Des chiens de traîneaux dans les tranchées en 14, ce n’est pas une galéjade. La série Les Poilus d’Alaska va raconter leur histoire. Deux journalistes, Daniel Duhand et Michael Delbosco, spécialistes de l’Alaska, ont réalisé une oeuvre passionnante dont ils signent le scénario et qui comportera cinq albums sur cet épisode méconnu de la Grande Guerre.
Comment avez-vous découvert ce sujet méconnu de l’Histoire de la Grande Guerre ?
Nous avions déjà fait des reportages sur l’Alaska pour le Figaro Magazine et entendu parler de ces chiens amenés en France lors d’une expédition en 1997 en Alaska. Nous avons travaillé ensuite sur les archives militaires et sorti un documentaire-fiction sur le sujet qui a été diffusé sur Arte en 2012. Nous avons eu envie d’en faire une BD. Nous nous sommes appuyés aussi sur des recherches très précises que nous avions entamées pour un livre sur l’Alaska. On trouve d’ailleurs trace de cette opération pendant la guerre de 14 dans un ouvrage de Paul-Emile Victor.
Cela semble incroyable quand on se souvient du côté borné de l’état-major pour les armes nouvelles à l’époque.
Oui et non car des projets de chenillettes, de chars d’assaut sont lancés mais il fallait des délais trop longs pour les mener à bien. L’hiver 1914 avait été très froid, enneigé en particulier sur le front des Vosges. Le ravitaillement était devenu très difficile et impossible d’évacuer les blessés. L’idée du capitaine Moufflot (en fait Mufflet dans la réalité) est simple.
Il avait vécu en Alaska, il sait que les attelages de chiens sont capables de porter des charges considérables et surtout de passer sur des terrains enneigés les plus impraticables. C’est un moyen de locomotion parfait à ses yeux. Il sera soutenu par sa hiérarchie qui a peur que l’hiver de 1915 ne soit encore plus rigoureux. Tous les personnages sont vrais dans cette histoire même si on a un peu modifié leurs noms.
Le capitaine Moufflot dans votre album est un dur à cuire et un personnage pas vraiment sympathique.
Il a perdu tous ses hommes au début des hostilités dans les Vosges, il a été grièvement blessé, il s’évade et on veut presque le mettre au rencart. C’est une sorte de super-héros confronté à une réalité épouvantable. C’est ce que l’on voit dans le premier tome. Il va se servir de son image et les choses vont aller très vite.
Moufflot part en 1915 avec son adjoint Hass chercher ses chiens en Alaska où il retrouve son ancien associé Scotty Allan, l’homme qui parle à l’oreille des chiens?
Effectivement. Scotty Allan a vraiment existé aussi et c’était un grand meneur de chiens de traîneaux, un dresseur. Il est assez ambigu car son vrai souci était de devenir célèbre. On sent qu’il y a un compte à régler entre eux et on le découvrira au fur et à mesure. Nous avons un peu romancé cet antagonisme entre les deux hommes. Moufflot va ramener une meute de 436 chiens. Il débarque donc au Havre courant 1915. L’armée française crée deux sections d’équipages de chiens d’Alaska au sein de la 7e armée. Ces sections sont en fait indépendantes et interviendront dès 1916. Mais leur histoire restera plus ou moins secrète.
Quel sera le destin de ces chiens et de ces sections ?
La moitié des chiens sera tuée au combat. Ils vont faire un travail remarquable et certains seront décorés. C’est ce que nous racontons. Les survivants seront confiés aux soldats des sections et beaucoup passeront le restant de leurs jours dans les Vosges. Quant aux sections, la mécanisation des moyens de transports militaires mettra un terme à leur action à la fin de la guerre.
Au dessin c’est Brune que l’on connaît aussi sous le nom de Marion Mousse qui a signé le très beau Louise et les loups. Avec Les Poilus d’Alaska son dessin, qui fait parfois penser à celui de Larcenet, est différent de ses autres albums.
Peut-être mais son dessin s’est surtout parfaitement imposé à notre histoire. Il maîtrise réalisme et ligne claire, a bien donné leur relief à tous les personnages principaux dont Scotty et Moufflot. Brune a su aussi rendre très crédibles les ambiances enneigées de l’Alaska ou des Vosges, ainsi que les scènes de combat.
Votre Avis