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La planche de la semaine : Jerry Spring par Jijé

Chaque vendredi, on découvre ensemble une planche de l'immense collection de la Cité de la bande dessinée et de l'image d'Angoulême qui propose jusqu'en août 2026 une exposition fascinante et sans cesse renouvelée : Trésors des Collections. Dans la section Western, découvrez la planche #33 : Jerry Spring par Jijé

La planche de la semaine : Jerry Spring par Jijé

Le mot du commissaire de l'exposition, Jean-Pierre Mercier

Dessinateur à la fois prolixe et versatile, Joseph Gillain, alias Jijé, est l’un des grands noms de la bande dessinée franco-belge. Il s’est illustré dans l’aventure humoristique (Blondin et Cirage, Spirou), l’aventure aéronautique (Tanguy et Laverdure), l’aventure d'un enquêteur en assurances (Jean Valhardi), le western historique (Blanc Casque), la flibuste (Barbe-Rouge), le western (Jerry Spring)… Ce croyant fervent a également raconté la vie de Jésus en bande dessinée (Emmanuel, qui a connu deux versions) et des vies de saints et de grandes figures de la chrétienté (Don Bosco, Charles de Foucauld, Baden Powell…) Homme-orchestre du Journal de Spirou dans les premières années de l’après-guerre, il a inspiré la génération des Morris, Eddy Paape, Will, Victor Hubinon, Peyo et André Franquin dans les années 40, puis dans les années 60 celle de Mézières et surtout Jean Giraud qui ont en partie appris leur métier auprès de lui.

Ayant bénéficié d’une formation artistique classique, Jijé est d’abord marqué par le style graphique d’Hergé, de quelques années son aîné, puis s’en détache pour s’orienter vers un « réalisme » qui doit beaucoup à certains auteurs américains (Fred Harman et Milton Caniff en particulier), dont l’influence est patente dans ce qu’on considère aujourd’hui comme son œuvre majeure, Jerry Spring. Publié pour la première fois en 1954, ce western qu’il dessinera jusqu’en 1974 vaut autant pour son traitement graphique que par les thèmes qu’il aborde : défenseur des Indiens, antiraciste (l’alter ego du héros dès le premier épisode de la série est le Mexicain Pancho), Jerry Spring porte un regard humaniste sur l’Ouest américain. La générosité des thèmes va de pair avec celle du dessin : le trait de Jijé est, virtuose, mais sans esbroufe ; le découpage, en l’occurrence une suite de plans moyens, d’une remarquable fluidité. Le noir et blanc, d’une belle efficacité, donne toute sa puissance à une page pourtant destinée à la publication en couleur.

Le mot du chroniqueur de ZOO, par Frédéric Grivaud

La scène présentée dans cette planche commence au moment où Jerry Spring réussit, avec l’aide de son acolyte Poncho et d’un certain Mr Moorhouse, à retrouver la trace de Judith, la fille de ce dernier, qui vient d’être enlevée par le sinistre Spindell. Le héros vient d’apercevoir la jeune femme qui n’est en fait qu’un appât pour le piéger. Réussissant à contourner son ennemi, Jerry se rapproche et, suite à une nouvelle maladresse de Judith (comme à son habitude), les deux hommes s’affrontent.


On a donc une planche qui conclut une course poursuite et qui va amener Jerry à neutraliser Spindell. On peut ainsi apprécier le sens de la mise en scène et la fluidité des mouvements dans une séquence finalement assez classique pour du western, mais qui fonctionne particulièrement bien ici, grâce à la maîtrise de Jijé, tant dans la dynamique d’ensemble, dans cette efficacité qui ne joue pas sur des effets sensationnalistes, tout en gardant une vraie exigence dans les détails, les décors et la finesse de l’encrage (assisté certainement par Giraud, dans cette période).

Car même encore aujourd’hui le trait de Jijé garde une vraie modernité presque intemporelle. Les noirs sont beaux, le trait souple et les poses naturelles. Rien n’est en trop, rien ne manque non plus. Le regard va de gauche à droite, suivant les regards. On se glisse derrière Spindell comme si on le voyait du point de vue de Jerry, on anticipe la page suivante avec la case où Judith se prépare à lancer sa pierre pour « aider » le héros…

Jijé est alors au sommet de son art, il a parfaitement assimilé ses références et son dessin ne cesse de gagner en finesse instinctive, en générosité. Jerry Spring est certainement la série où son art est le plus représentatif. Il suffit d’admirer les intégrales proposées par Dupuis, en noir et blanc, pour comprendre comment ce maître de la BD a pu marquer des générations d’auteurs.La planche de la semaine : Jerry Spring par Jijé

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