Ils sont trois : Noë Monin au dessin, Luc Venries au scénario et au séquençage, et Yoann Courric aux dialogues et au découpage. Ils nous racontent la naissance de leur série d’heroic fantasy saupoudrée d’humour, Les Lames d’Âpretagne !
Du blog humoristique à la BD épique
Comment s’est formé votre trio ?
Noë Monin : Je faisais déjà de la BD de mon côté, avec des publications jeunesse à mon actif. J’ai ouvert le blog Holà tarvernier et ai vite été rejoint par Yoann puis Luc. Il y a quatre ans, on s’est dit que ce serait bien de faire un album à partir de ce blog.

L’idée a évolué jusqu'à devenir le point de départ d'une longue route semée d'embûches jusqu’à l'édition des Les Lames d’Âpretagne chez Casterman. On tire tous les trois notre chapeau à notre éditrice Elsa, qui a su défendre notre projet malgré le changement de maison d'édition et les nombreuses années qu'il a mis à se concrétiser !
Et qu'est-ce qui a changé durant cette longue période avant la publication ?
Noë Monin : On s'est rendu compte que le format strips nous bloquait dans l'expansion de notre univers...

Yoann Courric On a donc décidé de créer une histoire entière pour les albums papier...
Noë Monin : Nous voilà embarqués dans un récit épique avec, en plus, notre amour pour les jeux de mots pourris, comme en témoigne le titre ce premier tome !
Yoann Courric : Autre changement notable : au début nous voulions faire commencer l'histoire dans une taverne. Van et Faust y raconteraient leurs aventures pour nous faire entrer dans le récit...
Luc Venries : Et ça ne fonctionnait pas, car on avait deux débuts en quelque sorte ! Comme l'humour restait dominant dans cette forme, on l'a délaissée peu à peu. On a rendu l'univers plus dur et plus moite, ce qui contraste bien avec le dessin de Noë.
Noë Monin : Ce fut assez dur de trouver le juste milieu entre heroic fantasy et humour tout en « vendant » cette idée aux éditeurs. Souvent quand on veut réunir ces deux genres, les gens pensent parodie, alors qu'on voulait faire quelque chose à la Lanfeust, qui mêle à la fois situations comiques et quêtes sérieuses.
Luc Venries : En plus, on est des gens très rigolos : on ne peut pas s'empêcher de mettre de l'humour partout ! [Rires]
Comment sont nés vos deux personnages principaux ?
Noë Monin : En troisième, j'ai créé un personnage qui me ressemblait. Il est peu à peu devenu Van Oxymore, car je l'utilisais comme avatar dans les jeux de rôles, puis sur le blog.

Luc Venries : De mon côté, je suis très nul en orthographe, même si je m'améliore un peu depuis le temps... J'ai voulu gagner un point supplémentaire grâce à l’humour durant le sujet d’invention au bac de français ! Il fallait écrire une lettre adressée à Victor Hugo et j’ai décidé de signer la mienne Faust d’Orthograf. Ce nom nous a fait marrer, au point de rester et devenir celui un protagoniste de la BD.
Yoann Courric : De mon côté, j'avais gardé un personnage qui ressemblait à Van, mais surtout le Père Nicieux, qu'on verra plus dans le deuxième tome des Lames d'Âpretagne. Les personnages étaient nos avatars sur le blog...
Luc Venries : Aujourd'hui c'est des personnages à part entière !
Noë Monin : Même si j'assume totalement Van comme avatar ! [Rires]
Un monde dense truffé de références
Quelles sont vont références à part Lanfeust ?
En choeur : Plein !
Noë Monin : Au niveau narration : Loisel ! Il n’y a pas mieux en la matière. Pour le côté épique, Loisel aussi ainsi qu’Alex Alice et son Siegfried. Dans mon dessin, on retrouve les influences de Disney, car j'ai grandi dans les années 90... Sans compter les clins d’œil au Roi Lion, Dragon Ball Z en passant par Pokémon. J’ai même réussi à créer un personnage inspiré de George R. R. Martin, qui n’est pas au bout de ses surprises ! Quant à l’ogresse Pimprenelle, c’est un terrible clin d’œil aussi !

"George R.R. Martin" en compagnie du roi
Yoann Courric : Garulfo aussi, pour sa désacralisation des histoires et sa manière d'y intégrer plein d'humour, Kaamelott pour son écriture comique.
Luc Venries : Sans compter Dumas, Goscinny, Shakespeare : en gros tous les auteurs qu'on a pu lire et qui nous ont marqués ! Ainsi que l’actualité, indirectement...
Noë Monin : On n’a pas oublié le clin d'œil à Tintin dans le titre aussi !
Comment avez-vous composé ce premier tome très dense ?
Noë Monin : Plus je dessinais, plus je me posais cette question : mais combien y a-til d'albums dans ce premier tome ? On avait prévu quatre tomes pour la mise en place de l'univers. Le deuxième tome était un peu faiblard, donc on est passé à trois tomes avec plus de pages pour chacun, ce qui nous a permis de charger énormément l'ouverture de la série.
On voulait montrer l'enfance et l'adolescence des personnages principaux, afin de donner leur évolution ainsi que la naissance de leur amitié. On ne voulait pas non plus finir juste avec la quête de la foudre, il fallait placer la suite sans créer un final bancal.

Luc Venries : Une quête ne nous suffisait pas, il nous était nécessaire de les faire revenir. Car quand un héros se barre pendant trois ans, il y a forcément des conséquences...
Yoann Courric : Et pour faire tenir tout ça en soixante-deux pages, Luc a dû apprendre le sens du mot ellipse. [Rires]
Luc Venries : Hé ! C'est moi qui ai mis en place les ellipses les plus terribles...
Yoann Courric : Je le charrie, mais c'est lui qui a eu les idées d'ellipses les plus originales, comme celles l’arbre en double page.

Noë Monin : On a aussi essayé d'égaliser le nombre de pages entre les scènes d’apparition de Van et celles de Faust, car le ce premier a tendance à tirer la couverture à lui dès qu'il ouvre la bouche, vu qu'il est doué en parlotte. Faust est un peu plus en retrait, plus dans l'action.
De quelles cultures est né la société d’Âpretagne ?
Yoann Courric : Avec l'Âpretagne, on s'est retrouvés un peu piégés par son nom et sa référence à la Bretagne : on a décidé d'assumer en appuyant le côté celte.
Luc Venries : De base, les personnages avaient déjà des kilts, donc on a travaillé sur une Bretagne fantasmée qui aurait des influences écossaises et scandinaves.

Noë Monin : Le mélange des trois a créé l'Âpretagne. Pour l'Empire Denbâs, c'était un peu plus compliqué car on l'a créé à partir d'une religion monothéiste qui vénère un certain prophète Vézu.
Yoann Courric : On a fait référence à la religion chrétienne pour égratigner les trois religions monothéistes. La particularité de l’empire, c’est que la religion met le pouvoir dans les mains de trois rois saints. On verra plus en profondeur dans le second tome, comment se combinent royauté et théologie, avec tous les pouvoirs condensés en trois personnes, chiffre qui permet de créer pas mal discordances...
On voulait aussi en éviter le manichéisme : chacun a ses raisons, car il y a des conversions, des jeux de pouvoir et le changement de culture d’un peuple qui était polythéiste... Et ce n’est que le début !

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