fins heureuses, c'est grâce au cinéma français », confie le mangaka en 2018.
À l'école primaire, il dessine de courts mangas qui deviennent une monnaie d’échange dans la cour de récrée et lui permettent d’échapper à ses harceleurs. A cette époque, il découvre les mangas de sport d’Ikki Kajiwara. Plus tard, il lit également les œuvres de Stephen King, d'Hergé et de Moebius, dont il est particulièrement admiratif. Adolescent, il tombe dans la marmite du rock. Fan de Takuro Yoshida et de Bob Dylan, il achète par erreur une guitare… classique (comme un de ses personnages dans 20th Century Boys). Ces références internationales feront de ses mangas des œuvres plébiscités par les Européens.
De la comédie sportive à l’enquête haletante
En dernière année d’étude, il passe les portes de la maison d’édition Shôgakukan espérant être embauché au service commercial… Il y finit mangaka après avoir montré quelques-unes de ses planches au directeur en chef adjoint du Shonen Sunday. En 1982, sur les conseils de son éditeur, Naoki Urasawa présente sa nouvelle Return au concours des jeunes auteurs et reçoit le prix du meilleur jeune mangaka. Devenu assistant, il publie en 1983 sa première nouvelle, Beta!, un récit de science-fiction, dans le supplément du Big Comic dédié à Golgo 13.
C’est en 1985 que sa carrière prend un tournant en la personne de Takashi Nagasaki. Le célèbre éditeur de manga commence à le suivre et à le conseiller sur toutes ses productions. En 1986, le très bon Pineapple Army, co-scénarisé par Kazuya Kudô parait.
La même année, le premier grand succès de Naoki Urasawa débarque dans les pages du Big Comic Spirits : Yawara!. Cette comédie romantique sur le judo féminin est récompensée par le prix Shôgakukan en 1990. Trente millions d'exemplaires sont vendus rien qu’au Japon et toutes les petites filles se mettent au judo ! Après deux one-shot, il entame en 1988 un autre manga à succès : Master Keaton, série policière, co-scénarisée par Hokusei Katsushika et l’éditeur Takashi Nagasaki.
Exposition « Naoki Urasawa, auteur en séries » à la Halle Freyssinet © Les RDV BD d'Amiens, 2025
Exposition « Naoki Urasawa, auteur en séries » à la Halle Freyssinet © Les RDV BD d'Amiens, 2025
Des succès multirécompensés
En 1994, Naoki Urasawa accouche d’un de ses chefs-d’œuvre : Monster. Ce thriller psychologique plus sombre que ses mangas précédents racontent comment, dans l'Allemagne d'après la chute du Mur, le docteur Tenma pourchasse un ancien patient devenu tueur en série.
La série est récompensée par le prix Shôgakukan en 2001, par le Grand Prix Osamu Tezuka en 1999, mais aussi par le prix de la meilleure série du FIBD en 2003.
En 1999, sort le best-seller 20th Century Boys. Naoki Urasawa y raconte les aventures d’un groupe d'amis luttant contre un ex-camarade de classe devenu gourou messianique dans un Japon uchronique. Acclamée par le public et la critique, la série reçoit le prix Shôgakukan en 2003, celui Kôdansha (bien que non édité par cette maison !!) en 2001, ainsi que le prix de la meilleure série au FIBD en 2004. Le rock tient une place importante dans 20th Century Boys (le titre est d’ailleurs inspiré par le groupe T.Rex). En bonus, Naoki Urasawa chante lui-même la chanson du héros dans le CD Lost Kenji Tapes Volume.1 Bob Lennon.
En 2003, il réalise un rêve de gosse en adaptant Pluto, une aventure d'Astro Boy, héros mythique d’Osamu Tezuka et lecture d’enfance. L’œuvre est adoubée en 2005 du Grand Prix… Osamu Tezuka ! Ainsi que du prix intergénérations du FIBD en 2011. Consécration… puis déception.
En 2006, la fin de 20th Century Boys, jugée incomplète, est mal reçue par les lecteurs. Ceux-ci patientent près d’un an avant de lire le véritable « chapitre final ». Ce délai est en réalité dû à une grave blessure à l’épaule de Naoki Urasawa, épuisé par un rythme de travail soutenu, lui qui a toujours dessiné deux séries à la fois. En 2007, il écrit plusieurs chansons jusqu’à sortir en 2008 son premier album intitulé Hanseiki no otoko.
En 2008, l’éditeur Takashi Nagasaki, co-auteur de l’ombre de Naoki Urasawa, quitte Shôgakukan et se lance à son compte. Désormais, son protégé signe ses œuvres de leurs deux noms, notamment Billy Bat paru la même année chez Kôdansha. Le mangaka y revisite l'Histoire par l'intermédiaire d'une chauve-souris mystérieuse tout droit sortie d’un comics des années 1940.
