ZOO

Chantal de Spiegeleer avait le cœur Grenadine

L'année qui s'achève a vu disparaître plusieurs figures majeures de la bande dessinée, des artistes qui ont marqué de leur empreinte le neuvième art. Qu'ils aient été maîtres du trait, conteurs d'histoires inoubliables ou explorateurs de nouveaux horizons graphiques, ces auteurs laissent derrière eux une œuvre qui continue d'inspirer lecteurs et créateurs. Retour sur ces parcours singuliers qui ont enrichi notre imaginaire collectif et fait rayonner la BD bien au-delà de ses frontières.

Chantal de Spiegeleer s'est éclipsée définitivement le 15 février 2025. Souvenir de sa présence, élégante et discrète, lors du vernissage de l'exposition que consacra en 2009 la galerie Daniel Maghen à ses planches de Blake et Mortimer et de Madila, ainsi qu'à celles d'Adler par Sterne. Présenter le tout était effectivement une démarche cohérente. Retour sur une vie d’autrice.

On pourrait considérer que l’art de Chantal de Spiegeleer repose sur trois piliers. Le premier est l'Atelier R de Claude Renard, dont elle a suivi l'enseignement à Saint-Luc. Une influence manifeste sur son dessin et sa conception de la bande dessinée, comme sur d'autres auteurs passés par cette formation, tel Schuiten et Sokal qu'elle a côtoyés. Elle a ainsi publié dans la revue Le 9e Art, aux côtés également de Berthet ou Andreas. Une mouvance qui a marqué les années 80 et au-delà.

Le 2nd pilier est la mode : elle a travaillé pour de grandes marques de l'univers de la mode. Le lien avec ses bandes dessinées est flagrant : ses personnages sont stylisés et élégants. Ils pourraient sortir des carnets d’une styliste. Et la mode inspira le contenu de son œuvre.

Le 3e pilier (et quel pilier !) est René Sterne, son compagnon, qu'elle a rencontré en 1980. C'est elle qui l'initia à la bande dessinée. Mais ils s'influencèrent mutuellement dans leurs œuvres respectives. Elle a fait les couleurs des albums de la série Adler dessinée par son compagnon Sterne.

Revenons sur sa carrière d'autrice de BD : dans le prolongement du 9è rêve, elle publia dans (A suivre) un récit de 11 planches en 1978 : Façades blanches. Puis vint quelques années plus tard son 1er album, en noir et blanc, Mirabelle, très conceptuel.

Extrait de Mirabelle, par Chantal de Spiegeleer

Extrait de Mirabelle, par Chantal de Spiegeleer
© Editions Moretti, 1982

Enfin, après quelques planches et dessins placés dans le journal de Tintin dans les années 80, elle publie sa première et unique série, Madila, dont l'héroïne éponyme est une ville dans laquelle elle traite l'univers de la mode (tiens, tiens…) et du cinéma, avec des personnages de femmes fortes. Elle sera prépubliée dans le journal de Tintin et Hello BD, puis éditée en quatre albums. Une intégrale incluant un 5e titre resté longtemps inédit sera publié bien plus tard au Lombard.

Madila, Intégrale - Par Chantal de Spiegeleer

Couverture de Madila, Intégrale - Par Chantal de Spiegeleer

Chantal finit le tome 1 de La malédiction des 30 deniers, le Blake et Mortimer de Sterne (il en avait dessiné 29 planches lorsqu'il décéda subitement). Un travail difficile dont elle s'est acquittée avec brio. La ligne claire est définitivement son univers, ce qui l'a aidée dans cette périlleuse reprise. On retrouve sa patte personnelle surtout dans les personnages féminins.

Blake et Mortimer - La malédiction des 30 deniers T1 page 40 par Chantal de Spiegeleer

Extrait de Blake et Mortimer - La malédiction des 30 deniers T.1, page 40 par Chantal de Spiegeleer
© Blake et Mortimer, 2009

Parallèlement, elle a travaillé ponctuellement pendant des années (voire des décennies) sur Éclipse, un projet de BD scénarisé par un ami. Quatre albums étaient prévus à propos des conséquences d'une éclipse solaire permanente sur la vie de différentes personnes. Un tome aurait été réalisé mais sa reprise à la volée de Blake et Mortimer, sa quête artistique perpétuelle et peut-être d'autres raisons ne lui permettront pas de voir ce projet aboutir.

Extrait de Eclipse, projet inachevé de Chantal de Spiegeleer et Juan d'Oultremont

Extrait de Eclipse, projet inachevé de Chantal de Spiegeleer et Juan d'Oultremont
© Chantal de Spiegeleer et Juan d'Oultremont

Outre la bande dessinée, elle s'est investie dans d'autres activités artistiques : peinture numérique, peinture sur soie, jeux vidéo, création de vêtements... Elle s’était installée sur une des îles Grenadines avec René Sterne. Elle est décédée au Brésil. Elle se définissait comme une femme libre et elle vécut en tant que telle.

Mortimer à moto pour une publicité, par Chantal de Spiegeleer

Mortimer à moto pour une publicité, par Chantal de Spiegeleer
© Blake et Mortimer

Décès

Décès2025

Nécrologie

Haut de page

Commentez

1200 caractères restants