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Stéphane Fert et son envoûtante Morgane

L’art de bouger les codes

Les décors de Morgane ne renient pas pour autant les références à l’art médiéval...

Effectivement, j'ai pas mal pioché de petites choses dans les peintures médiévales. Ce qui m’intéressait dans cette période, c’est l’absence de perspective. Les artistes du Moyen Âge ont abandonné volontairement les codes du réalisme pour plus se concentrer sur une représentation symbolique du réel. Je voulais faire la même chose dans Morgane en évitant de dépeindre l’univers d’Arthur de manière réaliste pour en faire un monde dessiné, théâtralisé.

En deux trois coups de crayon, Merlin et Morgane deviennent les amoureux du Baiser de Klimt

En quelques coups de crayon, Merlin et Morgane deviennent les amoureux du Baiser de Klimt

Mes études dans l’animation m’ont beaucoup orienté : en travaillant par exemple sur La Belle au bois dormant ou d’autres oeuvres jeunesse, je me suis aperçu que la plupart cassait aussi ces règles pour instaurer un cadre imaginaire. J’ai suivi ces préceptes, ainsi que ceux de l’Art moderne. Gauguin, Klimt entre autres, ont bousculé à leur manière les codes classiques de la Renaissance et beaucoup inspiré mon dessin pour cette BD.

On retrouve aussi dans cet album beaucoup de métaphores autour de la nature...

Comme la communion avec la nature est un des piliers de la religion celte, il m’a paru évident de le mettre en exergue dans Morgane. La nature m’a permis aussi d’accentuer le côté clinquant et superficiel de la cour de Camelot. J’avais envie de tourner au ridicule ce monde, régi par l’amour courtois. Morgane refuse de se plier à la civilisation et n’obéit qu’aux lois de la nature et des dieux anciens. Si on lit entre les cases, elle est un personnage libertin voire transsexuel ! L’image de la nature m’a beaucoup aidé à mettre en scène sa sexualité et à amener sans le vouloir le lecteur à se questionner sur la moralité et sa construction...

Extrait de Morgane, page 62

Comment a été conçue graphiquement Morgane ?

Je l’ai dessinée telle que je la voyais en lisant les textes arthuriens, c’est à dire l’archétype de la femme celte : peau pâle, cheveux noirs, grands yeux bleus... L’enjeu était de projeter la facette héroïque du personnage. Tout de suite je l’ai imaginée en armure, une épée à la main, sans oublier son charme sulfureux.

Extrait de Morgane, page 70

La Morgane jouée par Eva Green dans Camelot m’a dirigé vers cette idée. Elle incarnait cette femme-guerrière que je voulais insuffler à Morgane sans pourtant l’érotiser. C’était un véritable défi, car dès qu’on commence à concevoir un personnage féminin sensuel dans l’heroic fantasy, on tombe facilement dans le cliché de la femme-objet potiche. Il y a encore du boulot à faire sur représentation de la femme dans la bande dessinée et c’est un problème sur lequel je planche énormément !

Après Morgane d’autres projets en cours ?

Grâce à ma collaboration avec Simon, j’ai pu faire un stage express en scénario. Je suis maintenant suffisamment rodé et confiant pour me lancer seul dans cet exercice. J’ai démarré une bande dessinée qui parle d'une relation entre deux femmes dans la France ancienne et à travers le prisme des légendes et superstitions locales. Je vais aussi consacrer quelques pages du troisième tome Axolot aux sœurs Fox, qui ont lancé le phénomène du spiritisme aux Etats-Unis. J'entame enfin un projet de BD jeunesse qui devrait sortir en 2017, mais je ne peux pas en dire plus pour le moment.  En bref, j’ai plein d’idées, avec peu de temps pour les réaliser ! [Rires]

Ebauche de la BD sur les soeurs Fox
Extrait des soeurs Fox pour le prochain Axolot

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