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Le Péplum futuriste de l’élule de janvier !

Dans un avenir proche, les extrêmes politiques et religieux dévorent doucement les démocraties occidentales. Irène, députée sincère et déterminée, meurt dans un mystérieux accident. Son fils, Nathanaël Davezac et Richard Tobia, l’un de ses amis, vont mener l’enquête dans les rues de Bordeaux… Ce futur noir est le décor de notre élule de janvier, scénarisé par Nicolas Detant et dessiné par Joël Augros ! Alors qu’ils travaillent actuellement sur cet album d’anticipation en cours de financement sur Ulule, Nicolas Detant répond à nos questions...

Avant l’Apocalypse…

Pouvez-vous nous présenter rapidement votre projet ?

Nicolas Detant : Le Mythe de la Belle Endormie est un  récit de science-fiction, dans un univers d’anticipation que j’ai parfois tendance à qualifier de péplum pour son côté mystique et « fin de civilisation ». La mode est au post-apocalyptique, mon idée était de faire du pré-apocalyptique !

À la base, ce projet s’est développé sur plusieurs supports artistiques. J’ai commencé à développer l’univers de la BD dans un spectacle vivant amateur à partir de 2007 avec des danseurs, des choristes, un groupe de rap... Ce spectacle reprenait déjà les personnages présents aujourd’hui dans la BD.

Partant de là, l’idée du financement participatif est venue assez rapidement. On a donc cherché un site participatif qui nous correspondait. Nous avons eu plusieurs contacts avec des éditeurs, mais les conditions étaient finalement moins intéressantes qu’en financement participatif.

Pourquoi cette transition du spectacle vivant à la BD ?

En tant qu’écrivain, j’ai beaucoup d’images qui me viennent en tête quand j’écris. J’aime me raconter des histoires visuellement, puisque je suis très cinéphile. Lorsque j’ai rencontré Joël Augros, le dessinateur, j’avais déjà l’idée d’adaptation en BD. En discutant avec lui, le projet s’est construit progressivement, naturellement.

La BD est un médium que j’adore. Mais ces dernières années, la science-fiction qui s’y développe me parle moins, les scénarios me captivent rarement. Je cherchais donc aussi quelque part à faire un album qui me plairait personnellement.

Comment s’est passé le début de votre collaboration avec Joël Augros ?

C’est notre premier projet de bande dessinée à tous les deux. Le scénario prévu à l’origine faisait environ 250 planches, l’équivalent d’à peu près trois tomes est déjà écrit ! On a donc essayé de rendre le premier volume aussi intéressant que possible en 62 planches, en optimisant au mieux l’espace.

Pour la narration, on s’est inspiré de la construction d’une série télévisée moderne : chaque album se lit en lien avec les autres et s’inscrit dans l’histoire globale, mais chaque cycle a également sa propre intrigue en parallèle.

Vous développez un univers d’anticipation réaliste. Quels aspects de nos sociétés contemporaines avez-vous appuyés pour créer cet univers ?

En 2002, je me souviens de la réaction de mon grand-père en voyant le passage de Le Pen au second tour : je l’ai vu pleurer ce jour-là en disant que « ça recommençait ». Je voulais donc d’abord raconter mon attachement au modèle républicain tout en montrant comment les extrêmes politiques et religieux peuvent influencer les esprits.

Je ne voulais pas non plus dissocier l’aspect religieux de l’aspect politique : c’est une constante chez mes personnages. Nathanël par exemple, cherche à développer une forme de « spiritualité républicaine », qu’il oppose à la spiritualité religieuse. Il fonde un collectif artistico-politique pour développer l’idée d’une civilisation méditerranéenne aux traits sociaux et culturels communs, puisqu’il se sent culturellement plus proche de l’Afrique du Nord que de l’Europe de l’Est.

J’essaie au maximum de ne pas prendre position dans le récit, mais je place mes personnages face aux réalités. J’ai donc dû réfléchir à un contexte géopolitique nouveau, caractérisé par l’effondrement des États-Unis et une présidence tournante de l’ONU sur le modèle de la présidence de l’UE. Nathanaël a l’utopie de voir le siège de l’ONU à Jérusalem, qui deviendrait une ville neutre gérée justement par l’ONU pour en faire un symbole de paix suprême.

