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Le Transperceneige au bout de la nuit

Dans Terminus, Jean-Marc Rochette et Olivier Bocquet mettent un terme à l’une des sagas de science-fiction française les plus novatrices. Le Transperceneige, un train lancé dans des déserts glacés où la vie est impossible, est attiré par une musique qui prouverait qu’il y a des survivants dans une cité souterraine. Les rescapés pensent arriver à bon port mais la réalité dépassera en horreur ce qu’ils ont déjà vécu. Jean-Marc Rochette et Olivier Bocquet reviennent sur ce dernier voyage du Transperceneige.

Une descente aux enfers

Le Transperceneige arrive dans un monde où l’espoir semble régner et où en réalité c’est l’horreur totale ?

Jean-Marc Rochette : Dans Terminus, c’est un peu le chant des sirènes qu’entendent les passagers. Comme à Ulysse, on leur propose une vie éternelle qui a un prix. On ne meurt plus malade. Enfin c’est ce qui est dit. Le train est pris au piège. Et c’est aussi la mort du héros, la fin. Il sera seul face à la beauté supposée du monde. Les fleurs en seront le symbole.

Olivier Bocquet : Oui, le héros décide de sa propre mort. Il a entraîné avec lui les survivants de l’enfer quand il refuse une science dévoyée. Les fleurs de la fin sont un mensonge de sa femme. Imaginaires, elles symbolisent la beauté pure. Le héros est absolu et mystique comme Moïse. Avec Terminus, je voulais montrer, comme dans Dante, une descente aux enfers, le fait de toucher le fond, regarder le diable dans les yeux.

On est assez proche des savants fous, des médecins nazis dans cet enfer ?

Jean-Marc : L’enfer c’est graduel. Il y a le purgatoire dans ce monde que découvrent les passagers du Transperceneige : des monstres irradiés par une centrale nucléaire sur laquelle est bâtie la ville. L’enfer absolu c’est la nurserie où on clone en prenant les cellules souches. Les aiguilleurs qui clonent les enfants sont des naufrageurs qui ont eu l’idée d’attirer les Transperceneige vers eux pour avoir des cobayes.

Olivier : Il y a des références dont les tatouages, les expérimentations médicales, les masques de souris que portent les habitants. C’est à la fois Maus de Spiegelman, « le travail rend libre » des nazis et un côté parc d’attractions fou.

Et comment peut-on se libérer ?

Jean-Marc : C’est un choix. Soit on accepte cette société folle, généraliste et nucléaire, ainsi que le retour à l’âge de pierre un jour ou l’autre. Ou on refuse. Ce sera le même problème pour nous que pour les passagers du Transperceneige. Les centrales nucléaires dureront jusqu’à ce qu’elles explosent.

Olivier : La question n’est pas de savoir si elles vont exploser mais quand. Même avec des catastrophes comme Fukushima ou Tchernobyl, il n’y a pas de mouvement puissant contre le nucléaire. Une solution ? Il n’y en a pas car on ne peut pas se passer d’énergie. Dans l’album, les passagers ont le choix.

Ecologiste radical

Terminus et Le Transperceneige, c’est une BD militante ?

Jean-Marc : Je suis un écologiste radical. Aujourd’hui encore, on distille de la peur dans des informations tronquées ou on nous ment. Nous sommes manipulés. C’est aussi ce que nous racontons dans Terminus.

Olivier : Les idées de Jean-Marc sont très fortes et je sentais que je pouvais les développer. On a fait le story-board ensemble. On a mis neuf mois.

Terminus est un aboutissement pour vous ?

Jean-Marc : Oui, c’est une sorte de chef d’oeuvre à 60 ans. On concurrence Japonais et Américains avec la qualité de cette BD. J’ai fini. Je ressens le sentiment du devoir accompli car j’ai dessiné sur un scénario super d’Olivier.

A 17 ans, j’étais un jeune militant écologiste anti-nucléaire. Trente après je règle mes comptes. C’est l’aboutissement d’une oeuvre. Les monstres que j’ai dessinés sont directement inspirés de photos d’enfants malformés après Tchernobyl.

Olivier : On montre aussi comment des foules peuvent se laisser aller : lynchage, assauts sexuels, etc. Mais Puig, le héros, ne baisse pas les bras. Il résiste, refuse la violence. Le couple qu’il forme avec Val s’avère être celui de deux vrais héros. Une sorte de saints, qui refusent cette parodie de démocratie.

Jean-Marc : Donnez le pouvoir à quelqu’un et il en fait ce qu’il veut. Prenez Malville et son réacteur Super Phénix : on sait que c’est dangereux mais il n’y a pas de réactions. Les politiques savent les risques et les avantages à court terme de ces bombes à retardement. Avec Terminus, on ne ferme pas la porte à l’espoir mais on est sur un optimisme lointain.

Et après Terminus ?

Jean-Marc : On verra comment l’album est accueilli. Il est fait pour être lu le plus possible. Après on verra. Peut-être un préquel du Transperceneige, avant le train. Comment une société passe de l’abondance à plus rien. Une arrogance suprême mise à genoux. Cela sera généré par une tempête de neige et une glaciation, pas par une apocalypse.

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