Lewis Trondheim et Olivier Vatine nous expliquent l’aventure Infinity 8, dans laquelle ils ont embarqué au scénario Zep, Emmanuel Guibert, Boulet, Vehlmann, Kris, Davy Mourier et au dessin Bertail, Balez, De Felici, Biancarelli, Killoffer, Trystram. Retour sur un la création de ce récit aux accents très pulp !
Une boucle, des auteurs
Comment est née la série Infinity 8 ?
Olivier Vatine : Je suis pointé un soir chez Lewis avec plein de références science-fiction des années 30, du type des filles en bikini avec des scaphandres en forme de bocal à poisson, Star Trek. Avec mes compères du Comix Büro [structure éditoriale indépendante créée par Olivier Vatine, Agnès Charvier et Olivier Sztejnfater N.D.L.R.], on voulait lui demandé un scénario de science-fiction autour de ça...
Extrait de Romance et Macchabées
Lewis Trondheim : Il m’a demandé une série concept avec de l’action, de l’humour et de l’aventure. Je me disais que je n’avais pas le temps mais 3 jours après j’avais une idée ! J’ai proposé au Comix Büro d’aller au resto et si mon idée est bonne, ils paient ma part. Si elle n’est pas bonne, je les invite : ils ont payé ma part...
Olivier adore les filles en scaphandre avec des gros seins, moi pas trop. Mais on a en commun l’amour de l’âge d’or de la littérature SF. Le tout c’était de savoir comment se correspondre là-dessus. Je ne voulais pas faire des histoires peuplées de bimbos sans cervelle : Olivier peut dessiner de belles femmes mais il fallait qu’on les sente intelligentes.
Olivier : De simples héroïnes pin-up en combi ultra-moulante ça défrisait un peu Lewis, donc il leur a créé des supers personnalités et des enquêtes à résoudre dans l'espace.
Lewis : Dans l’absolu, j’aurai préféré faire des personnages comme Maggy Garrisson ! Cela dit, je me suis beaucoup amusé pour l’épisode où Killoffer est au dessin. J’avais prévu que la lieutenant du QG soit l’héroïne mais quand je lui ai demandé quel genre de personnages il voulait dessiner, Killoffer a répondu « moi ». C’était parti pour un tome de Killoffer, incarné par Ruffo, en combinaison moulante. Et comme il ne rentrait pas spécialement dans le modèle de combinaisons de Vatine, c’était drôle.
Extrait de Romance et Macchabées
Comment s’est construit le récit ?
Lewis : Dès que j’ai eu l’idée du reboot à la fin de chaque tome, j’ai su que je voulais travailler à chaque fois avec un co-scénariste qui me donne des idées que je n’aurais pas eu seul. Je voulais m’enrichir des autres ! Ce n’est qu’à force de travailler sur les albums que j’ai vu que le concept était viable. Chose qui n’était pas du tout sûre au début !
On a réuni une équipe de co-scénaristes et de dessinateurs pour ces huit tomes avec qui on voulait travailler sur ce récit. Je me suis retrouver à diriger l’écriture avec tous les co-scénaristes. J’ai écrit les structures avec tout le monde, la continuité dialoguée tout seul quasiment tout le temps. Et Olivier a pris en charge tout la direction graphique pour qu’on garde l’unité : le vaisseau, les costumes, les flingues, le mégaboard, etc.
Extrait de Romance et Macchabées
Olivier : D’ailleurs au départ quand on se voyait avec Lewis pour avancer sur l’histoire, ça dérapait vite...
Lewis : ... sur l’apéro...
Olivier : ... mais aussi sur comment s’agençait l’intérieur du vaisseau ! Finalement c’est lui le personnage principal et récurrent. Son esthétique un peu épurée à la sixties existait déjà depuis quelques années car avec Lewis, on avait projeté de faire un Spirou de science-fiction. L’infinity 8 vient de mes croquis de l’époque !
Plan de l'Infinity 8
Un univers barré mais cohérent
Et comment maintient-on la cohérence à flot dans ce vaisseau ?
Lewis : Parfois la cohérence se fait d’elle-même : quand Bertail a créé des personnages hyper bizarres, tout le monde a suivi et mis moins d’humanoïdes à bord du vaisseau. Et quand De Felici, qui est le premier à avoir terminé son tome, avait mis la barre très haut, tout le monde a voulu s’aligner !
Extrait de Retour vers le Füher
Sur le récit, j’ai servi à dire pointer certaines choses : ça c’est pas possible, on l’a déjà vu dans tel album ou il se passe ça dans tel reboot... Et le scénario global s’est aussi adapté aux envies de chacun ! Romance et Macchabées ne devait pas être le premier tome mais le second. Comme il fallait bien que les Kornaliens, qui deviennent fous en arrivant dans la nécropole, soient enfermés dès la première boucle temporelle, il fallait que ce volume ouvre la série, sinon le scénario n’est pas crédible...
J’ai aussi aidé à la combinaison d’éléments : De Felici avait une scène dans une prison et Olivier n’en avait pas créé. J’ai donc demandé le plan de la prison à Boulet, vu qu’il a une scène qui s’y déroule. De Felici a designé la prison sur ce plan et Boulet a dessiné sa scène de prison dans un lieu au design conçu par Fellici qu’il a redessiné.
Olivier : Pour prendre un niveau extrême de cohérence, on a du beaucoup freiner Trystram, qui voulait mettre des clins d’œil à toutes les pages. Faire jouer Kris en pleine course-poursuite, pas de soucis mais il fallait que la série ne parte pas dans tous les sens.
Extrait de Retour vers le Füher
Qui a choisi les thèmes de chaque album ?
Lewis : J’ai pitché l’univers à chaque co-scénariste en ajoutant ce qui se passe dans les albums déjà écrits. Le co-scénariste choisit son thème et on voit ensemble comment il s’intègre : Zep voulait une amourette, moi j’ai dit d’accord mais on va y adjoindre des nécrophages pour l’action... Vehlmann a apporté l’idée de la religion sectaire...
Et Emmanuel Guibert m’a même reçu en disant « Je veux bien discuter avec toi de ton projet, mais je ne crois pas une seconde à ton histoire : déjà les êtres humains n’arrivent pas à vivre entre eux sans s’entretuer alors des centaines de races confinées pendant un mois et demi dans un vaisseau... Mais partons du principe que cela fonctionne, qu’est-ce qui se passerait ? » Et nous avons plus parlé de son rapport à l’humanité que du scénario, ce qui m’a servi à créer un personnage de cet album.
En fait, chaque album est une surprise : Boulet qui dessine et co-scénarise un autre tome a fait lui-même sa continuité dialoguée. Ce qui a amené un humour que je n’aurai pas eu si je l’avais faite. Et pour l’album final, j’ai récupéré son personnage !
Vous envisagez d’exporter ce comics made in France aux Etats-Unis ?
Lewis : Oui, surtout qu’on a prévu dans chaque récit une césure à la page 30 et 60 pour permettre une publication en format comics souple. Et c’est en cours de signature aux Etats-Unis !
Vous envisagez de faire une autre série sur ce modèle ?
Olivier : Dis oui !
Lewis : On ne sait pas encore mais c’est un gros boulot ! Déjà il faut que le public s’amuse à lire autant que nous on s’est amusés à créer ces albums !
Extrait de Retour vers le Füher
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