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Saga : « Une idée stupide mise en scène sérieusement »

Arrivée en France grâce à la collection Indies d’Urban Comics, Saga est considérée par beaucoup comme la meilleure série américaine en cours de publication. La venue de Brian K. Vaughan et Fiona Staples au festival d’Angoulême était donc une occasion à ne pas manquer ! Retour sur les origines de la série et ses derniers développements dans le quatrième tome !

Une saga au long cours...

Comment vous est venue l’idée de la série ?

Brian K. Vaughan : Je venais de devenir père et je voulais parler de mon expérience de parent sans être incroyablement barbant. Pourquoi ne pas en parler dans une série de science-fiction ? La famille est le thème central mais je voulais un livre qui s’adresse d’abord aux adultes.

J’avais également besoin d’un dessinateur capable de dessiner n’importe quoi et qui n’aurait pas peur de le faire ! J'ai été aiguillé vers Fiona Staples par Steve Niles. Je l’ai donc appelée, mais elle a refusé !

Vraiment ?

Fiona Staples : Oui [rires]. J’ai effectivement d’abord refusé avant qu’il ne me présente le projet plus en détails. Là j’ai vraiment adoré l’idée, j’ai donc accepté !

Comment sont nés les deux personnages principaux ?

F. S. : J’ai dû faire pas mal d’esquisses avant d’y arriver. J’aimais l’idée de ne pas avoir de protagoniste blanc, ce qui n’arrive jamais en SF. Nous avions l’opportunité de faire le bouquin que nous voulions voir et lire ; j’ai donc simplement profité du fait que je voulais voir plus de diversité dans les comics pour le faire moi-même !

B. V. : Le casting de la série était varié. Habituellement, mes protagonistes sont blancs parce que je ne me pose pas la question. Or les dessins de Fiona pour Marko et Alanna, m’ont montré que c’était une excellente idée qu’ils ne le soient pas.

On nous a dit que les lecteurs allaient vraiment manquer de repères par rapport à la SF habituelle. L’univers et les personnages sont déjà bien assez décalés ! Mais c’est complètement stupide de le voir comme ça, la diversité des personnages rend les livres bien meilleurs !

F. S. : Ils sont venus très vite après cela. Des vêtements normaux, pas de costumes trop flashy, etc.

B. V. : Pour qu’il ne soit pas trop difficile d’en faire des cosplay aussi ! C’était mon rêve de voir des fans arriver en cosplay des personnages qu’on créait [rires].

Quels sont vos personnages préférés ?

F. S. : Je dirais les parents de Marko. Surtout sa mère qui me fait souvent penser à ma propre grand-mère ! Sinon je dirais Isabel, la baby-sitter fantôme d’Hazel, que je me suis bien amusée à dessiner ! Et évidemment La Marque, l’indépendante, la sœur du Testament !

La mère de Marko, calme et détendue

La mère de Marko, calme et détendue

B. V. : Ghüs ! Sa création revient entièrement à Fiona, qui a dessiné un phoque avec un énorme morse à côté en me demandant « tiens, ils pourraient être dans Saga, tu penses pas ? » « Super idée ! ». J’adore la façon dont Fiona fait évoluer et améliore cet univers ! Ce personnage, typiquement, je ne l’aurais jamais créé seul. Et il est tellement fun à écrire qu’il aura un rôle important dans de prochains événements de la série…

Les relations politiques et diplomatiques au sein de votre univers sont complexes…

B. V. : Je suis un énorme fan de Star Wars même si c’est une fiction très manichéenne. Je voulais au contraire une histoire plus complexe, montrer une guerre galactique réaliste !

Les relations entre protagonistes aussi…

B. V. : Tous les personnages sont appréciés par au moins un lecteur. Pour certains, on ne fait pas bien notre travail, parce que ce sont des enfoirés d’assassins qui essaient de buter les héros ! [rires] Nous voulions aussi éviter le combat des gentils contre les méchants. Donc les équipes improbables sont carrément à la base de l’histoire !

F. S. : Marko et le Prince Robot vont d’ailleurs peut-être se mettre en couple et adopter des enfants… [rires]

B. V. : Spoiler ! [rires]

Bienvenue au Royaume Robot

Comment avez-vous conçu le Royaume Robot ?

