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La planche de la semaine : Batmax par Lob

Chaque vendredi, on découvre ensemble une planche de l'immense collection de la Cité de la bande dessinée et de l'image d'Angoulême qui propose jusqu'en août 2026 une exposition fascinante et sans cesse renouvelée : Trésors des Collections. Dans la section Humour , découvrez la planche #34 : Batmax par Lob

(Recueil) Pilote (Annuel) | Jacques Lob | Jean-Marc Rochette | Gotlib | Nikita Mandryka | Batmax : La planche de la semaine : Batmax par Lob

Le mot du commissaire de l'exposition, Jean-Pierre Mercier

Né en 1932 à Paris, fils unique d’une famille qu’on dirait aujourd’hui monoparentale, Jacques Lob grandit dans le Paris de l’Occupation allemande. Il adore la lecture et les bandes dessinées, avec une prédilection pour le Fantôme du Bengale de Phil Davis et Ray Moore. A la Libération, il obtient son certificat d’études primaires, et démarre une vie professionnelle remplie de jobs improbables : emballeur de tables d’opération, réparateur d’appareils à prendre la tension… On l’invite à prendre part à la guerre d’Algérie et, comme beaucoup de sa génération, il en revient changé. Déterminé à ne plus perdre son temps, il décide de se consacrer à sa véritable passion : le dessin. Fin connaisseur du dessin d’humour (il adule l’Américain Saul Steinberg), il court les rédactions à partir de 1956 et place des gags muets qui sont sa signature. On voit ses dessins dans Fiction, Hara Kiri, dans un hebdomadaire TV…

Au bout de quelques temps, il est taraudé par l’envie de raconter des histoires. Il se reconvertit dans la bande dessinée, place de courtes histoires dans la presse catholique pour enfants et croise en 1963 la route du scénariste Jean-Michel Charlier qui lui donne le conseil qui va décider définitivement de sa carrière : abandonner le dessin pour devenir scénariste à temps complet.

Lob suit bientôt le conseil et publie dans Pilote et ailleurs quelques-unes des œuvres qui vont asseoir sa réputation : Ténébrax, Blanche Epiphanie, Submerman et Ulysse (d’après Homère) avec Pichard ; Les Mange-Bitume avec José Bielsa ; deux épisodes de Jerry Spring pour Jijé ; Délirius pour Druillet ; Superdupont avec Gotlib, Alexis puis Solé ; et, bien sûr, Le Transperceneige avec Jean-Marc Rochette, revenu au premier plan après l’adaptation cinématographique qu’en a fait le cinéaste sud-coréen Bong Joon-ho. Dernière collaboration, Carla paraît à partir de 1987 dans (A Suivre) sous le pinceau d’Edmond Baudoin. Ce sera sa dernière publication marquante. Atteint par une longue maladie, Lob meurt en 1990.

Ce rapide tour d’horizon ne rend pas justice à un aspect primordial de la carrière de Jacques Lob comme auteur de bande dessinée : Lob comme auteur « complet », scénariste en même temps que dessinateur. C’est Nikita Mandryka, alors rédacteur en chef de L’Echo des Savanes qui l’incite à se remettre au dessin. Il se lance en 1975 avec L’Homme au landau et se pique au jeu. Il publie régulièrement jusqu’à sa mort des récits plus ou moins longs qui vont de la science-fiction parodique (Roger Fringant) à l’évocation humoristique de fantasmes œdipiens (L’Homme au landau et Batmax). On peut penser que les auteurs américains de l’underground, qui ont déniaisés toute une génération d’auteurs français (Mandryka, Gotlib, Solé…) ont incité Lob à exprimer sur le mode ironique une part intime de lui-même.


On se rappelle que le jeune Batmax copie les héros de la BD américaine de l’âge d’or en défendant la veuve et pas n’importe laquelle, sa mère, des assauts de prétendants lubriques. Il n’est pas indifférent que monsieur Raoul arbore la même moustache qui ornait la lèvre supérieure de Lob lui-même. On appréciera le soin particulier que Lob met à dessiner la lingerie intime de sa pulpeuse héroïne…

Le mot du chroniqueur de ZOO, par Frédéric Grivaud

Batmax, c’est le sauveur masqué qui protège sa séduisante maman des multiples prétendants qui viennent « tenter leur chance ». Évidemment, la femme en détresse ne reconnait jamais son rejeton qui se cache derrière ce costume de mini-justicier aux oreilles de Mickey, malgré les indices qu’il laisse maladroitement passer… Ne cesse-t-il de prétendre, à chaque fois, presque de façon insistante, qu’il est le protecteur des « mères de famille » vulnérables ?

Ainsi, Jacques Lob parodie sans détour ces super-héros américains, défenseurs autoproclamés de la veuve et de l’orphelin, ultime fantasme de l’enfant qui se rêve en héros de la nuit. Il tient à son anonymat, même quand, plus tard, Suzy, l’amie de sa mère, découvre sa véritable identité.

Comme à son habitude, l’écriture de Lob est généreuse, pleine d’humour, de second degré, comme on peut s’en rendre compte, par exemple, sur ses Super Dupont, sur L’homme au landau…

La planche présentée ici est surtout représentative du style du personnage. Il ne se perd pas en longues phrases, il agit rapidement, quitte parfois à faire l’usage d’une arme. Rien de bien exceptionnel dans la forme ou le dessin, qui remplit toutefois très bien son rôle, mais une construction efficace qui pose l’action et son déroulé. Néanmoins, les « méchants » de l’histoire ne font jamais réellement peur, bien que la maman finisse généralement le corsage déboutonné, légèrement décoiffée. L’intérêt restant bien plus dans le décalage du garçon masqué et cette façon de se réapproprier l’esprit de ces vieux feuilletons qu’on lisait dans les journaux. Et de ce point de vue, le format à l’italienne de l’album paru dans la collection X de Futuropolis, en mars 86, rend parfaitement justice à ces ambiances noir et blanc, parfois absurdes et jubilatoires.

Je vous encourage à redécouvrir ces planches et plus précisément cet auteur au parcours remarquable.(Recueil) Pilote (Annuel) | Jacques Lob | Jean-Marc Rochette | Gotlib | Nikita Mandryka | Batmax : La planche de la semaine : Batmax par Lob

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