ZOO

Lionel Richerand au coeur de la forêt

Dans la forêt[ est un conte à la croisée du bizarre et du fantastique. Son auteur, Lionel Richerand, nous raconte la naissance de cet univers, quelque part entre Miyazaki et Guillermo Del Toro...

Une BD, de nombreux monstres

Comment êtes-vous arrivé à la BD ?

Lionel Richerand : Après une formation aux Arts décoratifs à Paris, j’ai fait des arts plastique et ai surtout passé dix ans à faire des films d’animations en marionnettes en volume. Finalement, je suis tard venu à la bande dessinée même si mon moyen d’expression est vraiment le dessin. J’ai toujours rempli des carnets de personnages et l’envie de travailler une histoire sans autre contrainte que celles que je me donnais moi-même.

Dans la foret

Avant Dans la forêt , j’ai réalisé deux albums : Petits contes léguminesques avec Eric Sannier et L’étrange réveillon avec Bertrand Santini. Guillaume Bianco m’a présenté Barbara Cannepa [directrice de la collection Métamorphose N.D.L.R.] en me disant « si tu lui montre une histoire avec des monstres, elle signera tout de suite. » Presque comme une carte blanche, ce qui est très stimulant ! Dans la forêt était l’occasion de mixer mon envie de faire de la bande dessinée et d’exploiter mes carnets-bestiaires.


De quelles inspirations est né votre bestiaire ?

J’ai deux films de chevet qui ont nourri mon envie de faire cet album : Labyrinthe de Pan et Princesse Mononoké. Il faut savoir s’en libérer mais j’ai été très marqué par Princesse Mononoké que j’ai vu découvert en japonais, sans sous-titres ! J’ai pris une claque phénoménale sur le graphisme et l’épique. Le Labyrinthe de Pan, m’a marqué car on ne sait pas se départir du cauchemar, vu que la réalité est aussi cauchemardesque que l’univers de conte.

Dans la foret

J’ai adoré partir d’une histoire a priori normale et puis, à partir du moment où on bascule dans la forêt, on plonge de plus en plus profondément dans un univers à la frontière est trouble. On ne sait plus ce qui est animal, végétal ou minéral.

Alice au pays des merveilles a aussi beaucoup influencé cette histoire…

Oui ! L’entrée dans la forêt est un moment où on voit l’influence d’Alice, car le nom de l’héroïne, Anna se reflète en lettres inversées, comme dans un miroir. C’était une façon de nourrir le personnage, car quand Anna traverse le miroir, elle se révèle.

Cette manière de procéder m’a permis d’éviter une chose qui m’énerve beaucoup dans certains films : décréter d’un coup que le personnage principal est l’élu. Je voulais répondre à cette question-là de manière crédible et expliquer pourquoi elle est centrale.

Un monde fascinant et terrifiant à la fois

Anna, « élue », est pourtant ballottée entre sa mère et la grande boueuse qui se servent d’elle pour leurs intérêts…

Anna est un peu une poupée pour ces deux femmes jusqu’au moment où elle se prend en main. Je me suis amusé à créer un écho entre Anna qui voit à travers les poupées et la grande boueuse qui voit à travers les insectes. À partir du moment où Anna s’accepte, elle n’a plus besoin de la poupée et elle la laisse à son frère.

Dans la foret

J’aimais bien cette image d’une petite fille habillée de rubans tenant entre les mains une tête de poupée : elle résume bien cet univers de conte un peu gore. Comme dans Le Labyrinthe de Pan, on est fasciné : on veut entrer dans le monde de l’ogre même si c’est dangereux parce que c’est magnifique.

A la fin de l’album, il y a un index : comment l’avez-vous orchestré ?

Mêler créatures réelles et légendaires aux bêtes de mon invention est une manière de tisser le mythe et mon récit. En organisant le bestiaire, je voulais garder cette part d’imaginaire et cette part de fantastique : aller chercher dans la réalité, cette part d’imaginaire. Je trouve que la nature a plus d’imagination que nous : j’adore dessiner des animaux et la nature et les mêler. Commencer par exemple avec des bois de cerfs, les transposer végétaux, y ajouter du corail et y mettre une armure végétale inspirée de celle des samouraïs. Pour dessiner les cerfs, je m’étais inspiré d’une gravure de Dürer où un rhinocéros apparaissait doté d’une armure issue de la Renaissance.

Dans la foret

Pour ne pas alourdir l’album avec des notes de bas de page, j’ai préféré mettre ces infos en forme dans le récit. On part des personnages les plus humoristiques que sont les crapauds pour finir par les animaux ou les personnages les plus inquiétants.

Comment avez-vous composé la BD techniquement ?

Toutes les planches sont faites à la main. La couleur a été confiée à un studio italien à part la partie du bestiaire que j’ai réalisée moi-même en parallèle. Ma première BD était en noir et blanc, j’avais réalisé la couleur de la deuxième et là je voulais travailler avec des coloristes pour avoir un autre regard et une autre approche sur mon dessin. Il est toujours difficile d’harmoniser les couleurs et le dessin, on a pris le parti, travailler en camaïeu en partant du bestiaire. On a discuté pour choisir des teintes pour chacune des parties.

Dans la foret
Avez-vous d’autres projets ?

Je suis en train de réaliser L’esprit de Lewis avec Bertrand Santini, un conte fantastique victorien. Cette histoire de fantôme était, à la base, un huis clos fantastique avant de devenir un récit autour du manoir qui a autant d’importance que les personnages. J’ai développé dans cette BD l’aspect cabinet de curiosité mais sans bestiaire à part cette fois. Le premier tome de ce récit en deux tomes indépendants est prévu pour début 2017.

Dans la foret
Haut de page

Commentez

1200 caractères restants