ZOO

Double 7 : La Liberté ou Mourir

La guerre d’Espagne, une histoire d’amour, des avions : Yann et André Juillard se retrouvent pour un récit très documenté. Double 7 repose sur des bases historiques et allie romanesque à la grande Histoire. Une fresque sans concession et pourtant romantique.

Pourquoi choisir comme contexte la guerre d’Espagne, entre 1936 et 1939? Yann en est l’instigateur : « Mon histoire était centrée sur des personnages qui avaient existé : le célèbre photographe Capa, sa compagne Gerda Taro et Hemingway. André Juillard voulait autre chose. » Le dessinateur préférait « une fiction qui tournait autour de Roméo et Juliette. »

Et précise « Je sortais du Blake et Mortimer sur Shakespeare. J’avais revu le Roméo et Juliette de Zeffirelli. Il y avait de quoi faire quelque chose dans le style. » Yann reprend la balle au bond : « Pendant la guerre d’Espagne, condensé d’horreurs, une belle histoire d’amour romantique ne pouvait pas faire de mal. » D’où le scénario articulé autour du coup de foudre entre Roman, pilote envoyé par Staline pour aider les Républicains, et Lulia, la jeune Espagnole, qui se bat contre les Franquistes.

Si le couple de personnages est formé, il fallait lui écrire un destin d’exception dans un environnement tragique. Yann montre la puissance des Soviétiques avec leurs commissaires politiques intransigeants. Ils vont systématiquement éliminer anarchistes, socialistes, au profit des communistes espagnols. Ce que souligne André Juillard : « Staline voulait une Espagne uniquement aux mains du Parti Communiste. Une tragédie sans nom, premier round de la Seconde Guerre mondiale. » Avec « l’emprunt » des réserves d’or de la République espagnole par les Soviétiques sous prétexte de les protéger. Double 7 a alors pris son envol.

Car Double 7, c’est aussi une histoire d’aviation. Le quotidien d’une escadrille formée de mercenaires étrangers et de pilotes venus d’URSS, la Double 6, dont l’insigne est un domino de ce chiffre. Au lecteur de découvrir pourquoi le chiffre 7 apparaît. Un détail véridique ! Et les avions, Julliard les aime autant que Yann : « J’ai acheté des maquettes du chasseur Polikarpov. C’est agréable de dessiner les avions pittoresques de cette époque. Durant les combats aériens, la pagaille régnait dans le ciel et j’ai cherché des compositions, des angles pour que ce soit crédible. » Son dessin, une fois de plus, décolle, s’implique, s’impose avec cette ligne claire à la force réaliste incomparable.

Plus vrais que vrai

L’album rend hommage au combat des femmes espagnoles. La liberté ou mourir pour Lulia. Yann a « découvert que les Espagnoles ont obtenu beaucoup plus tôt que les Françaises des droits importants pendant la République, notamment le droit de vote (que Franco n’a pas rejeté) et celui à l’avortement. » Sa fresque est sanglante comme l’a été cette guerre civile. « Tout ce qui semble too much est authentique sans tomber dans le gore » ajoute Yann. Juillard complète « Je n’ai pas envie, Yann non plus, de raconter n’importe quoi. Ce sont des personnages et des faits plus vrais que vrai. » Malgré un pilote français dans l’escadrille, Yann passe rapidement sur le rôle peu glorieux de la France pendant la guerre d’Espagne.

De l’action bien réglée, à la Yann, maîtrisée par le trait de Juillard et une superbe couleur directe, Double 7 a toutes les qualités pour s’imposer derrière le destin d’un jeune couple que chacun pourra, astuce scénaristique, conclure à sa façon. Pour l’instant, pas de nouveau projet validé pour le duo Yann-Juillard malgré une piste algérienne. Yann travaille sur un Buck Danny Classic avec Arroyo, un album avec Lereculey, une nouvelle série d’aviation avec Henriet et un second Atom Agency. Pour Juillard, ce sera un Lena avec Christin, un possible Blake et Mortimer avec Sente, en Cornouailles sur le thème de la légende du roi Arthur mais surtout une forte envie d’écrire un scénario qui pourrait se passer au XVIIIe siècle.

Article publié dans le magazine Zoo n°68 Novembre - Décembre 2018

Haut de page

Commentez

1200 caractères restants

Commentaire (1)

L'interview du Mag. Zoo en format Mag.

Le 19/11/2018 à 21h44