Un avenir sombre pour la cité bordelaise…

Pourquoi le choix d’installer votre album à Bordeaux ?

D’abord par pur chauvinisme ! [rires] J’y ai grandi donc je la connais bien. J’ai choisi cette ville de taille moyenne, de province surtout pour des raisons narratives. J’étais lassé de ne voir que des mégapoles comme Séoul, Tokyo, New York ou Paris comme cadres d’un récit d’anticipation ou plus rarement, des zones purement rurales.

 Les deux protagonistes : Nathanaël et Richard

Les deux protagonistes : Nathanaël et Richard

Il y a aussi des raisons historiques, Bordeaux est pour moi un des berceaux de la démocratie contemporaine depuis Aliénor d’Aquitaine, qui y instaure la fonction de bourgmestre. Montesquieu et Montaigne ont également vécu à Bordeaux. Faire mourir la démocratie moderne dans l’un de ses lieux de naissance est une idée ironique qui me plaisait.

Quelles sont vos sources d’inspiration principales ?

La bande dessinée qui m’a le plus inspiré visuellement et structurellement est sans doute Akira. En littérature, l’incontournable 1984 bien sûr, mais aussi La Horde du Contrevent. Ce roman met en place un monde perpétuellement balayé par le vent, un groupe sélectionné dès l’enfance est envoyé chercher l’origine de ce vent. Ce récit très poétique m’a également inspiré pour la narration, puisque chaque chapitre étant raconté par un narrateur différent. Au cinéma, je dirai Blade Runner, surtout au niveau visuel, et aussi pas mal de jeux vidéos, de The Last of Us à Journey !

Comment avez-vous construit vos personnages principaux ?
1ere version de Nathanaël

1ère version
de Nathanaël

Il y a beaucoup de moi dans ces personnages. Je suis bipolaire, chacun d’eux représente une « face » de cette bipolarité. Le gourou représente l’hyperactivité ; Richard Tobia est plus posé, plus calme. Quant à Nathanaël, il reste entre ces deux extrêmes, ni trop fougueux, ni trop sage. Toutefois, ils ne sont pas non plus conçus sur un mode manichéen, leurs personnalités et leurs actions sont nuancées.

Au niveau visuel, Richard Tobia est très vite devenu la force de la nature à la carrure impressionnante qu'il est aujourd’hui. La recherche sur Nathanël a été plus longue : il devait paraître aussi charismatique et impressionnant, mais avec une carrure beaucoup plus commune. Les planches sur lesquelles il apparaît sont d’ailleurs encore retravaillées en ce moment ! On est en recherche perpétuelle !

Comment avez-vous construit l’aspect visuel de votre univers ?

J’ai fait beaucoup de recherches pour pouvoir donner à Joël la vision la plus précise possible de ce que je voulais. Pour les couleurs et la lumière, nous nous sommes inspirés du clair-obscur qui parcourt Blade Runner, surtout pour les premières planches. J’ai aussi fait beaucoup de recherches documentaires pour le dessin. Joël dessine énormément à partir de documents, pour créer les décors à partir d’endroits existants.

Pour les visages, on a notamment utilisé des modélisateurs 3D de visages issus de jeux vidéo (merci Saints Row 2 !). Pour d’autres personnages, on s’est inspiré de personnes réelles, d’amis ou d’anonymes trouvés sur internet. Enfin, on a fait correspondre les couleurs, froides et sombres, à l’ambiance et aux thèmes de l’histoire : la guerre, le fascisme, etc. Je cherche à ce que les lecteurs accompagnent mes personnages au fond du trou et puissent en ressortir avec eux.

Avez-vous d’autres projets pour la suite ?

Un deuxième tome d’abord, évidemment. Mais aussi une idée de bande son axée musique électronique/ rap/hip-hop /trip hop pour la bande dessinée, qui s’écouterait en lisant l’album et viendrait étoffer l’ambiance. J’ai aussi de très nombreuses idées pour étoffer l’univers, la plupart non réalisables à l’heure actuelle en termes de jeux vidéo par exemple ! J’ai toujours cette envie de raconter des histoires sur des supports différents en utilisant leurs spécificités !

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