La France au cœur
En 2012, Naoki Urasawa est l’invité d’honneur de la Japan Expo. Une fois encore la France le célèbre. Un amour que l’auteur lui rend bien. En 2017, parait Mujirushi ou Le Signe des rêves, un concentré de pop culture japonaise et française, saupoudré de musée du Louvre. Dans plusieurs de ses œuvres, l’auteur témoigne de son goût pour la culture occidentale. « Je suis très attaché à la culture et à la contre-culture américaine. Mais l'Europe me semble un cadre plus riche en histoires, plus intéressant pour développer mes intrigues », affirme-t-il.
En 2018, parait le manga de course Asadora!. La même année, Naoki Urasawa reçoit le fauve d'honneur du Festival d'Angoulême. Sept ans plus tard, il revient en France en tant qu’invité d'honneur des 29e Rendez-Vous d’Amiens.
« Je suis très heureux d’être invité. J’ai hâte de rencontrer le public français et belge », a-t-il révélé dans une vidéo diffusée par les organisateurs du festival, avant de conclure par un « à bientôt » en français dans le texte !
Affiche de festival réalisée par le mangaka Naoki Urasawa© Les RDV BD d'Amiens, 2025
Une double exposition rétrospective à Amiens
A bientôt, oui ! Cette année, les Rendez-vous de la Bande dessinée d’Amiens voient les choses en grand avec une double exposition consacrée à Naoki Urasawa, dédoublée entre la Halle Freyssinet et la Maison de la Culture : « Naoki Urasawa, auteur en séries » et « Naoki Urasawa, un talent monstre ».
« Cela fait quatre ans que nous voulions convier cet auteur de légende à Amiens. Quatre ans de travail et de négociations avec les éditeurs d’Urasawa », souligne Anthony Pardi, chargé de mission manga et coordinateur des Rendez-vous d’Amiens. Une double exposition s’imposait compte tenu de la « quantité de travail assez importante d’Urasawa, explique le chargé de mission manga. A la Halle Freyssinet, les visiteurs découvriront les séries Monster, Asadora!, Yawara! et Happy!. A la Maison de la culture, il y aura Monster aussi, mais également 20th Century Boys. »
Les expositions se veulent immersives, complémentaires et accessibles tant aux amateurs qu’aux fans de la première heure.
Exposition « Naoki Urasawa, auteur en séries » à la Halle Freyssinet © Les RDV BD d'Amiens, 2025
Exposition « Naoki Urasawa, auteur en séries » à la Halle Freyssinet © Les RDV BD d'Amiens, 2025
Exposition « Naoki Urasawa, auteur en séries » à la Halle Freyssinet © Les RDV BD d'Amiens, 2025
Exposition « Naoki Urasawa, auteur en séries » à la Halle Freyssinet © Les RDV BD d'Amiens, 2025
« Il n’y aura pas d’originaux parce que la politique de l'éditeur Shôgakukan est très stricte : aucun original ne sort du territoire japonais. Mais nous aurons une dizaine de facsimilés. Et Amiens est réputé pour faire de jolies scénographies : nous allons plonger les visiteurs dans les atmosphères des séries, le road-trip, le thriller… Car le style d’Urasawa transpire l'enquête, le suspense et les cliffhangers. On exposera, par exemple, un immense tableau d’enquête de 3,5 m par 4. Il y aura aussi la queue du monstre d’Asadora! et une superbe maquette d’avion ! A la Maison de la Culture, le fil rouge sera les personnages principaux de Monster et de 20th Century Boys mais aussi les passions de l’auteur. Particulièrement le rock ! Le public pourra écouter ses albums et voir des extraits de ses concerts », détaille Anthony Pardi.
Exposition « Naoki Urasawa, un talent monstre » à la Maison de la Culture d'Amiens © Les RDV BD d'Amiens, 2025
Exposition « Naoki Urasawa, un talent monstre » à la Maison de la Culture d'Amiens © Les RDV BD d'Amiens, 2025
Exposition « Naoki Urasawa, un talent monstre » à la Maison de la Culture d'Amiens © Les RDV BD d'Amiens, 2025
L’auteur, qui a révélé être très content de la programmation de ces expositions, sera également présent au festival. « Naoki Urasawa viendra dès le jeudi après-midi pour l'inauguration de l'exposition à la Maison de la culture. Le vendredi, il sera là pour l'inauguration du festival et de la deuxième exposition. Samedi et dimanche, il dédicacera, participera à une visite de l’expo mais, aussi, à une masterclass un peu particulière… Il s’agira d’un « BD-concert », il dessinera pendant une demi-heure avec de la musique live, puis il répondra à quelques questions. » Le rendez-vous est pris.
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