B. V. : Je voulais évidemment qu’il y ait des robots dans mon histoire, après tout c’est de la SF ! Les robots représentent souvent le prolétariat, donc je trouvais marrante l’idée d’en faire une noblesse !

J’avais besoin d’un visuel marquant. D’où l’idée des télés sur leur tête ! Puis je me suis dit qu’il faudra bien qu’on rencontre le Roi et le gag visuel m’est apparu comme assez évident. J’adore la double page où il apparaît, je la trouve drôle, mais j’ai peur que beaucoup arrêtent leur lecture ici. C’est une idée tellement stupide mise en scène de façon tellement sérieuse ! [rires]

F. S. : Il devait y avoir de la pluie sur son écran pour montrer son deuil. Finalement je suis partie sur les chutes du Niagara, plus marquantes… Et plus drôles !

B. V. : C’est la joie d’écrire ce livre : beaucoup de trucs ont l’air complètement débiles quand je les écris ! Je fais confiance à Fiona pour que d’une manière ou d’une autre elle rende ça... moins stupide ! C’est son vrai talent !

F. S. : J’ai juste à prendre ça au sérieux ! Je pense que l’on peut facilement s’identifier aux personnages et à leurs relations, qui semblent très naturelles. Du coup, on se fout de ce à quoi ils ressemblent !

B. V. : J’adore les scénaristes comme Grant Morrison, qui ont une imagination sans limite. Mais si comme lui j’aime écrire des trucs étranges et décalés, au fond, je ne parle que des relations humaines...

Vous faites apparaître pour la première fois un robot roturier, révolutionnaire à ses heures…

B. V. : La monarchie est toujours présente dans la fantasy. Cela me fascine qu’il en existe toujours dans notre monde. L’Arabie Saoudite a été un point de départ pour inventer le Royaume Robot.

Chaque fois que vous écrivez sur la monarchie, il y a un peuple à considérer. Partant de l'écran géant pour le roi, un vieil écran noir et blanc pour les gens du commun paraissait normal. Et Fiona y a ajouté plusieurs éléments !

F. S. : Jouer un programme pour enfant pendant une scène de massacre !

B. V. : Mon plan préféré de l’album !

Quelles ont été vos sources d’inspiration principales ?

F. S. : Surtout notre monde ! J’ai regardé des centaines de photos de voyages, d’endroits où j’ai vécu, de sites historiques… En fiction, je dirais beaucoup de Final Fantasy, pour le mélange entre magie et technologie. Parfois j’essaie de reproduire l’ambiance d’un Star Wars sans m’inspirer des visuels.

B. V. : On aime bien critiquer George Lucas entre nerds, mais j’ai beaucoup d’estime pour sa façon d’écrire Star Wars. Il a grandi en regardant Flash Gordon et a reprit ces éléments de son enfance, pour en faire une histoire très personnelle sur sa relation avec son père. Je ne voulais pas faire mon pastiche de Star Wars, mais j’ai reproduit sa démarche : prendre ce que j’ai aimé dans mon enfance et y mettre beaucoup de moi-même !


Cosplay

Vous attendiez vous à un tel succès pour une série indépendante?

F. S. : Pas vraiment non ! Nous trouvions la série très… bizarre. On se disait que quelques personnes trouveraient ça cool, mais que la grande majorité ne serait pas vraiment attirée par cet univers !

B. V. : Nous pensions toucher un public de niche. Vraiment, ce n’est pas de la fausse humilité, mais je ne m’attendais pas un jour à donner une interview à un journaliste français sur mon « grand succès international » ! Vous êtes tous cinglés !

Des projets ?

F. S. : Je vais travailler avec Mark Waid sur Archie, un comic humoristique pour adolescents qui célèbre son 70e anniversaire cette année, en relançant la série au numéro 1.

B. V. : Je vais réaliser deux autres séries chez Image Comics. Un thriller militaire futuriste, We Stand on Guard avec Steve Skroce, qui racontera la résistance d’un groupe de Canadiens face à une invasion américaine au XXIIe siècle ! Il y aura aussi Papergirls, une série de mystère dont je ne peux pas encore trop parler !


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